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HYMNE

SUR LA TRANSLATION

DU CORPS DE VOLTAIRE

AU PANTHEON FRANÇAIS;

CHANTÉ A PARIS LE 12 JUILLET 1791;

MUSIQUE DE GOSSEC.

AH! ce n'est point des pleurs qu'il est temps de répandre ;
C'est le jour du triomphe, et non pas des regrets.
Que nos chants d'allégresse accompagnent la cendre
Du plus illustre des Français.

Jadis, par les tyrans, cette cendre exilée,
Au milieu des sanglots fuyait loin de nos yeux ;
Mais par un peuple libre aujourd'hui rappelée,
Elle vient consacrer ces lieux.

Salut, mortel divin, bienfaiteur de la terre;
Nos murs, privés de toi, vont te reconquérir;
C'est à nous qu'appartient tout ce qui fut Voltaire ;
Nos murs t'ont vu naître et mourir.

Ton souffle créateur nous fit ce que nous sommes :
Reçois le libre encens de la France à genoux ;

Sois désormais le dieu du temple des grands hommes,
Toi qui les a surpassés tous.

Le flambeau vigilant de ta raison sublime,
Sur des prêtres menteurs éclaira les mortels
Fléau de ces tyrans, tu découvris l'abîme

Qu'ils creusaient aux pieds des autels.

Tes tragiques pinceaux des demi-dieux du Tibre,
Ont su ressusciter les antiques vertus ;

Et la France a conçu le besoin d'être libre
Aux fiers accens des deux Brutus.

Sur cent tons différens, ta lyre enchanteresse,
Fidèle à la raison comme à l'humanité,
Aux mensonges brillans inventés par la Grèce,
Unit la simple vérité.

Citoyens, courez tous au-devant de Voltaire;
Il renait parmi nous, grand, chéri, respecté,
Comme à son dernier jour, ne prêchant à la terre
Que Dieu seul et la liberté.

Il cherche en vain ces tours, cet enfer du génie,
Dont son aspect deux fois fit le temple des arts;
La Bastille est tombée avec la tyrannie

Qui bâtit ses triples remparts.

Il voit ce champ de Mars, où la liberté sainte
De son trône immortel posa les fondemens ;
Des Français rassemblés dans cette auguste enceinte
Il reçoit les seconds sermens.

Le fanatisme impur, cette sanglante idole,
Suit le char de triomphe avec des cris affreux;
Tels Émile ou César, aux murs du capitole,
Traînaient les rois vaincus par eux.

Moins belle fut jadis sa dernière victoire,
Lorsqu'aux jeux du théâtre un peuple transporté,
A ce vieillard mourant sous le poids de la gloire,
Décernait l'immortalité.

La Barre, Jean Calas, venez, plaintives ombres,
Innocens condamnés, dont il fut le vengeur,
Accourez un moment du fond des rives sombres,
Joignez-vous au triomphateur.

Chantez, peuples pasteurs, qui des monts helvétiques
Vites long-temps planer cet aigle audacieux :
Habitans du Jura, que vos accens rustiques
Portent sa gloire jusqu'aux cieux.

Fils d'Albion, chantez; Américains, Bataves,
Chantez; de la Raison célébrez le soutien :

Ah! de tous les mortels qui ne sont point esclaves,
Voltaire est le concitoyen.

Vous, peuples, qu'en secret lasse la tyrannie,
Chantez la liberté viendra briser vos fers;
Sa main dresse en nos murs un autel au génie :
C'est un beau jour pour l'univers.

Dieu des dieux, roi des rois, nature, Providence,
Être seul immuable et seul illimité,
Créateur incréé, suprême intelligence,
Bonté, justice, éternité :

Tu fis la liberté ; l'homme a fait l'esclavage :
Mais souvent dans son siècle un mortel inspiré,
Pour les siècles suivans, de ton sublime ouvrage
Conserve le dépôt sacré.

Dieu de la liberté, chéris toujours la France; Fertilise nos champs, protége nos remparts; Accorde-nous la paix, et l'heureuse abondance, Et l'empire éternel des arts.

Donne-nous des vertus, des talens, des lumières, L'amour de nos devoirs, le respect de nos droits, Une liberté pure, et des lois tutélaires,

Et des mœurs dignes de nos lois !

ÉPIGRAMME PREMIÈRE.

1788.

LE Mierre, ah! que ton Tell avant-hier me charma!

J'aime ton ton pompeux et ta rare harmonie!

Oui, des foudres de son génie

Corneille lui-même t'arma.

II.

AMI Sautreau, vos vers, votre notice,
Vos almanachs sont d'un goût excellent;

Votre journal, plein d'esprit, de justice;
Et d'Aquin seul vous égale en talent.

Aucuns pourtant, gens d'une humeur caustique,
Osent se plaindre, ils disent qu'un critique
De ce qu'il sait doit parler seulement.
Concevez-vous leur maligne insolence,
Ami Sautreau? de ce qu'il sait! vraiment,
Ils voudraient donc vous réduire au silence?

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