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intrinsèque par le contenu des sources elles-mêmes, les écrivains juridiques de l'époque ne pouvaient manquer d'arriver, au milieu de ces autorités souvent contradictoires entre elles, à donner chacun de son côté, comme la communis opinio, des opinions tout à fait différentes et même diamétralement opposées. Il faut signaler parmi les Bartolistes, les auteurs suivants, à cause de la renommée particulière que leurs écrits ont su conquérir. En première ligne, Odofredus, qui forme en quelque sorte la transition entre la période précédente et celle-ci, et qui appartient à toutes deux; ensuite Vivianus, Dinus, Mugellanus, Jacobus de Arena, Petrus a bella Pertica, Cinus, Albericus de Rosciate; puis, hors ligne, Bartolus de Saxo Ferrato, et enfin Baldus de Ubaldis.

Un meilleur esprit, plus de profondeur, un goût plus pur et en même temps une méthode mieux entendue, pénétrèrent dans la science du droit civil romain à partir du xvI° siècle, époque de la renaissance de la littérature classique. On se convainquit que l'étude du droit romain ne pouvait prospérer que par son union intime avec la philosophie et l'histoire. De là la méthode historique critique que l'on commença alors à appliquer, non-seulement aux sources immédiates du droit romain de Justinien, jusque-là en usage, mais encore à beaucoup de sources médiates du droit romain antéjustinien et postjustinien, jusque-là entièrement négligées. Par une conséquence naturelle, l'étude directe des sources amena de nouveau un développement plus indépendant, plus libre, de maximes particulières et de théories entières, ce qui fut extrêmement profitable à l'histoire et à l'exégèse du droit romain. A la vérité, ce changement de direction ne fut pas universel. La méthode des Bartolistes conserva encore beaucoup de parti

sans, surtout dans la classe des praticiens. En effet, le droit romain étant, dès cette époque, décidément reconnu comme ayant force de loi devant les tribunaux, il dut naturellement se manifester peu à peu, chez les écrivains juridiques, une double tendance, d'après le double but qu'ils se proposaient immédiatement. Pendant que les théoriciens avaient principalement en vue de développer la pure théorie du droit romain d'après les sources, les praticiens s'attachaient à exposer le droit romain dans la forme qu'il avait conservée comme droit en vigueur depuis sa réception, et à le présenter comme il était appliqué dans les cours de justice. Quelque désirable, quelque estimable que parût en soi ce double effort pour labourer à la fois dans les deux sens le champ de la jurisprudence romaine, il manqua cependant en partie le but salutaire qu'il aurait pu ainsi atteindre; car, au lieu de s'entr'aider mutuellement, ces efforts opposés amenèrent insensiblement cette scission si facheuse entre la théorie et la pratique, qui dure encore de nos jours.

Comme dès lors le droit romain s'était déjà répandu sur beaucoup de pays chrétiens, et y avait été l'objet d'une élaboration scientifique assez différente à quelques égards, il sera nécessaire, dans l'exposition des résultats, de séparer les diverses contrées.

Pour l'Italie, il faut citer en première ligne Angelus Politianus (mort en 1494), non pas spécialement comme un romaniste érudit, mais parce qu'il a puissamment contribué à unir la littérature classique à l'étude du droit. Il faut citer, en outre, comme savants civilistes, Alciatus, Æmilius Ferrettus (Ferretti), Lælius et Franciscus Taurellius (Torelli), Albericus et Scipio Gentilis, Pacius (Pacio), Ant. Merenda, MarcAur. Galvanus, Barth. Chesius, et, quoique apparte

nant plutôt à une époque plus récente, Jan. Vinc. Gravina et Jos. Averanius.

En France, il s'était formé une école de jurisconsultes distingués par la solidité de leur doctrine, dont les ouvrages exercèrent une influence marquée sur les vues juridiques d'autres pays, de l'Allemagne notamment. Parmi les jurisconsultes de cette époque méritent d'être signalés : Ranconetus (de Ranconet), Tilius (du Tillet), Miræus (Le Mire), Eg. Baro (Eguinard Baron), Franc. Connanus (de Connan), Franc. Duarenus (Duaren), Franc. Balduinus (Baudouin), Ant. Contius (Le Conte), Lud. Russardus (Roussard), Hotomanus (Hotman), Charondas (Le Caron), Jac. Cujacius (Cujas), mort en 1590, Hugo Donellus (Doneau), Barnab. Brissonius (Brisson), Petr. et Franc. Pithoeus (Pithou), Petr. Faber (du Faur de SaintJory), Ant. Faber (Favre), Guil. Maranus, Dion. et Jac. Gothofredus (Godefroi), Petr. ab Area Baudoza (Baudoche), Janus a Costa (Jean de la Coste), Edm. Merillius (Mérille), Annib. Fabrotus (Fabrot), Alteserra (de Hauteserre), Aug. Menagius (Ménage), Pothier.

Nous trouvons aussi dans les Pays-Bas, depuis le xvro siècle, une nombreuse école de juristes, qui se tournerent, avec une prédilection marquée, vers le côté philologique et historique de la jurisprudence romaine. Il faut citer: Viglius ab Aytta Zuichem, Gabr. Mudæus (Mudée), Henr. Agylæus, Jac. Rævardus (Raewaerd), Joh. de Sande, Hub. Giphanius (van Giffen), Siccama, Hugo Grotius (Huig de Groot), Merenda, Sim. van Leeuwen, Arn. Vinnius (Vinnen), Ulr. Huber, Joh. Voet, Jac. Perizonius, Corn. van Eck, Gerard Noodt, Ant. Schulting. Heinr. Brencman, Georg d'Arnaud, Joh. Ortw. Westenberg, Corn. van Bynkershoek, van de Water, Balth. Branchu,

Abrah. Wieling, Jac. Voorda, Eberhard Otto, W. O. Reitz, Ger. Meermann, Herm. Cannegieter, Heinr. Trotz.

Parmi les civilistes espagnols et portugais, méritent d'être nommés: Ant. Goveanus (Gouvea), Ant. de Quintanadueñas, Jos. Altamiranus et Velazquez, Ant. Perez, Ant. Augustinus (Agustin), de Retes, Ramos del Manzano.

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En Allemagne.

En Allemagne même il ne manqua pas non plus, depuis le xvi° siècle, d'écrivains juridiques qui appliquèrent directement à la restitution du texte des sources et au pur droit romain des efforts qui ne furent pas sans succès. Parmi eux, sont dignes d'être mentionnés Greg. Haloander (Hoffmann), Ulr. Zasius, J. Sichard, Joh. Fichard, J. Leunclaius ou Leunclavius (Loewenklau), Herm. Vulteius (Vulte ou Vuille), Reinh. Bachow von Echt, J. J. Wissenbach. Mais la plus grande partie des forces scientifiques de l'Allemagne s'appliquèrent au côté pratique du droit romain, et ce fait trouve son explication naturelle dans l'état juridique tout spécial de la nation. En effet, la position particulière que le droit romain occupait dans ce pays vis-à-vis des sources indigènes du droit, dut faire sentir d'une manière toute particulière le besoin d'une fusion de ces éléments juridiques si hétérogènes en un seul tout, par l'intervention d'une doctrine qui vînt en aide à la pratique judiciaire. Ce besoin dut être d'autant plus vivement senti, que l'Allemagne, dans son état de fractionnement politique, manquait presque complétement d'un centre

commun de culture juridique. La législation de l'empire s'occupait très-rarement d'objets de droit civil. Le pouvoir législatif, dans chaque territoire, avait, il est vrai, plus d'activité à cet égard, mais souvent, par ses résolutions très-peu concordantes entre elles, il venait jeter une confusion encore plus grande au milieu des incertitudes de la jurisprudence. La formation même d'un droit coutumier général, qui eût servi à concilier ces divergences, rencontrait en Allemagne des obstacles politiques particuliers. La mission de combiner ensemble tant d'éléments opposés du droit romain et du droit germanique fut donc laissée exclusivement à la pratique judiciaire. Mais, d'un autre côté, cette fusion ne pouvait s'accomplir qu'avec le secours et par la coopération immédiate de la doctrine. De là la tendance purement pratique qu'on voit prédominer, à cette époque, dans la plupart des écrits qui traitent du droit romain. Tantôt ils proposent des théories propres à fournir aux tribunaux le moyen d'adapter le droit romain aux rapports juridiques allemands; tantôt ils présentent des faits puisés directement dans la vie judiciaire, des espèces effectivement jugées, pour montrer comment, dans la réalité, cette application avait été faite; tantôt enfin ils réunissent ces deux procédés. Par là s'explique facilement comment beaucoup de ces écrivains pratiques purent s'élever, dans les tribunaux, à un degré d'autorité si extraordinaire, qu'on attacha plus d'importance à leurs théories qu'aux dispositions mêmes des sources. C'est ce qui arriva principalement aux écrivains que leur position particulière mit le mieux à portée de connaître l'état véritable du droit dans le plus grand nombre possible de pays allemands; car, dans une expérience aussi étendue, il leur était plus facile qu'à

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