Page images
PDF
EPUB

usurpés, dont il a chassé son adverse partie, reste dix-huit mois tranquille, sans faire aucune demande; amuse Quintius par diverses propositions d'accommodement; requiert enfin le préteur Cn. Dolabella 14 d'ordonner à Quintius de fournir caution, d'après la formule de l'édit, attendu que la

JOUISSANCE DE SES BIENS EST PRESCRITE PAR UNE POSSESSION

DE TRENTE JOURS, aux termes de l'édit du préteur. Quintius ne refuse pas d'être condamné à donner caution, si la possession a été véritablement accordée par cet édit. L'ordonnance est prononcée : équitable ou non, je n'en dis rien. Je dis seulement qu'elle est extraordinaire, et je voudrais même ne l'avoir pas dit, parce que l'un n'est pas plus difficile à concevoir que l'autre. L'ordonnance porte que P. Quintius fera sa soumission de plaider avec Sex. Névius sur cette question : Y

A-T-IL UNE POSSESSION DE TRENTE JOURS DE SES BIENS,

EN

VERTU DE L'ÉDIT DU PRÉTEUR? Les amis qu'avait avec lui Quintius s'y refusaient. Ils prouvaient très-bien qu'il convenait de plaider d'abord sur l'objet de la contestation, en sorte que tous deux donnassent réciproquement caution, ou que la caution n'eût lieu ni pour l'un ni pour l'autre : ajoutant qu'il était fort inutile de compromettre l'honneur de l'un d'eux. Quintius criait de plus que s'il refusait de fournir caution, c'était pour ne point paraître avoir regardé lui-même la possession comme légale; et que, s'il faisait sa soumission telle qu'on la proposait, il se trouverait, comme il se trouve en effet aujourd'hui, obligé de plaider, comme demandeur, dans une cause où il s'agissait de défendre son état et son honneur. Les hommes de haute naissance, tels que Dolabella, lorsqu'ils out une fois pris un parti bon ou mauvais, vont toujours plus loin que nous ne pouvons faire, nous autres gens obscurs; aussi persiste-t-il bravement dans son injuste décision. Il ordonne de

IX. Conturbatus sane discedit Quintius: neque mirum, cui hæc optio tam misera, tamque iniqua daretur, ut aut ipse se capitis damnaret, si satisdedisset: aut causam capitis, si sponsionem fecisset, priore loco diceret. Cum in altera re, causæ nihil esset, quin secus judicaret ipse de se; quod judicium gravissimum est : in altera spes esset ad talem tamen virum, judicem, veniendi, unde eo plus opis auferret, quo minus attulisset gratiæ, sponsionem facere maluit: fecit. Te judicem, C. Aquilli, sumsit: ex sponso egit. In hoc summa judicii, causaque tota

consistit.

Judicium esse, C. Aquilli, non de re pecuniaria, sed de fama fortunisque P. Quintii vides. Cum majores ita constituerint, ut qui pro capite diceret, is posteriore loco diceret : nos inaudita criminatione accusatorum, priore loco causam dicere intelligis: eos porro, qui defendere consuerunt, vides accusare: et ea ingenia converti ad perniciem, quæ antea versabantur in salute atque auxilio ferendo. Illud etiam restiterat, quod hesterno die fecerunt, ut te in jus adducerent, ut nobis tempus, quam diu diceremus, præstitueres : quam rem facile a prætore impetrassent, nisi tu, quod esset tuum jus et officium partesque, docuisses. Neque nobis adhuc, præter te, quisquam fuit, ubi nostrum jus contra illos obtine

fournir caution, ou de faire sa soumission pour plaider. En attendant, il donne des ordres très-sévères pour faire retirer nos opposans.

IX. Quintius se retire donc tout consterné, non sans raison, lui à qui on ne laissait que l'injuste et misérable alternative, ou de se condamner lui-même à perdre son état, en présentant la caution exigée, ou d'avoir à parler le premier comme demandeur, s'il voulait plaider pour le conserver, en offrant sa soumission. Comme, dans le premier cas, il ne pouvait éviter de prononcer contre lui-même, ce qui est le jugement le plus flétrissant; et que, dans le second, il avait encore espérance d'avoir un juge chez lequel il trouverait d'autant plus de protection qu'il en apporterait moins d'ailleurs, il a mieux aimé faire sa soumission. Il l'a faite; il vous a pris pour juge, C. Aquilius 15, et s'est mis en état de plaider devant vous. C'est là tout l'objet de cette audience, c'est là toute la cause.

Vous voyez, C. Aquilius, qu'il ne s'agit plus ici d'affaires pécuniaires, mais de l'honneur et de la fortune de Quintius. Nos ancêtres ont réglé dans leur sagesse que l'accusé, dans une cause où il s'agirait de son existence légale, ne parlerait que le dernier : et vous voyez qu'au moyen d'une fausseté dont il n'y a point d'exemple, les accusateurs nous forcent de parler avant eux pour notre défense; que ces accusateurs sont ces mêmes hommes en qui l'on ne trouvait ci-devant que des défenseurs ; et que les grands talens 16 qui, jusqu'ici, n'ont été employés qu'à sauver et à secourir les citoyens, se tournent aujourd'hui contre ceux que l'on veut perdre. Il ne leur restait plus qu'à faire ce qu'ils firent hier, de vous conduire à l'audience pour nous prescrire le temps que vous nous permettriez de parler et c'est ce qu'ils auraient obtenu sans peine du préteur, si vous ne l'aviez instruit de vos droits, de vos de

:

remus: neque

illis unquam satis fuit illud obtinere, quod probari omnibus posset: ita sine injuria potentiam levem atque inopem esse arbitrantur.

X. Verum quoniam tibi instat Hortensius, ut eas in consilium: a me postulat, ne dicendo tempus absumam: queritur, priore patrono causam defendente, nunquam perorari potuisse : non patiar, istam manere suspicionem, nos rem judicari nolle : nec illud mihi arrogabo, me posse causam commodius demonstrare, quam antea demonstrata sit: neque tamen tam multa verba faciam: propterea quod et ab illo, qui ante dixit, informata jam causa est, et a me, qui neque excogitare, neque pronuntiare multa possum, brevitas postulatur, quæ mihimet ipsi amicissima est. Faciam, quod te sæpe animadverti facere, Hortensi: totam causæ meæ dictionem certas in partes dividam. Tu id semper facis, quia semper potes: ego in hac causa faciam, propterea quod in hac videor posse facere. Quod tibi natura dat, ut semper possis, id mihi causa concedit, ut hodie possim. Certos mihi fines terminosque constituam, extra quos egredi non possim, si maxime velim: ut et mihi sit propositum, de quo dicam ; et Hortensius habeat exposita, ad quæ respondeat, et tu, C. Aquilli, jam ante animo prospicere possis, quibus de rebus auditurus

Possum.

voirs et du rôle que vous aviez à remplir. Jusqu'ici nous n'avons eu personne de qui nous ayons obtenu justice contre nos adverşaires; et jamais ils n'ont été satisfaits d'obtenir ce qui pouvait paraître raisonnable; tant ils s'imaginent que, sans la faculté de faire des injustices, le pouvoir ne serait que faiblesse et que pauvreté.

X. Mais, puisque Hortensius vous presse d'aller aux voix; puisqu'il me somme de ne point perdre le temps à discourir; puisqu'il se plaint 17 qu'avec le défenseur qui m'a précédé, jamais on n'en serait venu à la conclusion, je ne souffrirai pas qu'on nous soupçonne davantage de ne vouloir pas de jugement. Je n'ai pas la vanité de prétendre être en état de mieux plaider cette cause qu'elle ne l'a été avant moi. Cependant, je serai d'abord moins long, parce que celui qui m'a précédé l'a déjà suffisamment instruite ; d'ailleurs on exige de moi, qui n'ai qu'un génie très-borné, et une poitrine assez faible, la brièveté qui est tout-à-fait de mon goût. Je ferai, Hortensius, ce que je vous ai vu faire souvent je diviserai mon discours en plusieurs parties bien distinctes 18. Vous le faites toujours, parce que toujours vous le pouvez; moi je le ferai dans cette cause, parce que j'y crois trouver quelque facilité. Ce que vous pouvez toujours, grâce à la nature, je le puis aujourd'hui, grâce à l'espèce de ma cause. Je me prescrirai des bornes et des limites, que je ne pourrai franchir, quand je le voudrais ; et de cette manière j'aurai devant les yeux ce que j'aurai à dire, et Hortensius ce qu'il aura à réfuter; et vous, C. Aquilius, sur quels objets vous devez nous entendre. Nous disons donc, Sextus Névius, que vous n'avez pas été en possession des biens de P. Quintius, en vertu d'un ordre du préteur : c'est là le point à décider entre nous. Je ferai voir, d'abord, que vous n'aviez aucun motif qui vous autorisât à demander

« PreviousContinue »