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Le commandant vient lui dire un beau soir,
La larme à l'œil, et comme au désespoir:

<< Monsieur le comte, on en veut placer d'autres ; « J'aurais voulu vous voir long-temps. des nôtres; « Je l'espérais; mais voilà qu'aujourd'hui

« Le roi renonce à vous loger chez lui.

« Accusez-en le crédit de madame.

« Elle a tant fait! tant remué!

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Ma femme?

Qu'elle est aimable ! et que je suis content! »

Il dit, s'élance, et décampe à l'instant.

Un char doré qui l'attend à la porte
Dans un hôtel aussitôt le transporte;
Il monte, il trouve un souper préparé,
Et tout un cercle élégamment paré.
Ce ne sont plus les ténébreux abîmes
Où le caprice a caché ses victimes,
Le vieux donjon, les sourcilleuses tours ;
Mais son épouse en ses plus beaux atours,
Sa jeune épouse, et vingt femmes charmantes,
Vingt courtisans aux formes prévenantes;
Amis! pas trop; mais parlant d'amitié :
Monsieur Lénet n'était pas oublié.

Ainsi l'on voit sur la scène magique

Où l'on conspire, ou l'on aime en musique,

Une cité remplacer des déserts,

Et tout l'Olympe au sortir des enfers.

L'époux fut gai, gais furent les convives, Le souper fin, les caresses très-vives. Pope l'anglais aurait dit : Tout est bien.

Lénet conta que

le roi très-chrétien

Était prudent, équitable et sensible,
Mais que le pape était seul infaillible;
Que le
le monarque avait été surpris

Par ses agens; que l'on s'était mépris;
Qu'il se faisait chaque jour des mécomptes,
Que dans le monde il existait deux comtes,
L'un franc-comtois, et l'autre limousin,
Tous deux portant le nom de Valespin ;
Que cette fois Besançon, par mégarde,
Brive-la-Gaillarde.

Avait payé pour

Il parlait d'or; et le bon Franc-Comtois,
Fèté, choyé, sablant le vin d'Arbois,
Crut fermement ce qu'il entendait dire,
En rit beaucoup, mais fit beaucoup plus rire.
Ce qui vaut mieux, pour dédommagement,
Du roi d'Espagne il eut un régiment.
A la comtesse il dut ce bon office :

Dans le grand siècle on aimait la justice.

LE

MAITRE ITALIEN.

CONTE.

Aux environs des mers de Germanie,

Tout près de l'Elbe, et non loin de Hambourg,
Se trouve un lieu qu'on nomme Lunébourg,
Cité fameuse, et berceau du génie.

C'était le temps où nos preux chevaliers
Couraient, cherchant des murs hospitaliers,
Loin de la France et loin de leur famille,
Depuis le jour à jamais détesté

Qui détruisit la saine liberté,

En renversant les murs de la Bastille '.

M'est-il permis, entre tant de héros, D'en choisir un, dont je dirai deux mots? Nérac était le lieu de sa naissance;

Il avait nom le vicomte de Crac,

Homme à son gré de très-haute importance,
Cousin-germain des barons d'Albicrac :

Sot, paresseux, ignorant comme un moine,

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Ne possédant de trésor que son nom;
Mais l'impudence était son patrimoine.
Dans l'Allemagne, il apprit en chemin,
Grâce au besoin, ce grand maître de langue,
Quelques lambeaux du langage germain.

Lui-même un jour se fit telle harangue

En son patois : « Eh donc!

que

deviens-tu?

« Sujet loyal, banni par ta vertu,

« Mourant de faim, tu vis dans l'espérance!

<«< Ne dois-tu pas un Dunois à la France? « Il faut songer à conserver Dunois.

« Si tu voulais enseigner ton patois?

« L'enseigner, bon : la grande peine à prendre
« Est de trouver gens qui veuillent l'apprendre.
« Pour en sentir les charmantes douceurs,
« Ces Allemands sont trop peu connaisseurs.

« Mais l'Italie en ces lieux intéresse;
« Car les Français, enragés roturiers,
« Dans ce pays font la guerre en courriers,

« Et des Germains vont battant la noblesse.
« De l'Italie on parle tout le jour :

« C'est Mondovi, c'est Dégo, c'est Plaisance,

« Lodi, Turin, Gênes, Milan, Florence,
« Rome!... et Nérac n'a jamais eu son tour.

Tous ces barons dans la ville ébahie,

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