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Sa bouche, au sein des fleurs, savoure les délices D'un miel pur déposé sur leurs brillans calices;

Goûte ces végétaux, les premiers alimens,

D'une terre encor vierge utiles ornemens;
Boit l'humide cristal qu'épanche une fontaine
Qui, tombant des rochers, désaltére la plaine.
Cependant il soupire; et, déjà tourmenté,
Parcourt avec dégoût ce rivage enchanté.
Tout est beau devant lui, mais tout est solitude;
L'univers, pour calmer sa vague inquiétude,
Étale vainement cent prodiges divers;

Un être manque à l'homme, et manque à l'univers.

POÈME

SUR

L'ASSEMBLÉE DES NOTABLES,

COMPOSÉ EN 1787 (1).

QUAND des républicains étaient maîtres du monde,

Quand le Tibre, orgueilleux de leur porter son onde,
Admirait sur ses bords un peuple de héros;
Si, troublant tout à coup leur auguste repos,
Si Rome, objet sacré de respect, de tendresse,
Daignait sur ses besoins consulter leur sagesse,
Elle voyait bientôt dans les murs du sénat
Courir les Scipions, ces appuis de l'État ;
Métellus, ombragé des palmes numidiques ;
Caton, ce demi-dieu, le premier des stoïques;
L'éloquent Cicéron, redoutable aux pervers;
Le grand, l'heureux Pompée, ignorant les revers,

(1) L'auteur avait vingt-trois ans.

Fier encor de ce jour où la terre étonnée
Contemplait son triomphe, à sa suite enchaînée ;
Et César, méditant ses immenses destins,

Et Brutus, héritier du vengeur des Romains,
Divisés d'intérêts, de soins, de politique,
Unis dans ces momens par la cause publique.
Peuple envié du monde, et protégé des cieux,
Un spectacle aussi grand se présente à vos yeux.
Osez en concevoir la plus digne espérance.
O Français, il s'agit du bonheur de la France :
Voyez se rassembler ses enfans, ses soutiens.
Roi, pontifes, guerriers, magistrats, citoyens,
Zélés pour le bien seul, sans orgueil et sans crainte,
Attestant la justice et la vérité sainte,

Jurant de réparer les fautes de vingt rois,
D'abolir tous les maux consacrés par des lois.
La France au milieu d'eux se plaît à les entendre,
Et fixant sur eux tous un regard noble et tendre :

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« Citoyens ! qu'aujourd'hui rien ne soit oublié ; « Ajoutez, leur dit-elle, et tranchez sans pitié. Qu'en vos heureuses mains l'État se renouvelle : « Hâtez-vous d'affermir sa force qui chancelle. « Cette masse imposante, et dont l'œil est surpris, << N'étalerait bientôt que de honteux débris.

Édifice du temps, c'est le temps qui l'outrage; « Plus d'un cruel abus s'appelle encore usage.

« Les momens sont venus, joignez tous vos efforts.

« J'ai vu les protestans bannis loin de mes bords,

« De cités en cités cherchant une patrie,

«Y porter des trésors, enfans de l'industrie.

« Les arts et le travail accompagnaient leurs pas; « Errans, désespérés, ils me tendaient les bras.

<«< Durant un siècle entier j'ai pleuré leur absence : « Roi, sèche, il en est temps, les larmes de la France. « Vengeur de l'Amérique, et protecteur des mers,

« Laisse adorer ton Dieu sous des cultes divers.

« L'État ne doit venger que la commune injure. «< Dieu veut-il un hommage imposteur ou parjure? « Sans prévenir, du moins, le jugement des cieux, « Rends aux fils les climats qu' 'habitaient leurs aïeux. « D'excellens citoyens fréquentaient peu nos temples; « Et sans aller bien loin te chercher des exemples, « De ton prédécesseur Maurice (1) fut l'appui : « On peut servir son roi sans penser comme lui. << L'ignorance a long-temps peuplé les monastères. <«< Humbles, pauvres d'abord, de saints célibataires, « Sous le dais, tout à coup, cherchant des protecteurs,

« Honorés, agrandis, souvent usurpateurs,

<< Stérilement dévots, traînaient dans le silence

<< Des jours longs et pesans, filés par l'indolence.

(1) Le maréchal de Saxe.

«< Enfin l'homme stupide, à l'oubli consacré,
« Eut contre le travail un refuge assuré;

« De citoyens vivans ces tombeaux se remplirent;
« A l'envi de Pepin vingt rois les enrichirent.
<«< Entends-tu maintenant les sanglots, les regrets?
« O d'un zèle insensé trop funestes effets!

« Vois-tu tous ces enfans, les victimes d'un père,
<< Condamnés loin du monde à gémir sous la haire?
« Leur bouche a prononcé le serment solennel,
«< Et, contraints de mentir aux pieds de l'Éternel,
<< Ils vont baigner de pleurs des marbres inflexibles,
<«< Ils accusent le Dieu qui les rendit sensibles,
« L'inexorable autel qui les tient opprimés,

« Et ces vœux sans retour qu'ils n'avaient point formés.

« Martyrs ou fainéans, laisse-les disparaître ;

Éteints, et non détruits, qu'ils meurent sans renaître;

« L'État ne leur doit rien, ils n'ont rien fait pour lui;

« Et le fisc épuisé redemande aujourd'hui

« Cet or long-temps oisif, conquis sur la faiblesse.

« Bientôt, juste héritier d'une injuste richesse,

и Tu

pourras accueillir de bienfaisans regards « Les essais du travail, les prodiges des arts. « Des moissons vont couvrir les landes infertiles; « Les cités vont s'orner de monumens utiles; « D'innombrables vaisseaux élancés de nos ports << Du Gange et de l'Indus vont chercher les trésors.

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