Page images
PDF
EPUB

VII. Attentions

en concluant des

On ne fçauroit trop expliquer en détail, dans les Traités qu'on doit avoir d'Alliance, quels feront les fecours qu'on fe donnera mutuelTraités d'Allement, aux dépens de qui ils feront donnés, le tems & les lieux, dans tous les divers cas, & de toutes les différentes manières qu'il eft poffible de prévoir.

VIII.

[ocr errors]

Principes fur J'établirai ici quelques principes fur la juftice des Allian& fur ces, & fur l'exécution qu'elles doivent avoir entre ceux

la juftice des Al

leur exécution.

qui les ont faites.

I. L'intérêt en eft le feul lien ; & l'on fe flatteroit en vain que celle qu'on fera fera durable, fi elle n'eft avantageuse à tous les Alliés. En faifant une Alliance, il faut confidérer quel est actuellement l'intérêt de ceux qui s'allient, & quel cet intérêt pourra être à l'avenir. Les évènemens changent les intérêts; & les intérêts, les Alliances. C'est pour la fureté de ses peuples qu'un Prince a fait une Alliance, c'eft pour cette même fureté qu'il doit prendre d'autres mesures lorfque fes intérêts ont ceffé d'être les mêmes. Le bien des peuples eft le fondement & des Traités & des changemens qu'on y fait, parce qu'il eft le premier des devoirs des Souverains; mais un Prince qui veut prendre d'autres engagemens, & qui n'a pas étouffé le cri de ce Juge intérieur qui parle au cœur de tous les hommes, avertit son Allié que les changemens arrivés, ne lui permettent pas de démeurer dans fon Alliance, afin que de fa part, il puiffe prendre d'autres mefures.

II. L'Alliance qu'on fait pour un tems, avec un Prince qui est actuellement en guerre, eft légitime, pourvû que le fujet qu'il a de faire la guerre le foit. On ne s'engage alors que pour le tems de la jufte guerre que ce Prince a fur les bras, & pour tout le tems de la paix qui lui doit fuccéder.

III. Deux Etats peuvent faire des Alliances perpétuelles, pour des objets fixes & déterminés, que la justice avoue, mais il eft abfurde de prétendre obliger un Etat d'en appuyer éternellemennt

éternellement un autre, dans toutes fortes d'occafions, & pour toutes fortes de querelles, légitimes ou déraisonnables.

IV. On ne peut légitimement s'obliger d'appuyer un Etat dans toutes les querelles qu'il aura, quelles quelles foient, parce que perfonne ne doit entreprendre ni foutenir une guerre injuste, & qu'un Prince ne peut appuyer fon Allié dans une guerre de cette nature, fans participer à fon injustice. Plufieurs Auteurs enfeignent qu'on ne doit pas donner les fecours promis, lorfque la guerre ne paroît pas jufte; mais par-là, il feroit facile d'éluder l'exécution d'un Traité, sous le prétexte de cette injuftice; toutes fes claufes fe trouveroient énervées par cette reftriction tacite : Si je le trouve à propos. On peut, dans les Traités, exprimer des limitations bien déterminées, mais ce qui n'a pas été excepté en termes exprès, doit indifpenfablement avoir lieu. Tous les cas poffibles doivent être prévus, avant qu'on faffe un Ttaité; mais, dès qu'il eft conclu, il ne doit plus refter qu'à l'exécuter. Si l'injustice de la guerre étoit absolument évidente; il vaudroit assurément beaucoup mieux rompre l'Alliance, que de participer à cette injustice. Quand on a eu le malheur de faire un ferment criminel, c'eft réparer fa faute que de le défavouer (p). Mais pour les cas communs & ordinaires, laiffer à un Allié le droit d'en juger, ce feroit lui permettre de régler à fon gré, jufqu'où il lui plaît que le Traité l'engage, ce feroit le laiffer le maître de fixer l'étendue de fon engagement.

V. On peut s'allier avec différens Princes à la fois, mais ce doit être à condition que, lorfqu'ils feront en guerre l'un contre l'autre, on demeurera dans une parfaite neutralité. Quand le cas n'a pas été prévu, & qu'on a deux Alliés qui fe font la guerre, l'on doit tâcher de les accommoder. Si

(P) Quod in fe malum eft, nullâ ratione finis quantumvis honeftiffimi, cohoneftari poteft, D. Thomas.

[merged small][ocr errors]

cela eft impoffible, & qu'on examine auquel des deux on il eft évident que,

eft obligé de donner du fecours, que, toutes chofes d'ailleurs égales, on doit fecourir celui des deux dont la caufe paroît la plus jufte à l'Allié commun. Que fi cet Allié commun ne voit pas clairement de quel côté eft la justice, en fuppofant que l'examen fe faffe de bonne foi, & non dans la vue d'éluder l'Alliance, il ne doit fecourir ni l'un ni l'autre..

VI. Un Prince qui a une Alliance défenfive avec un autre Puiffance, fait toutes fortes d'injures & d'injustices à un tiers, qu'il force par-là de lui déclarer la guerre. Eft-il en droit de prétendre du fecours de fon Allié? Non, s'il a manifestement provoqué l'attaque.. Les Traités défenfifs doivent avoir pour objet d'empêcher l'oppreffion; & ils cefferoient d'être juftes, s'ils la favorifoient ouvertement, comme dans l'hypothèse propofée. Un homme qui couvre fon champ ou celui de fon allié, & qui fe tient fur fes limites pour re+ pouffer les affauts ennemis, eft fimplement fur la défensive, mais s'il paffe outre, il devient aggreffeur.

VII. Quand un Prince eft attaqué, fans avoir provo qué l'attaque, l'Allié qui lui eft uni par un traité défensif, doit indifpenfablement le fecourir. Que fi l'attaque eft repouffée, & que, par les fuites de cette guerre défenfive, l'affailli devienne l'affaillant, & porte à fon tour la guerre dans les Etats du Prince qui l'avoit attaqué le premier, l'Allié qui, en conféquence d'un Traité défentif, lui avoit donné le fecours ftipulé, eft obligé de le lui continuer, jufqu'à ce que le Prince qui avoit été attaqué le premier, ait reçu un jufte dédommagement des lui a caupertes que la guerre fées. Les événemens de la guerre, heureux ou malheureux, n'en changent point la nature, & le fecours eft dû pour réparer le mal, comme il l'étoit pour l'éviter.

VIII. Un Souverain lié à un autre Souverain, par un

[ocr errors]

Traité offenfif, & qui a en conféquence affifté son Allié dans une guerre offensive, eft, en quelque manière, dispensé de Jui donner du fecours dans cette guerre offenfive, quelque jufte qu'elle foit, lorsque les deux Alliés font hors d'état de la foutenir, `même par leurs forces réunies, & que l'ennemi offre des conditions supportables. Qui voudra feconder les efforts d'un Etat, lequel, ne pouvant foutenir la guerre ni avec fes forces ni avec celles de fes Alliés, refuse cependant la paix? Qui voudra se perdre avec lui? Ce n'est que dans ce fens là qu'on peut admettre la maxime de quelques Ecrivains qu'on n'eft pas obligé de donner du fecours à un Allié, lorsqu'il n'y a aucune apparence de fuccès. Toute Alliance fe contracte fans doute, en vue du bien qu'on en efpère, & non dans la vue du mal qui en peut arriver. Mais, quel feroit l'objet de l'Alliance, fi les Alliés n'étoient obligés de s'expofer à quelque péril, à quelque perte, pour sé

courir leurs Alliés?

IX. Dans cette claufe: Aucun Allié ne pourra traiter avec l'ennemi commun, fans le confentement des autres, claufe qui fe trouve & qui doit néceffairement fe trouver dans tous les Traités qu'on conclut pour faire la guerre, il faut toujours fous-entendre que les Alliés feront obligés d'accepter les conditions raisonnables qui leur feront offertes. Un Etat n'est pas obligé de facrifier fes intérêts les plus effentiels à l'Alliance contractée pour l'avantage commun. Si un Allié refufe obstinément la paix, à des conditions réellement avantageufes, il viole lui-même l'Alliance, en s'éloignant de l'efprit qui l'a formée, & il dispense les Alliés de concourir avec lui. Mais un Souverain ne doit pas fe faire illufion en prenant fon propre changement pour un entêtement de fon Allié. I faut que l'obftination de l'Allié, foit réelle ; &, dans ce cas-là même, le Souverain doit notifier à fon Allié, qu'il trouve, les propofitions de l'ennemi raisonnables, & qu'il fera la

Paix féparément, fi fon Allié ne fe détermine dans un cerà tain tems à l'accepter.

Je rapporterai ici deux exemples qui peuvent fervir à faire connoître la règle.

Rome & Carthage étoient en Paix, & la paix comprenoit les Alliés de part & d'autre, lorsqu'Annibal qui cherchoit la guerre, affiégea Sagonte. La chûte tragique de cette ville infortunée, eft une hiftoire connue. Les Ambaffadeurs de Rome fe plaignirent dans le Sénat de Carthage, de l'infraction de la paix. Les Carthaginois se mocquèrent de ces plaintes; les Sagontins (difoient-ils) font bien maintenant vos Alliés; mais votre confédération avec eux, n'a été faite que depuis notre Traité, & notre Traité ne peut ni ne doit s'entendre que des Alliances que chacun avoit alors. Ce fut le fujet de la feconde Guerre Punique. Tous les Hiftoriens détestent la perfidie des Carthaginois; mais en étoit-ce bien une dans le point de vue que je viens de préfenter? Non, parce que le Traité qui lioit Carthage & Rome, ne pouvoit s'entendre que des Alliés que ces deux Puiffances avoient alors, fans quoi Rome auroit pû défarmer Carthage, en s'alliant avec un ennemi avec qui Carthage auroit été aux mains, ou bien les Carthaginois auroient pû faire la même chose aux Romains. Ainfi, les Carthaginois purent attaquer les Sagontins, fans violer le Traité de Paix qu'ils avoient avec Rome; mais les Romains pouvoient, de leur côté, donner du fecours aux Sagontins, par la même raison, c'eft-à-dire, parce qu'ils n'étoient liés, à cet égard, par aucune clause du Traité. Indépendamment, de toute convention expreffe, c'est rompre avec un Prince que d'entrer en liaison avec fes ennemis, ou de faire la guerre à fes Alliés (9); mais on ne peut pas

(4) Quibus igitur rebus amicitia violatur? Nempè his maximè duabus, fi focios meos pro hoftibus habeas, fi cum hoftibus te conjungas. Tit. Liv. Décad. III; lib. I.

« PreviousContinue »