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Non quasi fortuitus, nec ventorum rabie, sed
Iratus cadat in terras, et vindicet ignis.
Illa nihil nocuit? cura graviore timetur
Proxima tempestas, velut hoc dilata sereno.
Præterea, lateris vigili cum febre dolorem
Si cœpere pati, missum ad sua corpora morbum
Infesto credunt a numine; saxa deorum

Hæc et tela putant. Pecudem spondere sacello
Balantem, et laribus cristam promittere galli
Non audent. Quid enim sperare nocentibus ægris
Concessum? vel quæ non dignior hostia vita?

MOBILIS et varia est ferme natura malorum.
Quum scelus admittunt, superest constantia : quid fas
Atque nefas, tandem incipiunt sentire, peractis
Criminibus. Tamen ad mores natura recurrit

Damnatos, fixa et mutari nescia. Nam quis

Peccandi finem posuit sibi? quando recepit

Ejectum semel attrita de fronte ruborem?

Quisnam hominum est, quem tu contentum videris uno

Flagitio? Dabit in laqueum vestigia noster

Perfidus, et nigri patietur carceris uncum,
Aut maris Ægæi rupem, scopulosque frequentes
Exsulibus magnis. Poena gaudebis amara
Nominis invisi, tandemque fatebere lætus,

Nec surdum, nec Tiresiam quemquam esse deorum.

tuit du choc des élémens; c'est un feu vengeur 46, envoyé par le courroux céleste. La tempête n'a point frappé leur tête? ils n'en craignent que plus la tempête prochaine : la sérénité du ciel ne leur semble qu'un affreux délai. Aux premiers accès de fièvre, aux premières douleurs qu'ils ressentent, ils ne doutent point que ces maux ne leur soient envoyés par un génie implacable: ils les regardent comme les traits lancés par la colère des dieux. Ne crois pas qu'ils osent promettre aux immortels le sacrifice d'un agneau, ou la crête d'un coq à leurs dieux lares. Un scélérat, sur son lit de mort, a-t-il le droit d'espérer? la moindre victime ne mérite-t-elle pas plus que lui de jouir de la vie?

La mobilité et l'incertitude furent toujours le caractère des méchans; ils n'ont de fermeté qu'au moment du crime: est-il consommé, la conscience reprend ses droits. Mais bientôt l'inflexible habitude les ramène à leurs coupables penchans. Qui sut jamais s'arrêter dans la carrière du vice? Quand vit-on renaître la pudeur sur un front endurci? Quel homme verras-tu s'en tenir à son premier forfait ? Rassure-toi : notre parjure tombera dans le filet: il périra dans les fers d'un cachot, ou sur quelrocher de la mer Égée, séjour des grands criminels : tu jouiras de ses peines amères, et, dans la joie de ton âme implacable, tu conviendras enfin que les dieux ne sont ni sourds ni aveugles 47.

que

NOTES

SUR LA SATIRE XIII.

I.

ARGUMENT. Juvénal essaie de calmer un certain Calvinus, furieux de ce qu'on lui retient un dépôt : il lui représente qu'à soixante ans on doit connaître les hommes, et savoir supporter leurs injustices; que celle dont il gémit n'est rien en comparaison des crimes et des sacrilèges dont les tribunaux retentissent tous les jours; que les regrets sont inutiles, la vengeance odieuse, et qu'il doit seulement laisser agir, contre celui qui l'a trompé, le remords et les dieux, qui permettent rarement que le crime reste impuni.

Cette satire et les deux suivantes auraient, à mon gré, suffi pour consacrer la mémoire de Juvénal, et la rendre chère à la postérité; mais il ne s'agit ici que de la satire du Dépôt. Observons d'abord qu'on en retrouve implicitement le motif et l'intention, satire 6, vers 17, lorsque Juvénal regrette ces temps antérieurs au règne de la cupidité, ces temps heureux, « où personne ne craignait le voleur pour ses légumes ou pour ses fruits, où il était inutile d'enclore son jardin : >>

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y

Quum furem nemo timeret

Caulibus et pomis, et aperto viveret horto.

a loin sans doute de cette innocence originelle à l'improbité de ceux que Juvénal va combattre :

Improbitas illo fuit admirabilis ævo.

(Vers. 53.)

Mais dans ces sortes de contrastes, si fréquens chez notre auteur, l'intervalle disparaît, et les rapprochemens inattendus n'en

produisent que plus d'effet. Ce fut là, de tout temps, le secret des grands maîtres.

Je n'insisterai point sur l'importance de cette satire, dont les beautés homériques, telles que la peinture du remords (v. 192 et suiv.), sont plutôt faites pour être senties que discutées. Craignons de gâter le sublime en voulant trop l'analyser.

Je ne puis cependant terminer cet article sans faire une remarque, qui, peut-être, ne paraîtra pas superflue. Il ne s'agit dans cette satire que d'un délit très-simple et trop commun, de la violation d'un dépôt. Que fait Juvénal? d'où tire-t-il de quoi enrichir son sujet sans l'interrompre ni le compliquer? Il me semble que c'est beaucoup moins de l'art que de l'instinct moral, que je regarde, moi, comme son véritable Apollon. En effet, on verra que le fort de son discours ne porte pas tant sur le crime anti-social du faussaire impudent qu'il attaque, que sur le caractère de celui qui gémit d'en avoir été la victime; de sorte que, si d'un côté il déploie le fouet du remords pour châtier un coupable, de l'autre il cherche à consoler et son ami plus faible que malheureux, et quiconque se laisse abattre par les revers inopinés. C'est alors que, faisant luire à ses yeux le flambeau de la sagesse, il lui enseigne, à la manière de Socrate, à profiter de l'expérience trop souvent infructueuse, et qui semble être quelquefois plutôt le châtiment des passions, qu'elle n'en est le remède; enfin, à renoncer à la vengeance, à ne plus s'indigner gratuitement des travers et des vices attachés à l'humaine condition. Cet artifice oratoire, si c'en est un, vaut bien, j'ose le dire, l'urbanité de certains poètes dont le but n'est que de plaire.

Et c'est le terrible Juvénal, cet impérieux Chrémès, c'est lui qui, renonçant à ses premiers ressentimens, devient l'apôtre de la patience, de la douceur et de la résignation! Où donc est cette ardente colère dont il se félicitait, qu'il invoquait dans son désespoir et professait avec transport?

Quid referam quanta siccum jecur ardeat ira?

Sat. I,
vers. 45.

A-t-il changé de caractère? Non, il l'a seulement perfectionné. Disciple de sa propre raison, il s'est tempéré au point de recon

naître enfin, sans néanmoins capituler avec le vice, que la sottise et la perversité humaine ne méritent guère que du sang-froid et du mépris. C'est du moins le sens de ces deux vers, où, relativement à la censure des mœurs, il préfère le rôle de Démocrite à celui d'Héraclite :

Sed facilis cuivis rigidi censura cachinni:

Mirandum est, unde ille oculis suffecerit humor.

Sat. 10, vers. 31.

2. Eût-il été soustrait à la rigueur des lois par l'infidélité d'un préteur corrompu, v. 3. Il y avait à Rome, du temps de Juvénal, cinq décuries de juges, qui jugeaient alternativement. Lorsqu'il survenait une affaire publique, le préteur faisait citer la décurie qui devait juger; alors on jetait dans une urne des tablettes ou bulletins, dont chacun portait le nom des juges, et l'on en tirait au sort le nombre requis, lequel était ordinairement de soixantequinze cela s'appelait sortitio judicum. L'accusateur et l'accusé pouvaient récuser leurs juges; dans ce cas on recommençait, et cela s'appelait subsortitio. Quand le préteur voulait favoriser quelqu'un, c'est-à-dire, lui procurer les juges qu'il désirait, il lui faisait gagner sa cause, soit en substituant d'autres bulletins, soit en les lisant autrement qu'ils n'avaient été écrits; et c'est ainsi, comme dit Juvénal, que le crédit de ce magistrat infidèle triomphait par l'urne même.

3. Calvinus, etc., v. 5. Martial (lib. vII, epigr. 89) parle d'un poète nommé Calvinus; ce pourrait bien être le même que celui de Juvénal.

4. Né sous le consulat de Fonteius, etc., v. 17. Lucius Fonteius Capito, consul sous Néron, l'an de Rome 812, eut pour collègue Caius Vipsanius; d'où il suit que cette satire a été composée l'an 872; c'est-à-dire, la deuxième année du règne d'Adrien. Juvénal était fort vieux alors, et touchait à la fin de sa carrière. Voyez JUSTE-LIPSE, Epist. Quæst., lib. iv, epist. 20.

5. Par le fer ou le poison, etc., v. 25. Par pyxide, j'entends, avec la plupart des interprètes, le poison désigné par la boîte qui le contenait : cependant Cujas et Godefroy (lib. de Aleatoribus, D.

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