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Là quelquefois encor daignez vous rassembler;
Là prononcez l'adieu; que je sente couler
Sur le sol enfermant mes cendres endormies
Des mots partis du cœur et des larmes amies!

LE PUBLIC

ET L'ANONYME."

Je hais l'attaque, et j'aime la défense:
Mais épouser la commune vengeance,
Mais écraser un reptile odieux,
Un vil serpent, quí, fuyant tous les yeux,
Mélange affreux de rage et de faiblesse,
Sous les buissons glissant avec souplesse,
Sifflant sans cesse et sans cesse irrité,
Lance au hasard un venin détesté :
Mais à plaisir sur la terre infectée,
Fouler aux pieds sa tête ensanglantée:
C'est au courage allier un bon cœur,
C'est du Public être le bienfaiteur.

A M. le marquis de XIMÉNÈS, en lui envoyant l'ouvrage suivant, qui parut le 10 mars 1788.

Ex ce temps de miséricorde,

Salut; que le ciel vous accorde

Plaisirs, paix et contrition!

Lisez, avec attention,

(1) RIVAROL.

Ce livret doux et charitable

Composé pour l'instruction

D'un citoyen très-respectable.
Descendus des mêmes aïeux,

Hélas! très-sots enfans des hommes,

Faut-il donc, frères que nous sommes,

Allumer la guerre en tous lieux?

Non la guerre est une folie;

:

Procès, combats, bons mots, sifflets,

Tout se répare et tout s'oublie ;
On finit par chercher la paix.
Je veux qu'on me réconcilie
Avec mon frère Faribol,
Tout l'univers sait qu'à Bagnol
Il a passé pour un prodige;
Il devient (c'est ce qui m'afflige)
Un peu malin, faute d'argent;
Il est né pour être indulgent,

Et voici que je le corrige.

Il s'est souvenu de mon nom

Dans sa savante et docte prose (1);

Il savait que j'ai le cœur bon,
Et que je prendrais bien la chose.

J'ai dû, sans courroux, sans noirceur,
Mais aussi sans trop de douceur,

(1) Petit Almanach de nos grands hommes.

Lui laver sa tête légère.

Peut-être mon zèle sincère

Touchera l'âme du vaurien.

S'il est ingrat, c'est son affaire,
Son cœur ne peut changer le mien,
Car je sais dompter ma colère;

C'est la vertu d'un vrai chrétien :

Et de notre loi débonnaire,

Le grand point, le point capital,

Selon saint Luc, est, mon cher frère,

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L'AUTEUR inconnu d'un pamphlet, intitulé: Petit Almanach de nos grands Hommes, assure qu'il aurait fourni de bons Mémoires à l'auteur du pauvre Diable. Ceux qui croient connaître la personne de l'Anonyme, sont convaincus de cette vérité. L'aveu fait beaucoup d'honneur à sa franchise : on ne saurait trop l'exhorter à ne pas se laisser pervertir. L'ingénuité est une qualité d'autant plus précieuse, qu'elle est devenue très-rare. Cet aveu si naïf a donné l'idée de l'écrit qu'on va lire. Il a été composé sur les Mémoires de l'Anonyme.

LE PUBLIC.

Ou vas-tu donc, pourquoi ce teint livide?
Ces yeux baissés ? ce front pâle et timide?

Porterais-tu le deuil de tes écrits ?

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J'en veux à tout Paris.

C'est dans Bagnol que j'ai vu la lumière.
Au cabaret où feu mon pauvre père
A juste prix faisait noce et festin,
Entre les pots commença mon destin.
Je courtisais les nymphes de mémoire ;
J'aimais dès lors, et j'aime encor la gloire;
Je la chéris; mais en femme de bien :
Au grand jamais elle n'en saura rien.
Pour voir Paris délaissant ma retraite,
Je me fais comte, et je me crois poëte.
Dans maint journal enterré tout vivant,
A maint comptoir applaudi fort souvent,
En mon cerveau j'esquisse maint beau livre,
Et je deviens un grand homme pour vivre.
Mauvais métier! J'avais trop de rivaux.
J'imaginais que de tous mes travaux

Argent, honneur, seraient la récompense;
L'événement détruit mon espérance;

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