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il faut joindre celui de tous qui, peut-être, intéresse le plus la postérité, quoiqu'il n'ait pas été fait pour elle, le recueil des Lettres familières, et les Lettres à Atticus. Cette collection ne forme qu'une partie des lettres que Cicéron avait écrites seulement depuis l'âge de quarante ans. Aucun ouvrage ne donne une idée plus juste et plus vive de la situation de la république. Ce ne sont pas, quoi qu'en ait dit Montaigne, des lettres comme celles de Pline, écrites pour le public; il y respire une inimitable naïveté de sentiments et de style. Si l'on songe que l'époque où vivait Cicéron est la plus intéressante de l'histoire romaine, par le nombre et l'opposition des grands caractères, les changements des mœurs, la vivacité des crises politiques, et le concours de cette foule de causes qui préparent, amènent et détruisent une ré– volution; si l'on songe en même temps quelle facilité Cicéron avait de tout connaître, et quel talent pour tout peindre, on doit sentir aisément qu'il ne peut exister de tableau plus instructif et plus animé.

Continuel acteur de cette scène, ses passions, toujours intéressées à ce qu'il raconte, augmentent encore son éloquence; mais cette éloquence est rapide, simple, négligée; elle peint d'un trait; elle jette, sans s'arrêter, des réflexions profondes; souvent les idées sont à peine développées; c'est un nouveau langage que parle l'orateur romain. Il faut un effort pour le suivre, pour saisir toutes ses allusions, entendre ses prédictions, pénétrer sa pensée, et quelquefois même l'achever. Ce que l'on voit

surtout, c'est l'âme de Cicéron, ses joies, ses craintes, ses vertus, ses faiblesses. On remarquera que ses sentiments étaient presque tous extrêmes, ce qui appartient, en général, au talent supérieur, mais ce qui est une source de fautes et de malheurs. Sous un autre rapport, on peut puiser dans ce recueil une foule de détails curieux sur la vie intérieure des Romains, les mœurs et les habitudes des citoyens, et les formes de l'administration. C'est une mine inépuisable pour les érudits; le reste des lecteurs y retrouve cette admirable justesse de pensées, cette perfection de style, enfin cette continuelle union du génie et du goût, qui n'appartient qu'à peu de siècles et à peu d'écrivains, et que personne n'a portée plus loin que Cicéron.

NOTICE

SUR

TIBÈRE

NOTICE

SUR

TIBÈRE.

Tibère (Claudius Nero), empereur romain, naquit à Rome, le 16 novembre de l'an 34 avant notre ère, de Tiberius Nero, grand pontife, et de Livia, fille de Drusus Claudianus. Tous deux descendaient également de l'illustre famille des Appius. Dans les troubles qui suivirent la mort de César, Tiberius Nero, longtemps attaché à la fortune du dictateur, courut de grands périls. Réfugiée dans divers lieux de l'Italie, sa femme manqua deux fois d'être décelée par les cris de son fils au berceau. Étant passée en Grèce, elle se retira quelque temps à Lacédémone; et Tibère, enfant, fut confié à la foi publique des descendants de Léonidas.

Emmené, de nuit, hors de cette ville, il faillit périr, en traversant une forêt, où le feu avait pris, et d'où sa mère n'échappa que les vêtements et les cheveux à demi brûlés. Cette périlleuse destinée fut bientôt fixée: Livie,

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