Il réprime des mots l'ambitieuse emphase; Et d'abord prend en main le droit de l'offensé. 205 210 215 Ainsi toujours constant à ne se point dédire, retract 220 Mais tout ce beau discours dont il vient vous flatter, 1. Пlorace, Art poélique, vers 445: Vir bonus et prudens versus reprehendet inertes, Transverso calamo signum, ambitiosa recidet 225 Le même poëte exprime à peu près les mêmes idées dans la seconde épître du deuxième livre, qu'il faut lire comme complément néces saire de son Art poétique: Audebit quæcumque parum splendoris habebunt Et sine pondere erunt, et honore indigna ferentur, . Perse, satire 1, vers 55: Et verum, inquis, amo; verum mihi dicite de me 3. Ce piége est le pire des traquenards, de l'avis de tous ceux qui sont tombés. Le bon Regnier en fit l'épreuve le jour où il rencontra cet importun, qui lui dit de sa voix la plus douce: Monsieur, je fais des livres, On les vend au Palais, et les doctes du temps Tres famence! Il en est chez le duc. il en est chez le prince. Un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire1. 230 1. Si l'on en croit la Fontaine, livre II, fable xiv, il en est de la poltronnerie comme de la sottise: CHANT II' Telle qu'une bergère, au plus beau jour de fête, Et, sans mêler à l'or l'éclat des diamants, Cueille en un champ voisin ses plus beaux ornements : 5 1. Boileau consacre ce chant à la définition poétique des genres secondaires, tels que l'idylle, l'élégie, la chanson, la satire et de petits genres, comme le sonnet, l'épigramme, le rondeau, le vaudeville. L'un des trois grands genres, le genre lyrique, y occupe une place digne du sujet. Il est à remarquer que, ni dans ce chant, ni dans le suivant, Boileau ne traite du genre didactique; il se contente d'en créer un nouveau modèle. Marmontel a fort bien jugé les définitions de Boileau, en disant: « Qu'elles sont elles-mêmes des modèles du style, du ton, du coloris qui convient à leur objet. Le poëte aurait dû, dans ce second chant, parler de l'apologue; c'est une grave omission qui ne se justifie pas. 2. Ce début si orné, si gracieux, si poétique, n'a pas échappé à la critique des grammairiens, qui prétendent que les deux termes comparés ne s'unissent pas régulièrement, et qu'il faudrait non pas répéter telle, mais dire semblable à une bergère, l'idylle, etc.; ou, en d'autres termes, faire de la prose. Boileau a mieux aimé être poëte, et il a suivi la syntaxe elliptique de Malherbe dans l'ode à Henri IV: Tel qu'à vagues épandues Marche un fleuve impétueux, etc. S'en allait ce conquérant. On quatrain de l'ode burlesque de Scarron, Héro et Léandre, a pu fournir à Boileau l'image qui donne tant de charme à ces vers: Avec l'émail de nos prairies, Si on ajoute à ce rapprochement ces vers de Segrais Telle que se fait voir, de fleurs couvrant sa tête, Une blonde bergère, un beau jour d'une fête, on aura une juste idée de l'art de Boileau dans l'imitation, qu'il sait rendre originale. t Elevant jusqu'au ciel son vol ambitieux, Entretient dans ses vers commerce avec les dieux. 60 Aux athlètes dans Pise elle ouvre la barrière, Chante un vainqueur poudreux au bout de la carrière, Ou fait fléchir l'Escaut sous le joug de Louis'. 65 Tantôt, comme une abeille ardente à son ouvrage, 70 75 80 teurs qui blâment Boileau d'avoir attribué l'énergie à l'élégie. En effet, il serait bien coupable. Son tort est moins grave sans être excusable; énergie se rapporte seulement à éclat, et il faut entendre non moins d'énergie que d'éclat. Il est fâcheux que cette explication soit nécessaire, et non moins fâcheux qu'on en ait cherché d'autres. Par malheur encore, on a tenté des corrections, et Le Brun proposait : L'ode avec plus d'éclat, de flamme, d'énergie. Son offre n'a pas été accueillie. 1. Horace, Art poétique, vers 83: Musa dedit fidibus Divos puerosque Deorum., Et pugilem victorem, et equum certamine primum, Et juvenum curas, et libera vina referre. 2. Ilorace, livre II, ode xi: Dum flagrantia detorquet ad oscula 3. Boileau a parfaitement raison; mais il faut ajouter, pour le biel. comprendre, qu'un beau désordre n'est jamais qu'un désordre apparent, et que sa beauté réelle résulte d'un ordre supérieur que la réflexion découvre. Cela est vrai de Pindare et de tout beau désordre, en quelque genre que ce soit. 4. Le mérite de Mézerai n'est pas précisément l'exactitude, mais la sincérité. A ce moment Mézerai était, sans comparaison, le meilleur On dit, à ce propos, qu'un jour ce dieu bizarre, Voulut qu'en deux quatrains de mesure pareille Sonne 7 85 90 95 de nos historiens, et aujourd'hui encore il n'est pas des moindres. Son indépendance lui fit enlever le titre et les fonctions d'historiographe. Né en 1610, à Rye, village de Normandie, près d'Argentan, il mourut à Paris en 1683. Il succéda à Voiture comme académicien, et à Conrart comme secrétaire perpétuel de l'Académie. Pendant la Fronde, il écrivit quelques pamphlets vigoureux contre Mazarin. 1. Ce petit épisode, amené là par le nom d'Apollon, jeté comme par hasard, est un jeu d'esprit qui a dû coûter bien des efforts à son auteur. Les règles du sonnet y sont exprimées dans un langage poétique avec une précision rigoureuse. Toutefois, la transition, à ce propos, est un peu brusque. En effet, à propos de quoi? On peut se faire cette question, et il n'est pas facile d'y répondre. Les transitions étaient sans doute ici bien difficiles; mais il faut avouer qu'elles sont en général assez monotones. D'un ton un peu plus haut, mais pourtant sans audace, L'ode, avec plus d'éclat, et non moins d'énergie... 2. Nous retrouvons ici la rime, devenue irrégulière, de françois et de lois. L'invenieur humain du sonnet est Girard de Bourneuil, trouvère limousin du XIII° siècle, mort en 1278. Les Italiens ont fait fleurir ce petit poëme, d'origine française, qui nous est revenu au XVI siècle. Sa vogue a continué jusqu'au temps de Boileau; délaissé au XVIII siècle, il a eu de nos jours une espèce de renaissance. Toutefois T'heureux phénix est encore à trouver. 3. Il s'agit de licence métrique; Malherbe et ses disciples appelaient licencieux les sonnets où quelqu'une des règles était enfreinte. 4. Il reste toujours aux sonnets, même imparfaits, sur certains longs poëmes, un avantage: c'est d'être courts. 5. Ces trois poëtes ne sont pas sans mérite. Gombaud (1576-1666) fut un des premiers membres de l'Académie. Il paya un large tribut au goût maniéré des Italiens. Outre un grand nombre de sonnets et de madrigaux, il a composé une pièce pastorale qui cache, sous le |