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Et je peindrais son char de gloire
Que, par élans précipités,
Au sein des royales cités

Font voler Mars et la Victoire :

Des peuples dont il est l'appui
J'annoncerais les destinées;
Des généraux vainqueurs sous lui
Je dirais les nobles journées;
Et quelquefois je gémirais,
En voyant du Danube à l'Èbre
Le laurier voisin du cyprès;
Mais c'est par une mort célèbre
Que s'immortalise un guerrier :
Au milieu du champ meurtrier,
Autour de la pierre funèbre,
S'élève et grandit le laurier.
Cessons des efforts inutiles;
Trêve à d'ambitieux discours :
Il faut un Homère aux Achilles :
Et l'Alexandre de nos jours
N'a trouvé que trop de Chériles.
Dans notre médiocrité,

Un assez bel emploi nous reste ;

Par un hommage mérité,
De son injuste obscurité

Consolons la vertu modeste.

Voulons-nous louer à propos?

Louons des mortels estimables :
Celui qui sauve ses semblables
Est au premier rang des héros.
Vous dont l'orgueilleuse faiblesse
Hors des titres ne voit plus rien,
Si le nom de Remi vous blesse,
Un beau trait lui sert de soutien;
C'est le nom d'un homme de bien;
Il a ses titres de noblesse.

Les fiers enfans de Romulus
Auraient dans leur place publique

Posé la couronne civique

Sur le front de Remigius;

Et, pour des nations sensées,
Quelques vertus récompensées
Valent bien les romans nouvéaux,
Les opéras à grands chevaux,
Les lamentables comédies,

Les pitoyables tragédies,

Intarissables rapsodies,

Qu'attendent les prix décennaux.

CHANTS IMITÉS D'OSSIAN.

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MIN VANE.

MINVANE inquiète, éperdue,

Loin de Ryno, son tendre amant,
Sur le roc de Morven contemplait tristement
Les mers et leur vaste étendue.

Nos guerriers revenaient vainqueurs ;
Elle les voit de loin; tremblante, elle s'écrie :

« Ryno, viens-tu revoir une amante chérie ?

« Où donc es-tu, Ryno? Viens essuyer mes pleurs.

Nos regards baissés vers la terre,

Lui répondaient, Ryno n'est plus ;
Il est tombé dans les champs de la guerre,
Entouré d'ennemis vaincus.

Son âme est au sein d'un nuage;
Et le long des monts et des bois,
On entend les zéphirs unis sur le rivage
Au doux murmure de sa voix.

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MINVANE

Ullin, quoi! dans tes vertes plaines

Le fils de Fingal est tombé!

Sous quel bras invincible a-t-il donc succombé? Et moi, je reste seule! Ah! terminons nos peines. Vents qui troublez les airs, qui soulevez les flots, Imposantes voix des orages

Qui vous mêlez à mes sanglots,

J'irai chercher Ryno dans les nuages. Ryno, dans les forêts quand tu portais l'effroi, Nos chasseurs enviaient ton ardeur et ta gràce; Mais l'ombre de la mort t'environne et te glace; Le silence habite avec toi.

Qu'est devenu ton glaive, à la foudre semblable? Qu'est devenu ton arc étincelant,

Ton bouclier impénétrable,

Ta lance, dont le fer était toujours sanglant?

Je vois tes armes entassées

Sans toi briller sur ton vaisseau;

On ne les a donc point placées

Près de ton corps chéri dans le fond du tombeau ? Quand viendra désormais l'Aurore

Te dire en souriant : « Debout, jeune guerrier;

« Entends-tu les chiens aboyer?

«Le cerf est loin d'ici; Ryno sommeille encore ! »
Belle aurore, il sommeille, il n'entend plus ta voix;
Les timides chevreuils sortent de leur retraite :
Vois bondir sans frayeur sur sa tombe muette
Les cerfs qu'il chassait dans les bois.

En vain la mort a fermé ta paupière ;
O mon héros, je marcherai sans bruit,
Pour me glisser en ta couche dernière,
Dans le silence et l'ombre de la nuit.

Vous qui m'aimez, vous, mes jeunes compagnes,
Vous me cherchez, vous ne me trouvez pas :
Je crois vous voir en nos belles campagnes
Suivre en chantant la trace de mes pas.

Vos chants si doux plaisaient à mon oreille;
Loin de Ryno, vous charmiez mon ennui :
Ne chantez plus; mon cher Ryno sommeille;

Ce qu'il aima sommeille auprès de lui.

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