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Le peu qui nous est resté de tous les vers qu'avait faits Quintus, nous le montre dans un certain rapport avec les deux grands poëtes du temps, Lucrèce et Catulle, mais beaucoup moins loin de Catulle, par le tour facile et élégant de ses deux petites épigrammes, que de Lucrèce, par la prosaïque inspiration, la versification laborieuse de son fragment didactique. Et toutefois ce fragment ne laisse pas de compter parmi les nombreux témoignages du mouvement général par lequel la poésie latine, enfin en voie d'arriver à des formes plus régulières et plus élégantes, était comme emportée vers ces grands objets dont la philosophie et la science préoccupaient alors la curiosité encore neuve du public romain: mouvement heureux duquel allait sortir le poëme De la Nature, par l'union féconde de de l'art et du génie, les deux éléments des grandes et belles œuvres, comme l'a plus tard enseigné Horace1. C'est pour Quintus un grand titre littéraire, et qui dépasse de beaucoup ceux qu'il eût voulu se donner, que d'avoir le premier aperçu dans l'œuvre de Lucrèce, dont il a peut être été l'éditeur2, cette union de l'art et du génie, que d'en avoir dit, avant tous, et fait répéter à son frère: multis luminibus ingenii, multæ tamen artis3.

1. De arte poet., 408 sqq. - 2. Euseb. Chron.

3. Cic. Epist. ad Quintum fratrem, II, 2. J'ai cité plus d'une fois ce passage de grande importance, car c'est la première annonce qui ait été faite du génie poétique de Lucrèce. Je l'ai cité comme a cru, avec raison, devoir le donner, d'après le texte de l'abbé d'Olivet, M. Le Clerc. (Voyez dans son Cicéron, 2e édit. 1827, le t. XXV, p. 140, 171.) Non ita multis luminibus ingenii, donné par d'autres éditeurs, présente un sens trop déraisonnable pour qu'on puisse l'imputer à Cicéron.

FIN DU SECOND ET DERNIER VOLUME.

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Nouveau coup d'œil sur les commencements de la poésie latine, p. 2; Ennius rapproché de Névius, p. 10; ses Annales, p. 16; ses poëmes didactiques et ses satires, p. 72.

III.

Ancienne tragédie latine: Ennius, Pacuvius, Attius.......

104

Tragédies d'Ennius, p. 110; tragédies de Pacuvius, p. 137; tragédies d'Attius, p. 164.

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V.

259

VI.

Poëtes comiques contemporains et successeurs de Plaute
et de Térence.

Fabula palliata: Cécilius, p. 260; poëtes divers, p. 281; Turpilius,
p. 294. Fabula togata: Titinius, Atta, Afranius, p. 302. Atellanes:
Pomponius et Novius, p. 332. Mimes: Labérius et Publius Syrus,
p. 346.

Ancienne satire latine. - Lucilius

366

Examen de diverses questions relatives à sa vie, p. 371, et à ses satires, p. 380.

VII. Varron (M. Terentius).....

Ses Satires Ménippées, p. 403.

VIII. Cicéron....

401

.....

415

Caractères de sa poésie. Place qu'elle a occupée dans sa vie. Revue chronologique de ses ouvrages en vers, p. 416. Son poëme de Marius, p. 421. Ses poëmes Sur son Consulat, De Consulatu suo; Sur ses malheurs, De Temporibus suis, p. 426 Sestraductions d'Homère et des tragiques grecs, p. 442. Sa traduction des Phénomènes et des Pronostics d'Aratus, p. 456. Poésies de son frère Quintus, p. 478.

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Typographie Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.

alléguer1, sous la forme nouvelle qu'il leur avait donnée, après Aratus, par son frère Quintus, le défenseur, dans le De Divinatione, de l'art des augures. Les vers que rappelle complaisamment Quintus, traduits ou imités librement, soutiennent, c'est une véritable gloire, et soutiennent sans désavantage le parallèle avec ceux d'Aratus 2. Ce qui ne les honore pas moins, c'est qu'ils ne sont pas effacés par ceux de Varron d'Atax, devenus en grande partie la propriété de Virgile.

C'est d'abord le tableau, d'une vivacité pittoresque, de la mer qui se soulève, des rochers qui blanchissent et résonnent à l'envi des flots murmurants, des bruits excités par le vent sur les montagnes et renvoyés, redoublés par les rochers:

Atque etiam ventos præmonstrat sæpe futuros

Inflatum mare, quum subito penitusque tumescit,
Saxaque cana, salis niveo spumata liquore,
Tristificas certant Neptuno reddere voces ;
Aut densus stridor quum celso e vertice montis
Ortus, adaugescit scopulorum sepe3 repulsus.

Il y a là bien des expressions dont on pourrait louer justement le choix, la place, l'effet imitatif. Je n'en veux relever qu'une seule, certant, qui prête poétiquement aux rochers qu'elle anime une sorte d'émulation à répéter ces bruits lointains de la mer.

Ce qui suit ne peint point avec moins de vérité et de beauté poétique la foulque fuyant de la mer vers le rivage, et par ses cris annonçant la venue prochaine de la tempête :

Cana fulix itidem fugiens e gurgite ponti,
Nuntiat horribiles clamans instare procellas.

1. De Divinat. I, 7, 8, 9.

2. Voyez particulièrement chez le poëte grec les vers 177, 210 et suivants.

3. De sepes ou seps, ancienne leçon judicieusement et savamment adoptée par M. Le Clerc. Voyez sa note et celle de M. Clavel, p. 103. 4. Cf. Lucret. De Nat. rer. VI, 1224: Incomitata rapi certabant funera vasta.

Aratus est au-dessous de Cicéron dans le passage où il est question de coassement des grenouilles. L'apostrophe de l'imitateur à ces filles de l'onde, à ces habitantes des marais, a de l'agrément, ainsi que les expressions par lesquelles sont rendus les accents redoublés et importuns de leur voix assourdissante :

Vos quoque signa videtis, aquaï dulcis alumnæ,
Quum clamore paratis inanes fundere voces,
Absurdoque sono fontes et stagna cietis.

Il y a là cependant quelque redondance, comme aussi dans les vers où reviennent plusieurs fois, par des répétitions peut-être trop imitatives, les cris attristants, les plaintes lugubres que fait entendre le hibou à l'heure matinale où se répandent sur la terre rafraîchie les premières rosées de l'aurore :

Sæpe etiam pertriste canit de pectore carmen,
Et matutinis acredula vocibus instat,
Vocibus instat, et assiduas jacit ore querelas,
Quum primum gelidos rores aurora remittit.

Il n'y a qu'à louer dans cette peinture de la corneille, courant sur le rivage et plongeant à plusieurs reprises sa tête dans les flots; de la génisse regardant le ciel et aspirant de ses larges naseaux l'air déjà rempli des vapeurs de l'orage, comme a si bien traduit M. Le Clerc :

Fuscaque nonnunquam cursans per littora cornix
Demersit caput, et fluctum cervice recepit;
Mollipedesque boves, spectantes lumina coli,
Naribus humiferum duxere ex aere succum.

On ne peut se refuser à voir que Cicéron a conduit l'art des vers, avant lui si imparfait encore, jusqu'à Lucrèce, quelquefois même bien près de Virgile; qu'à un certain progrès d'élégance et d'harmonie s'est joint quelquefois dans ses vers une véritable inspiration poétique. C'en était

1. Ce progrès est rendu sensible par d'intéressants détails dans la première partie de la thèse de M. Clavel.

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