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tranquillité. Il (g) apaifa fagement les diffentions qui tenoient l'Italie & la Sicile fous les armes, & même celles qui regnoient dans les familles. Sa prudence y établit une paix qui dura longtems. Il n'y a, difoit-il, que cinq chofes à qui on doive faire la guerre ; les maladies du corps, l'ignorance de l'efprit, les paffions du cœur, les féditions des villes, (h) & la difcorde des familles. Voilà les ennemis qu'il faut combattre fans relâche & fans ménagement.

Ses lumieres étoient moins pures fur la nature de la Divinité, qu'il regardoit comme une Ame () généralement répandue dans tous les Etres, à qui elle donnoit l'exiftence & le mouvement. Impiété absurde, qui a été renouvellée dans le fiécle dernier. Il fupofoit auffi que nos amies en étoient une portion, & que par cette raifon elles devoient être immortelles. Mais ignorant quel étoit leur

(g) MENAGIUS in Laert.. E. VIII. n. 5ɔ.

(b) Malgré ces belles maximes on l'accu e d'avoir voulu dominer fur quelques villes de Palie où il s'éleva des troubles à lon ocafion. APPIAN. in Mithridat, p. 109.

(i) C'est le fentiment qu'on lui attribue ordinairement, mais qui eft combattu par de fortes au torités. V. BAYLE note O.

deftinée après la diffolution du corps humain, il adopta le fiftème des Egyptiens & des Orientaux fur la Métempfycofe, & il crut comme eux qu'elles paffoient à l'infini d'un corps à un autre, plus ou moins vil ou ho norable, fuivant la conduite qu'elles avoient tenue. On ne peut rien dire de certain fur le genre de mort de ce Philofophe, ni fur le tems auquel elle arriva. La diverfité de fentimens de fes fucceffeurs les partagea en quatre Sectes; celles d'Heraclite, de Dé mocrite, de Pyrrhon & d'Epicure. Le trifte Heraclite n'avoit pas affez de larmes pour pleurer les défauts & les malheurs de l'humanité. Démocrite, au contraire, en faifoit l'objet de fes rifées. Pyrrhon feignit de révoquer tout en incertitudes; & Epicure ne trouvoit de fageffe qu'à fe livrer à tous les plaifirs des fens.

Nous finirons cet article par la réflexion d'Appien. (k) Les belles maximes & l'exterieur fimple de ces Philofophes n'étoient que des voiles pour cacher leur ambition. Ceux qui paffoient pour les plus fages, les plus fçavans, les plus défintereffés étoient

(k) APPIAN. in Mitrid. p. 189.

interieurement devorés par l'orgueil & par le defir d'ocuper les premieres places dans les villes qu'ils habitoient, On n'en excepte pas même Pythagore & les fameux fept Sages de la Gréce. La fuite nous fera voir qu'Athènes n'eût jamais de plus cruel Tyran que le Philofophe Athénien, ou Ariftion, après avoir déja gémi fous plufieurs autres. La Gréce ne redou toit pas les ignorans. Elle apréhendoit avec raison ceux que les talens & un merite fuperieur portoient à dominer. L'étude des principes & des loix du gouvernement leur en faifoit d'abord naître l'envie; & pour montrer qu'on ne pouvoit attendre d'eux que de l'équité, de la douceur & de la modération, ils fe paroient du dehors de ces vertus ; ils en prêchoient le merite & la beauté ; ils les pratiquoient même, & ils déclamoient contre les vices opofés; parce que leur pauvreté & leur fituation préfente ne permettoient pas de tenir un autre langage. Mais étoient-ils parvenus à tromper le public par ces ftratagémes de l'impofture, its devenoient plus fiers, plus faftueux plus dangereux & plus Tyrans que les

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Princes mêmes, à qui la valeur & le fort des armes avoient aquis les droits & l'autorité d'un conquerant. Si ces Philofophes lançoient contr'eux le venin de leurs fatyres, ce n'étoit par zele pour l'indépendance & la tranquillité de la patrie. La jaloufie & l'envie de s'élever à la place des vainqueurs étoient le feul principe de la bile & du fiel qui les irritoient.

I

§. III.

DES ORATEURS.

pas

A beauté & l'élévation du ftile étoient le talent des feuls Poëtes de la Gréce avant Solon. Mais ce fut déja par les fecours de l'éloquence, qu'il perfuada aux Athéniens de fe foumettre à la fageffe de fes loix. Ce qui reftoit de fes écrits cinq cens ans après, faifoit dire à (1) plufieurs qu'il n'avoit pas été moins éloquent que Demoftène. La générosité de Pififtrate & de fes fils, mit tout en œuvre pour cultiver ces heureux commencemens dans Athènes. Néanmoins, foit que les progrès en euffent

(1) CICERO de Oratore. p. 309.

été lents, foit que l'hiftoire ne nous les ait pas fait connoître, il paffe pour certain que la Gréce n'avoit encore rien de parfait, ni même de remarquable dans le genre oratoire ayant Periclès. Ciceron touche cette époque en termes (m) qui meritent d'être lûs. Ce grand maître de l'art y explique d'une maniere lumineufe

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(m) Græcia, quæ cum eloquentiæ fludio fit in tenfa, jamdiùque excellet in ea, præftetque cæteris, tamen omnes Artes vetuftiores habet, & muliò ante non inventas folùm fed etiam perfectas, quàm hæc eft à Græcis elaborata dicendi vis atque copia. In quam cum intueor, maximè mihi occurrunt, Attice &quafi lucent Athena tuæ, quâ in urbe primum fe Orator extulit, primùmque etiam monumentis litteris oratio eft cœpta mandari: tamen ante Periclem, cujus fcripta quædam feruntur, & Thucydidem, qui non nafcentibus Athenis, fed jam adultis fuerunt, littera nulla eft, quæ quidem ornatum aliquem habeat, & Oratoris effe videatur. Quamquàm opinio eft, & eum qui multis annis ante hos fuerit, Pifiiratum, & paulò feniorem Solonem, pofteàque Clifthenem multum ut temporibus illis, valuiffe dicendo. Poft hanc ætatem aliquot annis, Themifto dès fuit, quem conftat cùm prudentiâ, tùm etiam eloquentia praffitisse. Poft Perilès, qui cùm floreret omni genere virtutis, hac tamen fuit laude clariffimus. Huic atati fuppares Alcibiades Critias 2 Theramenes; quibus temporibus quod dicendi genus viguerit, ex Thucydidis fcriptis, qui ipfe tum fuit, intelligi maximè poteft : grandes erant verbis, crebri fententiis, compreffione rerum breves, & ob eam ipfam caufam interdum fubobfcuri. Sed ut intellectum eft quantam vim haberet acurata & facta quodam modo oratio, tùm etiam Magiftri dicendi multi fubitò extiterunt. arrogantibus fanè verbis › quemadmodum caufa inferior dicendo fieri fuperior poffet. CICERO in Bruto, feu de claris Oratoribus. p. 576. Edit. Blaen. aliis. n. 26. & 27.

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