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DISCOURS

POUR PUBLIUS QUINTIUS

TRADUCTION NOUVELLE

PAR M. CH. DU ROZOIR.

Nous avons, dans le sommaire du plaidoyer pro S. Roscio Ame

rino, déduit les motifs qui nous ont engagés à donner au discours pro Quintio le second rang dans l'ordre chronologique des discours de Cicéron.

Un passage d'Aulu-Gelle nous fournit encore un nouvel argument. Il accuse Cornelius Nepos d'avoir commis une erreur grave dans le premier livre de la vie de Cicéron, en disant que c'était à vingt-trois ans que celui-ci avait plaidé sa première cause publique, qui fut la défense de Sextus Roscius, accusé de parricide 1. Des modernes ont, il est vrai, prétendu qu'Aulu-Gelle avait à tort relevé comme une erreur de Cornelius Nepos ce qui n'était que la faute d'un copiste, lequel avait lu dans l'original xxIII pour xxvi; et ils ont ajouté qu'une pareille méprise était invraisemblable de la part d'un homme aussi instruit que l'était le biographe latin, qui d'ailleurs avait été l'ami de Cicéron. Sans rejeter entièrement cette critique, on conviendra que, pour qu'Aulu-Gelle, qui avait à sa disposition tant d'excellentes copies, attribuât à Cornelius Nepos l'erreur d'un scribe, il fallait qu'elle eût passé dans tous les manuscrits de cet auteur; car un critique aussi exercé qu'Aulu-Gelle n'aurait pu s'y tromper. Et même les copistes auraient-ils pu s'emprunter réciproquement une faute aussi grave, si l'on avait pu objecter que d'autres plaidoyers avaient précédé celui que Cicéron avait prononcé pour Roscius à l'âge de vingt-trois ans selon eux ?

On peut nous objecter que dans tous les manuscrits de Cicéron le discours pro Quintio ne serait point placé avant celui pro Sexto Roscio, si l'on n'avait eu aucune raison pour le faire. Cette raison existe dans la conformité du titre du premier et du second plaidoyer de Cicéron. On n'aura pas voulu séparer le pro Roscio Amerino du pro Roscio Comodo, comme on s'est unanimement accordé à ne

1

Atque is tamen in primo librorum quos de vita ejus composuit errasse videtur, quum eum scripsit tres et viginti annos primam causam judicii publici egisse, Sextumque Roscium parricidii reum defendisse. (Noct. Att., lib. xv, cap. 28.)

pas scinder la série des quatre Catilinaires pour placer entre la seconde et la troisième le discours pro Murena, qui avait en effet été prononcé dans cet ordre chronologique. Personne ne s'est fondé sur cet arrangement pour intervertir l'ordre des faits: l'éclat des évènemens du consulat de Cicéron l'aura bien empêché; mais, parce que les trois ou quatre années de la domination et de l'abdication de Sylla présentent beaucoup de difficultés sous le rapport de la suite des faits, les éditeurs et les traducteurs ont jusqu'ici aime mieux suivre, comme par routine, l'exemple de leurs devanciers, sans examiner cette question de chronologie, importante, du moins pour éclaircir l'histoire de notre orateur.

Puisqu'il est ainsi convenu que Cicéron plaida la cause de Sextus Roscius vers la fin de l'année 673, il faut admettre que l'oraison pro Quintio appartient à l'année suivante 674, consulat de L. Corn. Sylla et de Q. Cæcilius Metellus Pius.

Cette cause est toute d'intérêt particulier; mais le crédit de Névius, une des deux parties, lui donnait une véritable importance: il y avait de la part de Cicéron quelque courage à plaider pour un plébéien obscur et sans fortune contre un homme qui, malgré la bassesse de sa condition, comptait parmi ses protecteurs les hommes les plus puissans de la république. Mais aux yeux des modernes quel éclat ne donne point à cette cause privée les noms imposans de Cicéron et d'Hortensius? Hortensius était alors au plus brillant degré de sa carrière oratoire; Cicéron, âgé d'environ vingt-six ans, se présentait au barreau avec des connaissances acquises et des études perfectionnées qui, jointes au talent merveilleux qu'il avait de la nature, le mettaient déjà bien au dessus de la plupart des orateurs alors en réputation.

reçu

pu

Le choix que le crieur Névius avait faire d'Hortensius pour son avocat prouve tout le crédit dont il jouissait. Les crieurs publics étaient chargés de proclamer les noms des magistrats après leur élection, d'annoncer dans les carrefours les lois nouvelles, d'appeler les témoins et les accusés dans les jugemens, et de crier les enchères dans les ventes publiques. Soumis aux magistrats dans l'ordre de leurs attributions, ces officiers avaient, comme les greffiers, une existence indépendante de la volonté de leurs supérieurs; et, comme ils avaient mille occasions de se bien faire venir des magistrats près desquels ils étaient placés, ceux-ci, en revanche, se

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