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doivent le reconnaître, c'est-à-dire ne doivent pas le troubler, le violer.

C'est pourquoi la puissance publique vient toujours, de quelque manière, au secours de celui à qui un droit appartient, quand ce droit n'est pas reconnu, et, par conséquent, est entravé.

Au contraire, il est de règle que, alors même qu'un droit nous appartient véritablement, il ne nous est pas permis de surmonter, de notre propre autorité et par voie de fait, la résistance que nous rencontrons. Au contraire, en conséquence de l'idée générale que nous nous formons de l'état, c'est seulement en invoquant le juge institué par lui à cet effet et en obtenant son intervention, que nous pouvons faire valoir notre droit méconnu et faire lever les obstacles qui en arrêtent l'exercice. Plus un état est avancé dans son développement juridique, plus les cas exceptionnels où il est légalement permis de se faire justice à soi-même sont et doivent être rares. Ce résultat de l'expérience est aussi confirmé par l'histoire du droit romain. Car plusieurs hypothèses où dans l'origine, selon le plus ancien droit romain, il était également permis, et même ordonné, de se faire justice à soi-même, se sont bientôt réduites à une simple apparence, à de pures formes judiciaires, ou ont complétement disparu. Il n'est resté qu'un certain droit de résistance individuelle, de légitime défense1 contre des attaques dangereuses dirigées sur notre personne et nos biens, droit qui est même renfermé dans d'étroites limites. Au contraire, toute voie de fait par laquelle on veut se faire justice à soi-meme',

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alors même qu'elle ne dégénère pas en une vraie violence criminelle et punissable, vis, crimen vis, est positivement défendue et frappée, dans certains cas, par Marc-Aurèle, de pertes pécuniaires qu'encourra l'auteur de la voie de fait. Decretum divi Marci.

Nullus videtur dolo facere, qui suo jure utitur.... Nemo damnum facit, nisi qui id facit, quod facere jus non habet. GAIUS et PAULUS, fr. 55 et 151, D., L, 17, De reg. jur.“.

Non est singulis concedendum, quod per magistratum publice possit fieri, ne occasio sit majoris tumultus faciendi. PAULUS, fr. 176, pr., D., eod.

Exstat enim decretum D. Marci, in hæc verba: Optimum est, ut, si quas putas te habere petitiones, actionibus experiaris. Cum Marcianus diceret vim nullam feci, Cæsar dixit : tu vim putas esse solum, si homines vulnerentur? Vis est tunc, quotiens quis id, quod deberi sibi putat, non per judicem reposcit. Quisquis igitur probatus mihi fuerit rem ullam debitoris, vel pecuniam debitam, non ab ipso sibi sponte datam, sine ullo judice temere possidere, vel accepisse, isque sibi jus in eam rem dixisse, jus crediti non habebit. CALLISTRATUS, fr. 13, D., iv, 2, Quod metus

causa.

Vim vi repellere licere Cassius scribit, idque jus natura comparatur. ULPIANUS, fr. 1, § 27, D., XLIII, 16, De vi.

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Procédure civile en général.

A quel fonctionnaire public, comme juge compétent, devons-nous demander l'appui qui nous est nécessaire pour nos droits privés, quand ils sont troublés ou lésés ?

Dans quelle forme devons-nous invoquer cet appui?

Comment le juge doit-il procéder, d'une part, pour assurer l'exercice de son droit à celui à qui il appartient véritablement ; d'autre part, pour repousser la

prétention de celui qui réclame un droit qui ne lui appartient pas?

Les principes qui fournissent la solution de toutes ces questions constituent la procédure civile.

Cette procédure forme un tout complet, séparé du reste du droit privé, et n'est pas l'objet particulier de ce cours; mais la liaison naturelle qui existe entre elle et les autres branches du droit privé exige absolument que nous lui empruntions, au moins, tout ce qui est nécessaire pour l'intelligence des rapports juridiques privés et de leurs effets en tout sens; car la violation et le trouble qu'éprouve un droit, ainsi que les moyens destinés à écarter ce trouble et cette violation, produisent, sur le contenu du droit même qui a été violé et troublé, une certaine réaction naturelle, qui fait passer ce droit par une série de transformations particulières.

Au reste, il suffit, pour ce but, de donner une esquisse générale de la procédure civile romaine, en en faisant ressortir plus particulièrement quelques parties principales qui tiennent plus intimement à l'essence du droit privé.

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Juridiction et compétence.

Il exista de tout temps dans l'état romain des fonctionnaires auxquels la juridiction était confiée, magistratus juri dicundo, qui jurisdictioni præerant, appelés aussi magistratus tout simplement. Ce n'étaient pas toutefois des fonctionnairas spéciaux, institués uniquement et exclusivement pour rendre la justice, mais des fonctionnaires qui, en vertu de l'imperium dont ils étaient revêtus, avaient, avec

d'autres attributions, la charge de la juridiction. A Rome, ces magistratus furent dans l'origine les rois eux-mêmes, plus tard les consuls, auxquels on substitua bientôt, pour alléger leurs fonctions, les préteurs, le prætor urbanus et le prætor peregrinus, et, pour certains cas, les édiles. Sous le régime impérial vint s'y ajouter l'empereur, agissant soit par luimême, soit par les fonctionnaires impériaux qu'il chargeait de la juridiction. Dans les villes italiennes, la juridiction était exercée par les duumvirs et les préfets, dans les provinces, par les præsides provinciarum. Ce ne fut qu'à une époque plus avancée du gouvernement impérial qu'on vit apparaître des fonctionnaires impériaux particuliers, à qui la juridiction était confiée comme mission unique.

De la juridiction en général se distingue la compétence d'un tribunal. On entend par là le droit qu'a un tribunal d'exercer dans tel cas particulier la juridiction qui lui appartient. Quand, ainsi que cela arriva depuis l'agrandissement de l'empire romain, il existe l'un à côté de l'autre plusieurs fonctionnaires pouvant connaître des mêmes affaires, la compétence est fixée par cette circonstance, que les personnes dont les différends doivent être vidés par. le procès en question, sont soumises à la juridiction de tel fonctionnaire déterminé, ont leur forum dans son ressort. Toutefois, si les parties ont différents fora, c'est le forum du défendeur qui l'emporte.

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L'ordo judiciorum privatorum et les extraordinaria judicia.

Le trait principal qui caractérisait l'organisation et la marche de la procédure civile des Romains,

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dans les anciens temps, c'était la division habituelle des fonctions judiciaires entre deux fonctionnaires distincts; division qui amenait aussi le partage de la procédure elle-même en deux périodes séparées, le jus et le judicium. C'est cette double instance qui constituait l'ordo judiciorum privatorum.

Le procès était ouvert et préparé par le magistratus dont nous venons de parler. Devant lui le procès commençait par la présentation de la demande, et," après avoir entendu les deux parties (le demandeur et le défendeur), il posait le point particulier sur ▾ lequel portait le différend. Ainsi il déclarait si, dans l'espèce, un procès était possible, actionem ou judicium dabat, et d'après quelles règles ce procès devait être décidé. Mais, avant que ces règles pussent être appliquées, il fallait démêler et vérifier les circonstances de fait, telles qu'elles étaient alléguées par les parties contendantes, et en tant qu'elles avaient de l'importance pour le jugement de l'affaire. Le magistratus ne se chargeait pas ordinairement de l'examen de ce point de fait, non plus que de la décision proprement dite du litige, mais il l'abandonnait et le déléguait au judex, judicium. Ce judicium était, pour certainsprocès, un tribunal permanent,qui n'était pas nommé uniquement pour cette affaire, et qui se composait de plusieurs personnes, d'un collegium: tels étaient les judices decemviri, decemviri litibus judicandis, et surtout le centumvirale judicium, avec ses diverses sections, consilia. Mais, habituellement et en règle générale, le judex était nommé par le magistratus pour chaque cas particulier, sur l'accord des parties, et tiré d'une liste, officiellement dressée d'avance, de personnes capables de remplir cette fonction, in album judicum relati. Ce judex, appelé aussi quelquefois arbiter, était donc une personne

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