As-tu esteint en nous ton sanctuaire? Non, 1 « Tel est en cet estat le tableau de l'eglise ; Un pseaume dans la bouche, et un luth en la main. «Que ceux qui ont fermé les yeux à nos miseres, « Trouvent tes yeux fermez à juger leurs miseres, «Ils ont pour un spectacle et pour jeu le martyre; LE JUGEMENT DERNIER L'heure du Jugement dernier a sonné. De toutes parts la terre et les tombeaux s'ouvrent, les corps reprennent vie et Tous sortent de la mort comme l'on sort d'un songe. Ils se rassemblent au pied du trône de Dieu Rayonnans de saincte majesté. Les bons sont à droite, les criminels à gauche : 1. Les cœurs sont les temples vivants de Dieu. 2. D'où la contraction gêne. Torture, instrument de torture. Donner la gêne. 3. Ferreus, Tibulle, I. 10, v. 2: Quàm ferus et verè ferreus ille fuit! Quand la nuict tascheroit en sa nuict vous cacher, « Pourquoy nous avez-vous rendus vos precipices 2 ? » O enfans de ce siecle, o abusez mocqueurs *, Les Saincts vous aimoient-ils ? un abyme est entr' cux; 1. Disposé dans l'ordre de la nature. 2. Pourquoi avez-vous fait de nous des précipices, d'où on vous jetait ! 3. On connaît la belle prosopopée de la Nature dans Lucrèce (De Nat. rerum, III, 944-99). Cette prosopopée des éléments, armés contre les persécuteurs, a un caractère de merveilleux étrange et farouche, en harmonie avec la scène où elle a sa place. 4. Incrédules, aujourd'hui détrompés, qui nous railliez. 5. Montaigne avait dit: une âme forte et imployable. . Ad modum, admodum, complètement, autant qu'elle le pourra. 7. Pénétrés (trans, ire) de froid, puis de peur: la peur glace. A l'espoir du poignard, le poignard plus ne tue. PASSERAT 1534-1602 (Ibid., livre VII.) JEAN PASSERAT, de Troyes, Champenois comme Pithou et La Fontaine, jurisconsulte comme l'un, poète comme l'autre, est une des physionomies les plus originales de la seconde partie du xviesiècle. Elève de Cujas à Bourges, latiniste consommé et successeur de Ramus au Collège de France, anti-ligueur, anti-espagnol, anti-allemand, Français avant tout, un des inspirateurs et des principaux collaborateurs, en vers et en prose, de la Satire Ménippée; il sema et égaya de poésies latines et françaises sa vie laborieuse de professeur et de savant; il fit des élégies comme Marot et Ronsard, des sonnets comme tout le monde, amoureux, patriotiques, satiriques, des épigrammes, des epitaphes, des « étrennes », au hasard des événements et de l'inspiration. Il a des vers pour la chasse et les chiens, des vers pour un oiseau mort, pour l'Espérance grandes ailes vertes », pour le Dieu des procès. Il a tour à tour ou à la fois la fantaisie, la grâce, la verve, le sel, à l'occasion une pointe de la gaieté que la vigne donnait au vieil Olivier Basselin du xve siècle. Son vers plus sobre que ceux de l'école de Ronsard, plus châtié, et naturellement déjà moins archaïque que ceux de l'école de Marot, n'est d'aucune école. Passerat est un indépendant qui va de sa vive et franche allure à droite et à gauche: au milieu de ses livres, il chante le mois de mai et chansonne l'Espagnol, ami de la science, de la nature et de la France. << aux LE ROSSIGNOL Viens, ami, viens te promener 1.Jamais le fanatisme n'a revêtu de plus éclatante poésie une plus âpre et plus furieuse éloquence. C'est, de poète à poète, la revanche des invectives de Ronsard. Entens les oiseaux jargonner Mais escoute comme sur tous Oublions tout deuil, tout ennuy (Ode du premier jour de may.) LA GUERRE SONNET Quelle est ceste influence? et de quelles planettes 1. Mai, les roses, le rossignol, l'alouette, la fraîcheur, les grâces, les joies de la nature au printemps ont été mille fois chantés par les poètes, au moyen âge et au xvie siècle. Cette strophe, demi joyeuse, demi melancolique, échappée du milieu des livres du docte professeur, mériterait d'être renommée et répétée comme la strophe qui a immortalisé Bertaut. On ferait un joli bouquet de ces fleurs printanières de notre poésie. En voici deux ou trois, détachées de la poésie antérieure à Ronsard : MARIE DE FRANCE (XIIe siècle) dans le lai du rosssignol, que son langage archaïque nous empêche de citer, dit : Tant doucement le oi la nuit Que mut me semble grand deduit (séduction, plaisir). ALAIN CHARTIER (XVe siècle) : Tout autour oiseaulx volletoient, Et si tres doulcement chantoient Qu'il n'est cueur qui n'en fust joieux, Et en chantant dans l'air montoient. De bleu se vestoient les cieulx, Et le beau soleil cler luisoit. Violettes croissoient par lieux............. Les arbres regarday flourir Et lievres et connins (lapins) courir. Du printemps tout s'e jouissoit; Et en bruiant par la vallee Ung petit ruisselet passoit Dont l'eau estoit comme perlee. PELLETIER DU MANS (voir les Poètes du xvie siècle, tableau préliminaire Alors que la vermeilhe aurore Le bord de notre ciel colore, On ne voit par les champs qu'enseignes et cornettes 1; En la ville on n'oit plus que vaches et taureaus, On n'oit plus par les champs que tambours et trompettes. De la ville s'en vont trafiques et marchants, En la ville s'en vient le bon-homme des champs, Que le ciel faict d'horreur sur la France pleuvoir! CONTRE LES ESPAGNOLS SONNET Mais où est maintenant ceste puissante armee 5, Ce superbe appareil s'en retourne en fumee, Henry, nostre grand roy, comme un veneur le suit, Le menton contre terre, honteux, despit et blesme 7. Espagnols, apprenés que jamais estranger Le François ne se vainc que par le François mesme. 1. Cornette. 10 Sorte de coiffure en pointe de corne ou cornet; 20 étendard de cavalerie ayant cette forme, comme ici; 30 compagnie de cavalerie; 40 officier de cette compagnie, 2. Aujourd'hui trafic, commerce. Étym.: tra, vices (échanges). 3. Les images précises. les contrastes crus de ce court tableau sont plus expressifs et aussi éloquents que les invectives contre la guerre civile, lieu commun de la poésie. On y reconnait le ton à la fois demisérieux, demi-narquois, et toujours sincere et franc, des Ménippéens. 4. Appelés en France et soudoyés par les Ligueurs. 5. L'armée du duc de Parme, en retraite devant Henri IV. 6. On a dit rebourser, reborser; aujourd'hui rebrousser (actif ou neutre) Etym.: rebours, contre-poil des étoiles. 7. Despit, aujourd'hui dépité. Etymol.: despicere, despectus. - Blême, très pâle. Même étymol. que bleu: vient du haut-allemand. |