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NOTES DES ODES ET ÉPODES.

QUO

ODES.

UOIQUE en général les ouvrages des bons esprits soient fort clairs, il y a dans ceux d'Horace un assez grand nombre de passages que tout le monde n'explique pas de la même manière. C'est probablement la faute du temps, qui nous a dérobé la connaissance de quelque circonstance, ou celle des copistes qui ont altéré le texte original. Je ne me charge point d'expliquer ce que je n'entends pas; je rapporterai, lorsqu'elles me paraîtront probables, les opinions des hommes instruits qui ont essayé de répandre quelque lumière sur les passages les plus obscurs.

Dans ces derniers temps, M. Mitscherlich et M. Preiss en Allemagne, M. Charles Fea à Rome, et M. Vanderbourg parmi nous, ont compulsé, avec beaucoup de soin et de sagacité, des manuscrits qu'on avait peu étudiés, et il en est résulté des leçons nouvelles et des explications utiles.

Un Anglais, M. le chevalier Croft, a cherché à éclaircir le texte d'Horace, seulement par les changemens qu'il propose dans la ponctuation. Affranchi de tout respect pour l'autorité des anciens, puisqu'ils ne ponctuaient pas, M. le chevalier Croft a trouvé le secret de faire un livre plus piquant et souvent plus instructif que beaucoup d'autres.

Je me garderai bien d'entrer dans la discussion de tous les systêmes de ponctuation auxquels un passage peut donner lieu. Je me bornerai à quelques exemples.

LIVRE PREMIER.

ODE I.

L'ode Ire est une de celles sur lesquelles la sagacité du critique anglais s'est exercée. Sa manière de ponctuer cette ode diffère

quelquefois de la belle édition de M. Didot; par exemple, dans ce passage,

Sunt quos curriculo pulverem olympicum

Collegisse juvat; metaque fervidis
Evitata rotis, palmaque nobilis,

Terrarum dominos evehit ad deos,

le critique fait remarquer qu'il y a ici trois circonstances principales, la poussière, la borne, et la palme. La poussière qui s'élève, la borne qu'il faut éviter, voilà les circonstances de la course, la palme en est la récompense.

La seconde de ces circonstances, ayant plus d'analogie avec la première qu'avec la troisième, doit être liée avec la première pour gouverner en commun le même verbe, et le sens qui résulte de ce systême de ponctuation est celui-ci. « Il en est qui sont charmés « d'élever des flots de poussière dans la carrière olympique et d'éviter la borne. La palme les place au rang des dieux. »

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La raison adopte pleinement une pareille manière de séparer les idées.

M. Didot a, si j'ose le dire, considéré la phrase plus matériellement. « Il en est qui se plaisent à faire voler la poussière dans la « carrière olympique. La borne qu'ils ont évitée et la palme

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qu'ils ont obtenue les placent au rang des dieux.›

En effet, dans cette manière de lire, la phrase est plus symétrique : on évite l'inconvénient de placer deux nominatifs dans le premier membre de la phrase dont le verbe est juvat, et qui feraient desirer le pluriel juvant; mais cet inconvénient se retrouve au dernier vers, où meta et palma font desirer evehunt au lieu d'evehit.

à

L'objection la plus forte qu'on puisse faire, ce me semble, M. le chevalier Croft, est que son systême suppose cette construction : sunt quos collegisse curriculo pulverem olympicum et meta evitata fervidis rotis juvat et palma nobilis evehit ad deos. Or cette phrase manque évidemment de cette symétrie qui, dans les vers et surtout dans la poésie lyrique, est avouée par le goût, et souvent recherchée par les poëtes.

« Avoir fait lever des flots de poussière », voilà un infinitif qui sans doute peut faire l'office de substantif; mais cet infinitif n'a

point de grace quand on l'associe à un substantif véritable gouverner le même verbe.

pour

Il me paraît que l'intention de l'auteur est indiquée par la forme qu'il a donnée à sa phrase.

D'abord un verbe à l'infinitif ne fait pas nécessairement l'office de substantif, quand la phrase peut être construite naturellement d'une autre manière, sunt quos juvat collegisse pulverem olympicum.

Et ensuite metaque, palmaque, ces deux nominatifs, disposés symétriquement, paraissent, dans l'intention de l'auteur, destinés à marcher ensemble.

Je conclus de cela, en reconnaissant la justesse du raisonnement de M. le chevalier Croft, que, grammaticalement, il est mieux de ponctuer cette phrase comme M Didot.

Je ne voudrais pas non plus placer le mot curriculo entre deux

virgules, comme M. Croft le propose. Il en donne pour raison que

le rapport de ce mot aux deux membres de la phrase, la poussière et la borne, est mieux indiqué en le plaçant entre deux virgules qui le détachent. Mais je viens de dire que je croyois mieux de lier le second membre au troisième; et d'ailleurs comment curriculo entrerait-il dans la phrase meta evitata rotis, puisque cette phrase est complète ?

Je préfère donc, dans les deux endroits, la ponctuation de M. Didot.

Dans cette autre phrase,

Nec partem solido demere de die

Spernit, nunc viridi membra sub arbuto

Stratus, nunc etc.

M. Croft met un point et une virgule après spernit ; j'aime mieux ne mettre qu'une virgule, comme M. Didot; parceque, si l'on détache les deux vers suivans, on n'aura qu'une phrase incomplète.

Enfin je prendrais un milieu entre la virgule que M. Croft place après barbiton et le point de M. Didot. Les deux derniers vers ne forment pas, ce me semble, une phrase entière; le quod qui les commence indique la liaison avec ce qui précède; ainsi il ne faut pas les en séparer par un point.

Voilà donc quatre changemens que je propose à la ponctuation de M. le chevalier Croft.

Il explique et ponctue fort bien la phrase hunc si mobilium, etc. Il y a trois caractères, l'homme qui brigue les honneurs, celui qui veut entasser dans ses greniers tous les grains de la Libye, et celui qui est satisfait de cultiver les champs de ses pères. J'ai mal traduit cela; mais il n'en est pas moins vrai que M. le chevalier Croft a raison.

ODE II.

Vers 17. Ilie, épouse du Tibre, était mère de Romulus, et par conséquent devait être affligée de la mort de César son petit-fils. ODE III.

Navis, quæ tibi creditum

Debes Virgilium, finibus Atticis

Reddas incolumem, precor.

M. Croft joint finibus atticis à debes, et il trouve dans ma traduction même une autorité contre la ponctuation que j'avais adoptée; c'est me battre avec mes propres armes : mais je lui en demande pardon, je crois que ma traduction ne dit pas tout-à-fait cela, et qu'elle aurait tort si elle le disait; c'est-à-dire, je pense qu'il faut lire comme M. Didot et comme presque tous les éditeurs, finibus atticis reddas incolumem; debes est la conséquence de creditum.

ODE V.

V. 16. Quand les anciens avaient échappé à quelque grand péril, ils faisaient représenter leur aventure sur un tableau, et le portaient à leur cou, pour exciter la compassion; ou bien ils en faisaient hommage à quelque divinité.

Le latin fait allusion à ce dernier usage.

ODE VI.

V. 1. Il s'agit ici du poëte Varius, auteur de la tragédie de Thyeste et d'un poëme épique qui ne nous est pas parvenu. Horace compare ici ce poëte à Homère, et, en général, toutes les fois qu'il s'agit de poésie épique, c'est Varius qu'il cite, et non pas Virgile.

ODE VIII.

Dans l'original cette ode est adressée à Lydie. J'ai quelquefois

substitué un nom à un autre, quand cela à été sans conséquence.

ODE X.

V. 8. Mercure déroba les bœufs d'Apollon, qui était alors berger chez Admète.

V. 13. Homère raconte que Priam était conduit par Mercure lorsqu'il alla pendant la nuit demander à Achille le corps d'Hector.

V. 41. Paul Émile.

ODE XII.

Le latin dit qu'il portait des cheveux longs, parceque l'usage de se raser la barbe et de tailler ses cheveux, introduit par les Grecs en Italie, parut d'abord un excès de recherche aux vieux Romains.

V. 45. Il s'agit ici de Marcus Claudius Marcellus, père de celui dont Virgile a chanté la mort.

ODE XIV.

Les savans sont fort divisés au sujet de cette ode. Les uns croient qu'Horace s'adresse au vaisseau qui portait ses amis fugitifs, après la victoire d'Auguste.

Les autres (et c'est le plus grand nombre) pensent que c'est une allégorie adressée à la Républiqué; mais il faudrait trouver une époque où les dangers de la patrie l'eussent motivée, et l'on ne reconnaît, ni dans l'une ni dans l'autre de ces intentions, le courtisan d'Octave. Au reste, Sanadón a écrit plus de vingt pages sur cette ode. On peut le consulter.

V. 20. On explique fort mal pourquoi le poëte conseille à ce vaisseau d'éviter les Cyclades, îles de la mer Égée: car, s'il parle de la république, ce conseil paraît sans objet; et, s'il parle de ses amis vaincus à la bataille de Philippes, c'était du côté de cette mer qu'ils se sauvaient. Avouons, sans en être humiliés, qu'un intervalle de deux mille ans peut rendre une pièce fugitive inintelligible.

ODE XV.

Cette ode est encore une de celles dont l'objet est douteux. Horace suppose que Nérée, arrêtant le vaisseau sur lequel Pâris en

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