Aussi penaut qu'un chat qu'on chastre, Il demeure dans son emplastre, Comme en sa cocque un limaçon. En vain d'arrasser il essaye; Encordé comme une lampraye, Il obéit au caveçon.
Une salive mordicante
De sa narine distillante L'ulcere si fort par dedans,
Que, crachant l'humeur qui le picque, Il bave comme un pulmonique Qui tient la mort entre ses dents.
Ha! que cette humeur languissante. Du temps jadis est différente, Quand brave, courageux et chaud, Tout passoit au fil de sa rage, N'estant si jeune pucelage Qu'il n'enfilast de prime assaut!
Appollon, dès mon asge tendre Pousse du courage d'apprendre Auprès du ruisseau parnassin, Si je t'invoquay pour poëte, Ores, en ma douleur secrette, Je t'invoque pour médecin.
Severe roy des destinées, Mesureur des vites années, Cœur du monde, œil du firmament,
Toy qui présides à la vie,
Guery mon cas, je te supplie,
Et le conduis à sauvement.
Pour recompense, dans ton temple Servant de memorable exemple Aux jousteurs qui viendront après, J'appendray la mesme figure De mon cas malade en peinture, Ombragé d'ache et de cyprès.
hilon, en t'ayant irrité, Je m'en suis allé despité, Voire aussi remply de colere Qu'un voleur qu'on mene en galere,
Dans un lieu de mauvais renom,
Où jamais femme n'a dit non: Et là je ne vis l'hostesse ; Ce qui redoubla ma tristesse, Mon amy, car j'avois pour lors Beaucoup de graine dans le corps. Ceste vielle, branlant la teste, Me dit: Excusez, c'est la feste Qui fait que l'on ne trouve rien ; Car tout le monde est gens de bien : Et si j'ay promis en mon ame Qu'à ce jour, pour n'entrer en blasme, Ce péché ne seroit commis; Mais vous estes de nos amis Parmanenda je le vous jure: Il faut, pour ne vous faire injure,
Après mesme avoir eu le soin De venir chez nous de si loin, Que ma chambriere j'envoye Jusques à l'Escu de Savoye : Là, mon amy, tout d'un plein saut, On trouvera ce qu'il vous faut. Que j'ayme les hommes de plume! Quand je les vois mon cœur s'allume. Autrefois je parlois latin. Discourons un peu du destin : Peut-il forcer les prophéties? Les pourceaux ont-ils deux vessies? Dites-nous quel auteur escrist La naissance de l'Antechrist. O le grand homme que Virgile! Il me souvient de l'évangile Que le prestre a dit aujourd'huy. Mais vous prenez beaucoup d'ennuy. Ma servante est un peu tardive; Si faut-il vrayment qu'elle arrive Dans un bon quart d'heure d'icy : Elle me sert tousjours ainsi. En attendant prenez un siége Vos escarpins n'ont point de liége! Vostre collet fait un beau tour! A la guerre de Montcontour On ne portoit point de rotonde. Vous ne voulez pas qu'on vous tonde? Les choses longs sont de saison. Je fus autrefois de maison, Docte, bien parlante et habile, Autant que fille de la ville : Je me faisois bien decroter; Et nul ne m'entendoit peter
Que ce ne fust dedans ma chambre. J'avois toujours un collier d'ambre, Des gands neufs, des souliers noircis : J'eusse peu captiver Narcis. Mais hélas! estant ainsi belle, Je ne fus pas longtemps pucelle. Un chevalier d'autorité Acheta ma virginité;
Et depuis, avecq' une drogue, Ma mere, qui faisoit la rogue Quand on me parloit de cela, En trois jours me rempucela. J'estois faite à son badinage Après, pour servir au ménage, Un prélat me voulut avoir: Son argent me mit en devoir De le servir et de luy plaire: Toute peine requiert salaire. Puis après voyant en effet Mon pucelage tout refait, Ma mere, en son mestier sçavante, Me mit une autre fois en vente; Si bien qu'un jeune trésorier Fut le troisième aventurier Qui fit bouillir nostre marmite. J'appris autrefois d'un hermite Tenu pour un sçavant parleur, Qu'on peut desrober un voleur Sans se charger la conscience. Dieu m'a donné ceste science. Cet homme, aussi riche que Me fit espouser son valet, Un bon sot qui se nommoit Blaise. Je ne fus oncq' tant à mon aise,
Qu'à l'heure que ce gros manant Alloit les restes butinant,
Non pas seulement de son maistre, Mais du chevalier et du prestre. De ce costé j'eus mille francs; Et j'avois ja, depuis deux ans, Avecq' ma petite pratique, Gagné de quoy lever boutique De cabaret à Montléry, Où nasquit mon pauvre mary. Hélas! que c'estoit un bon homme ! Il avoit esté jusqu'à Rome; Il chantoit comme un rossignol ; Il sçavoit parler espagnol. Il ne recevoit point d'escornes; Car il ne portoit pas les cornes Depuis qu'avecques lui je fus. Il avoit les membres touffus : Le poil est un signe de force, Et ce signe a beaucoup d'amorce Parmy les femmes du mestier. Il estoit bon arbalestier : Sa cuisse estoit de belle marge; Il avoit l'espaule bien large; Il estoit ferme de roignons, Non comme ces petits mignons Qui font de la saincte Nitouche; Aussi-tost que leur doigt vous touche, Ils n'osent pousser qu'à demy: Celui-là poussoit en amy,
Qui ne poussast sans prendre haleine;
Mais tant et tant il a poussé,
Qu'en poussant il est trespassé.
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