Aux harpons indiens ils portent pour épaves1 Le capitaine encor jette un regard au pôle Il sourit en songeant que ce fragile verre Tout est dit. A présent, que Dieu lui soit en aide! Les courants l'emportaient, les glaçons la retiennent, 4 Et vers la ligne ardente elle monte en roulant. 1.Epave, chose perdue, et non réclamée, dont la propriété appartient a l'Etat. Epave maritime, objet que la mer rejette sur ses bords. Etym.: ex, pavidus, parce que épave s'est appliqué d'abord aux bêtes effrayées et égarées. 2. Qui a achevé sa révolution; achevé, complet. 3. Sa surface s'est aplanie; elle s'est nivelée, équilibrée. libella, diminutif de libra. Etym.: latin 4. Ou la ligne équinoxiale; ou, par convention, la ligne; ou l'équateur. Un jour, tout était calme, et la mer Pacifique, Il a vu la bouteille aux gens de mer sacrée : Mais on entend au loin le canon des corsaires; 1 Seule dans l'Océan, seule toujours! - Perdue Un soir enfin, les vents qui soufflent des Florides Il court, cherche un savant et lui montre sa prise, Quel est cet élixir? Pêcheur, c'est la science, 1. Animal mammifère de l'ordre des marsupiaux (marsupium, bourse), par ex., le kanguroo, dont la femelle a sous le ventre une poche dans laquelle elle porte ses petits. Voyez la fable 1, livre II, de Florian. 2. Goémon, appelé aussi varech, herbe marine comme l'algue (aiga) 3. Elixir, préparation pharmaceutique distillée. Etym.: al, le, aksir, quintessence (arabe). Les diamants de l'Inde et les perles d'Afrique, A. DE MUSSET 1810-1857 Alfred DE MUSSET naquit, vécut et mourut à Paris. Plus jeune de dix ou quinze ans que Lamartine, V. Hugo et A. de Vigny, il se jeta, au sortir du collège, dans la mêlée du romantisme, les Contes d'Espague et d'Italie à la main, avec une pétulance audacieuse et fantasque, Aimant, aimé de tous, ouvert comme une fleur. Ce fut une première échappée de jeunesse sous laquelle perçaient et étincelaient l'imagination et la sensibilité qui étaient en lui. Les Poésies diverses (1831), un Spectacle dans un Fauteuil (1833) tinrent toutes ces promesses de son génie. Il les dépassa depuis, il heurta le fond de vase et de gravier des plaisirs fiévreux, et alors, blessé, il trouva dans les Nuits d'incomparables accents qui le mettent, sans qu'il ait repris le nom d'Elégies, à côté ou au-dessus de Lamartine et d'André Chénier. Rolla, les Stances à la Malibran, l'Espoir en Dieu, etc., et, en prose, des Nouvelles, des Contes, des Comédies ou Proverbes, jouées tard, mais toujours jouées depuis, complètent son oeuvre. Génie capricieux et charmant, plein de feu, de verve et de mélancolie, il a l'éclat et la grace, la tendresse et l'élévation. Nul n'a donné plus d'eloquence à la passion; nul n'a peint à plus larges traits la nature dans le sein de laquelle il verse ses joies et ses amertumes; nul depuis Chénier n'a su mieux rendre, en des vers brillants et purs, la fraîcheur et le parfum à ce monde de divinités et d'allégories dont la poésie antique animait celle qu'il aime à appeler « l'immortelle nature ». Tout en imitant souvent Byron dans son allure, il se rêvait Grec, comme Chénier, en ce Paris qu'il n'a jamais quitté : Grèce, ô mère des arts, terre d'idolâtrie, De mes vœux insensés éternelle patrie, J'étais né pour ces temps où les fleurs de ton front Je suis un citoyen de tes siècles antiques: En dépit de ses premières incartades, il est, pour le style, de la lignée de Régnier, et aussi, quoi qu'il en semble, de Malherbe, de La Fontaine, de Molière, par cette langue franche, brillante 1. Le poète a fait de l'expression d'une idée abstraite une allégorie or:ginale et touchante, développée en un large récit et en tableaux successifs. C'est le « drame» de la bouteille. Les vers graves, pleins, grandioses, émus, y abondent. et ferme, par ces larges coulées de vers sonores et pleins, Molière mettait son âme sur les lèvres d'Alceste; A. de Musset, dans l'indépendance de la poétique nouvelle, chante en son nom ce qu'il sent et ce qu'il souffre; mais l'éloquence du cœur ne les fait-elle pas frères? Et A. de Musset ne prétendait-il pas lui-même relever de la vieille école française de Régnier, de Molière et de La Fontaine? (Voir nos dernières citations; voir dans notre Recueil de Prosateurs, p. 635, ce qu'en dit M. Nisard.) CHŒUR DE SOLDATS Telles par l'ouragan les neiges flagellées Soldats, arrêtons-nous. C'est ici la demeure 1. Remonte de la plaine dans tes montagnes. 2. Racine probus? Prouesse, racine probitas? 3. Innsbruck en allemand (Pont de l'Inn), capitale du Tyrol. 4. L'aigle à deux têtes, que l'Autriche a mise sur son drapeau, et qui dit, Lorsque le régiment des hallebardiers passe, Le vertige me prend moi-même dans les airs, En regardant marcher cette forêt d'éclairs ». et auquel répond par un cri de liberté L'aigle montagnard, l'aigle orageux de l'espace, (V. HUGO, Légende des siècles, première série, Le Régiment du baron Madruge.) Comparez cette pièce de V. HuGo, et le Camp de Wallenstein de Schiller (Wallenstein, première partie). Il avançait toujours, toujours en éclaireur; Mais le dieu des hasards n'a voulu de sa vie Que ce qu'il en fallait pour gagner ses chevrons 1, (Premières poésies. Un spectacle dans un fauteuil : La L'ÉTOILE DU SOIR Pâle étoile du soir, messagère lointaine, La tempête s'éloigne et les vents sont calmés. Que cherches-tu sur la terre endormie? Etoile qui descends sur la verte colline, Tomber comme une perle au sein profond des eaux? tier, éditeur.) Charpen 1. Chevrons (racine capreolus: 10 chevreuil, chamois; 20 contre-fiches divergentes comme les cornes du chamois, sur lesquelles repose le toit) sign fie, par assimilation ce dernier sens, des bandes de galon divergentes et disposées en angle, et qui, superposées, chiffrent les années de service. 2. Gagner par ses blessures les éperons d'or d'officier. 3. Papillon de nuit. Tel est le sens du mot grec, pahava, traduit en fran çais. Victor HUGO a dit (Ballades, IX): «le nocturne phalène ». Les dictionnaires de l'Académie et de Littré le font féminin. |