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s'est en partie acquitté, en traduisant dans son poëme de la Religion quelques-uns des plus éloquents blasphèmes de Lucrèce, et en leur opposant de belles réponses, où tout son talent si pur s'est animé de la verve du spiritualisme qu'il défend. Quelques-uns des écrivains du XVIIIe siècle, qui ont eu pour le matérialisme la funeste préférence si éloquemment combattue par Rousseau, et quelquefois par Voltaire, ont exclusivement admiré Lucrèce, et souvent recueilli dans son poëme de vieux sophismes aussi décriés que leur cause, et témoins incontestables de ce cercle uniforme d'absurdités auquel est condamné l'athéisme. Le baron d'Holbach en a hérissé son Système de la Nature. Diderot, qui avait encore plus d'enthousiasme que de scepticisme, a senti et loué Lucrèce comme un poëte mérite de l'être, avec beaucoup de feu et de goût. La Harpe en a parlé dans son Cours de Littérature avec une rapidité superficielle, et trop peu digne d'un critique si habile.

Mais nulle part le caractère poétique de Lucrèce n'a été mieux saisi, jugé avec un goût plus sûr et plus élevé, avec une expression plus éloquente, que dans le discours qui précède la traduction de l'Essai sur l'Homme de Pope. Si nous examinons les beautés de Lucrèce, dit « M. de Fontanes, que de formes heureuses, d'expres«<sions créées, lui emprunta l'auteur des Géorgiques!

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Quoiqu'on retrouve dans plusieurs de ses vers l'âpreté « des sons étrusques, ne fait-il pas entendre souvent une << harmonie digne de Virgile lui-même? Peu de poëtes

26 DU POEME DE LUCRÈCE SUR LA NATURE DES CHOSES.

«ont réuni à un plus haut degré ces deux forces, dont se

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compose le génie, la méditation qui pénètre jusqu'au a fond des sentiments ou des idées dont elle s'enrichit «<lentement, et cette inspiration qui s'éveille à la pré«sence des grands objets. En général, on ne connaît " guère de son poëme que l'invocation à Vénus, la prosopopée de la nature sur la mort, la peinture énergique « de l'amour et celle de la peste. Ces morceaux, qui sont << les plus fameux, ne peuvent donner une idée de tout « son talent. Qu'on lise son cinquième chant sur la for«mation de la société, et qu'on juge si la poésie offrit jamais un plus riche tableau. M. de Buffon en développe " un semblable dans la septième des époques de la na« ture. Le physicien et le poëte sont dignes d'être com

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parés l'un et l'autre remontent au delà de toutes les « traditions, et, malgré ces fables universelles dont « l'obscurité cache le berceau du monde, ils cherchent

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« l'origine de nos arts, de nos religions et de nos lois, ils écrivent l'histoire du genre humain, la avant que

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« mémoire en ait conservé des monuments. Des analogies, « des vraisemblances les guident dans ces ténèbres; mais « on s'instruit plus en conjecturant avec eux, qu'en par « courant les annales des nations. Le temps, dans ses vi<< cissitudes connues, ne montre point de plus magnifique spectacle que ce temps inconnu, dont leur seule imagination a créé tous les événements. »

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NOTICE

SUR

CICERON

NOTICE

SUR

CICERON.

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Cicéron (Marcus Tullius) naquit à Arpinum, patric de Marius, la même année que le grand Pompée, le 3 janvier 647 de la fondation de Rome. Il sortait d'une famille anciennement agrégée à l'ordre équestre, mais qui s'était toujours tenue loin des affaires et des emplois. Sa mère s'appelait Helvia. Son père, vivant à la campagne, sans autre occupation que l'étude des lettres, conservait d'honorables liaisons avec les premiers citoyens de la république. De ce nombre était le célèbre orateur Crassus, qui voulut bien présider lui-même à l'éducation du jeune Cicéron et de son frère Quintus, leur choisit des maîtres et dirigea leurs études. Cicéron, comme presque tous les grands hommes, annonça de bonne heure la supériorité de son génie, et prit dès l'enfance l'habitude des succès et de la gloire. Il fut admiré dans les écoles publiques, honoré par ses condisciples, visité par leurs

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