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gr. 18. ad

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cor fera-ce d'un style affez Laconique. Ces trois mots que vous voyez Satyrâ 1. au bas de la figure de Juvénal,Facit In dignatio verfum, n'expriment déja pas mal fon caractère. Ce Poëte ètoit d'Aquin, Ville d'Italie, d'afL..Epi- fez baffe naiffance; peu accommoSer. dé, du moins Martial fon amy Delph nous l'infinue, & nous le dépeint dans un assez trifte équipage, s'en allant tout inquièt de côté & d'autre, tantôt dans le marché de Suburre, tantôt au Mont Aventin, tantôt enfin parcourant les portes & les veftibules des Grands fes pa& fiiant beaucoup fous une robe de client, dont les coins luy fèrvent d'éventail. Il paffa fes plus bèlles années dans les clameurs de l'Ecolle & du Barreau : mais s'ennüyant dans ces occupations ftériles & infructueufes pour luy,il y renonça: ce ne fut pas fans fe reffentir de l'air qu'on refpire en cès lieux; car fes vèrs font remplis de figures de Rhétorique, il y en a fans

trons;

fin, & l'hypèrbole y domine pardeffus toutes. Le dépit qu'il eut de n'avoir pas fait fortune dans cès fortes d'employs, luy fit prendre le party de la Satyre: il commença par celle où il fe plaint de la dureté des tems, & du peu de confidération que les Romains diftinguez par leur naiffance, leurs dignitez & leurs richèffes, avoient pour les Sçavants de profeffion; c'est-àdire, de cètte confidération folide & effective, qui produit de bonnes penfions, & qui mèt les beaux éfprits à couvèrt de l'indigence, car toute autre que coute-t-elle ? Cètte Satyre n'eft pas la moins bonne que Juvenal ait compofée. Pâris, fameux Comédien & Favori de l'Empereur, s'y fentit joué, il s'en vangea, & obtint fans peine un Régiment pour Juvénal, à la tête du quèl convint au Poëte de fe mèttre pour le conduire par ordre de Domitien, dans la Pentapole au fond de la Lybie,près del Egypte.

Il paffa dix ans dans cet éxil, & n'y compofa que deux Satyres, dont le ftyle & le tour marquent un éfprit chagrin : il plaifante affez froidement dans l'une, fur les priviléges d'un homme d'épée, pour fe confoler de fon fort; & raporte éxprès dans l'autre une horrible hiftoire arrivée en Egypte pour fai re enrager Crifpin qui en ètoit. Je ne fçay quèls Commentateurs prétendent que Juvenal mourut dans fon éxil,âgé de 80 ans,accablé d'ennuis, mais fe moquent-ils? Sa IV. Satyre, qui eft d'une grande beauté, fut compofée à Rome; & il est évident,à la peinture qu'il fait de la Cour de Domitien, que ce Prince n'étoit plus: autrement,où ce Poëte auroit-il eu l'éfprit, d'aller faire, du vivant de l'Empereur, un caractère fi affreux de fa pèrfonne? De plus, l'Epigramme de Martial eft dattée d'Elpagne,où il ne fe retira qu'à la seconde année de l'Empire de Trajan: & remarquez

des

quez qu'en plaifantant fur les oc cupations ordinaires de fon ami, il ne luy fait nul compliment fur fes Satyres, & n'en dit pas un feul mot, ne fçachant point qu'il fe mèlât d'en faire. Juvénal étoit donc plein de vie, Monfieur, après la mort de Domitien, & la VII. XV. & XVI. Satyres ne furent pour luy que coups d'effay:il comença fes coups de maître, âgé d'environ 43 ans, & fit les treize autres dans le cours de 20. années, c'est-à-dire, jufqu'à la 3. du règne de l'Empereur Adrien; & fe repofa enfuite, ou mourut. Jules Scaliger décide dans fa Poëtique, que rien n'eft plus clair & plus châtié la vèrfification de Juvénal: ce grand critique ad. joûte pourtant: Qu'il veut abfolu- propter ment, ou que du moins il fouhaitte que solentout homme d'honneur & de probité jufferim, sabftienne de rien lire des Ouvrages velopla de ce Poëte, parce qu'ils font trop li- opere ab. centieux. Ċe feroit pourtant do- viruin mage qu'on n'en deût rien lire; car

que

Poet. 1.31
Quid e-

c. 98.

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fus verfiJuve

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Liam, vel

ftinere

probum.

quoiqu'on ait un fujèt légitime de prendre des précautions en lifant cet Auteur; & que les couleurs qu'il employe pour peindre le libèrtinage, foient trop fortes & trop vives, pour ne pas allarmer la pudeur,& luy donner de dangereuses atteintes; il y a néanmoins dans fes Satyres mille beaux traits qui intèrèffent, qui frappent, qui faififfent, & qu'il ne faût pas perdre. C'est par cètte raifon que j'en ay ôté tous les vèrs & tous les mots obfcènes & groffiers, fuivant l'idée que le Pere de Jouenvcy Jéfuite nous ena laiffé. Ce fage & fçavant Intèrprète a jugé à propos de remèttre das fa dernière édition,cer. tains endroits un peu délicats que renfèrmoit la VI. Satyre,& qu'il en avoit fupprimez dans fa première: comme je l'ay pris pour guide dans toute cètte Traduction, j'ay suivi fes pas; j'ay tourné en François les 35 ou 40 vèrs qu'il a remis à leur place. La véhémence & l'indigna.

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