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de plus en plus fréquemment le caractère de véritables leges edictales, tandis qu'auparavant elles étaient plutôt émises en forme de rescrits. Il faut reconnaitre encore que les ordonnances i mpériales témoignent dès ce moment de la décadence du droit, tant dans la forme de leur rédaction, presque toujours incorrecte, affectée et prolixe, que dans le fond de leurs dispositions, souvent très-arbitraires.

Qu'il continuât de se former à côté d'elles un droit coutumier proprement dit, c'est ce dont il n'est guère permis de douter; mais ce droit paraît avoir surtout affecté le caractère de coutumes provinciales ou plus locales encore, parce qu'il ne rencontrait plus de vie propre dans le peuple, et qu'il manquait

d'un centre.

L'organisation politique de l'empire, telle qu'elle 'était à cette époque, dut faire perdre peu à peu au droit romain cette forte empreinte de nationalité qui • le distinguait jadis, et rendre de plus en plus prédominante une certaine tendance à un caractère universel, se pliant également à toutes les nationalités, tendance qui avait commencé à apparaître depuis l'introduction du jus gentium dans le droit positif. Cette direction des sources actuelles du droit écrit était précisément propre à faire sentir le besoin de coutumes particulières dans certains districts ou dans certaines provinces, où des circonstances spéciales semblaient les rendre nécessaires. A la vérité, nous n'avons que peu de renseignements à ce sujet, parce que ces coutumes ne furent pas rédigées et recueillies dans les codes.

Inter æquitatem jusque interpositam interpretationem nobis solis et oportet, et licet inspicere. CONSTANTINUS, c. 1, C., 1, 14, De legib.

in præsenti leges condere soli imperatori concessum est,

et leges interpretari solo dignum imperio esse oportet. JUSTINIANUS, c. 12, C., eod.

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Constitution de Valentinien III sur la citation des écrits
des jurisconsultes.

Outre les constitutions impériales, source principale du nouveau droit, on considérait comme étant encore en vigueur, au moins nominalement, toutes les anciennes sources du droit, les leges duodecim tabularum, les leges populi, les plebiscita, les senatus consulta, les divers edicta magistratuum, etc.; mais on avait perdu depuis longtemps l'habitude de puiser immédiatement à ces sources on n'y avait recours que médiatement dans la nouvelle forme plus simple et plus méthodique qu'elles avaient prise sous la main des jurisconsultes qui avaient cultivé la science avec le plus d'éclat.

Mais, quoique ainsi élaborés, ces monuments de l'ancien droit étaient encore au-dessus de la portée des juges de ce temps-là, qui ne pouvait en posséder l'ensemble, ni en comprendre l'esprit.

Les principales difficultés que rencontrait l'administration de la justice étaient, d'un côté, la masse énorme d'ouvrages de jurisprudence que les juges avaient à consulter et à comparer, pour démêler laborieusement le droit en vigueur; d'un autre côté, les nombreuses controverses et la diversité d'opinions que présentaient les écrits des anciens jurisconsultes. Les juges, suivant ce qu'avait prescrit Adrien, devaient examiner ces diverses manières de voir, opiniones, et se décider en faveur de l'une d'elles par une conviction motivée. Mais l'effort qu'exigeait cet examen réfléchi et indépendant excédait désor

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mais la capacité de juges en qui le vrai sens scientifique était éteint; aussi aspiraient-ils à voir fixer un nombre limité d'autorités qu'ils n'eussent plus qu'à invoquer, afin d'échapper par là à la nécessité de prendre parti par eux-mêmes.

Il paraît que déjà Constantin avait conçu le projet de satisfaire, au moyen de quelques recueils juridiques, à ce besoin réellement très-pressant de son siècle; mais jusqu'à quel point et de quelle manière entendait-il le mettre à l'exécution, c'est ce qui n'est pas clair à cause de notre pénurie de documents à cet égard 1.

Théodose II et Valentinien III, les premiers, firent un pas décisif vers ce but, en publiant une constitution qu'on appelle ordinairement en Allemagne loi de citation (Citirgesetz). Ce n'était qu'une extension et un complément de la mesure qu'Adrien avait prise, pour ne pas laisser dans la pratique un champ trop vaste aux controverses sur le droit. Tous les écrits, scripta universa, de cinq jurisconsultes de la période précédente, Papinien, Paul, Gaius, Ulpien et Modestin, devaient avoir formellement force de loi. Au contraire, les écrits, tractatus et sententiæ, des autres jurisconsultes, n'auraient force de loi qu'autant qu'ils seraient cités dans les ouvrages des cinq précédents. Seulement les écrits de ces jurisconsultes, qui pouvaient avoir été altérés par le temps, seraient soumis à une révision préalable, par la comparaison des manuscrits, sous le rapport de leur texte, et même de leur authenticité, suivant les circonstances. Si ces jurisconsultes, revêtus ainsi

1 Deux constitutions nouvellement découvertes, c. 1. et c. 2, Cod. Theod., I, 4, De responsis prud., sont relatives à ce projet de Constantin; mais elles ne laissent pas apercevoir l'ensemble de son plan.

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d'une autorité législative, différaient d'opinion entre eux, la majorité des voix déciderait; en cas d'égalité, l'avis de Papinien l'emporterait, et c'était seulement quand Papinien ne s'était pas expliqué sur la question, que le juge devrait l'examiner lui-même et se prononcer, dans sa sagesse, pour l'une des solutions données.

Papiniani, Pauli, Gaii, Ulpiani atque Modestini scripta universa firmamus, ita ut Gaium, quæ Paulum, Ulpianum et cunctos comitetur auctoritas, lectionesque ex omni ejus opere recitentur. Eorum quoque scientiam, quorum tractatus atque sententias prædicti omnes suis operibus miscuerunt, ratam esse censemus, ut Scævolæ, Sabini, Juliani atque Marcelli, omniumque, quos illi celebrarunt, si tamen eorum libri, propter antiquitatis incertum, codicum collatione firmentur. Ubi autem diversæ sententiæ proferuntur, potior numerus vincat auctorum, vel si numerus æqualis sit, ejus partis præcedat auctoritas, in qua excellentis ingenii vir Papinianus emineat, qui ut singulos vincit, ita cedit duobus. Notas etiam Pauli atque Ulpiani in Papiniani corpus factas (sicut dudum statutum est) præcipimus infirmari. Ubi autem pares eorum sententiæ recitantur, quorum par censetur auctoritas, quod sequi debeat, eligat moderatio judicantis. Pauli quoque sententias semper valere præcipimus. THEODOS. et VALENTIN., c. 3, Cod. Theod., 1, 4, De resp. prud.

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Les Codices constitutionum.

Il était plus aisé de satisfaire à une autre exigence du temps, amenée par la difficulté de connaître toutes les constitutions impériales qui étaient en fort grand nombre et éparses; car ici se présentait naturellement l'idée de recueils, codices constitutionum. Au commencement, on y pourvut par des recueils priyés, entre lesquels le plus usuel, sinon peut-être l'unique, fut celui que publia un nommé Gregorianus, qui nous est d'ailleurs inconnu. Ce Codex Gre

gorianus, dont l'époque ne saurait être exactement fixée, mais ne peut, en tout cas, remonter au delà du commencement du Iv° siècle, se composait principalement de rescrits antérieurs à Constantin. A ce recueil s'en rattache un second, dû à Hermogenianus, Codex Hermogenianus, qui paraît avoir été un supplément du premier 1. L'époque où il parut est aussi difficile à préciser, mais ne doit pas être antérieure au milieu du vr° siècle.

Mais, plus tard, Théodose II fit dresser une nouvelle collection officielle de constitutions, qui fut publiée en l'an 438. Ce Codex Theodosianus était destiné à servir de complément au Codex Gregorianus et au Codex Hermogenianus; car, d'après son plan, il ne remonte que jusqu'à Constantin, et contient en très-grande partie des édits.

Le Code Théodosien est divisé en seize livres, qui se subdivisent en titres. Il s'est conservé jusqu'à nous, mais non dans son intégrité'.

Les constitutions émises après la publication du Code Théodosien et qui, par conséquent, ne purent pas y être insérées, prirent le nom de novella constitutiones, expression dont l'usage s'est répété depuis.

On n'aperçoit pas clairement à quel genre doit

Ces deux codes se trouvent dans Schulting, Jurisprud, vet. antej., p. 683-718, et dans le Jus civile antejust., publié à Berlin, par Hugo, t. I, p. 265 et suiv. L'édition critique la plus récente est celle de G. Haenel, Bonn, 1837, dans le second volume du Corpus juris civilis antejustinianei de Bonn.

* Parmi ses éditions, il faut mettre en première ligne celle qui a été donnée par Jacques Godefroi, avec un excellent commentaire ; elle a été plus tard encore améliorée et augmentée par Daniel Ritter, Leipzig, 1736-1743, 6 vol. in-fel. Le Code Théodosien se trouve aussi dans le Jus civ. antej., de Berlin, t. I, p. 175 et suiv. G. Haenel en a donné une nouvelle édition critique dans le Corp. jur, civ, antejust. de Bonn, 1842.

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