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Elle a vu que souvent sont montés jusqu'à nous
Les bruits de ses plaisirs qui nous ont semblé doux;

Que, lorsque radieuse elle sort de sa fange,

Souvent de notre choix prêts à nous repentir,
Nous avons, déchirant la robe du martyr,
Pensé que le démon est plus heureux que l'ange.

En nous voyant d'en bas aspirer au sommet,

Elle raille les biens que la mort nous promet;
Et du lot de la terre avide et satisfaite,

Pour elle les instincts qu'elle court assouvir,
Réalisent le ciel où nous voulons gravir;

Et

pour nous.... si le ciel n'était qu'une défaite!

Si nos longs jours d'ennui, si nos chagrins poignants, Si ces âpres dégoûts, dont nos coeurs sont saignants,

Ne trouvaient pas après une onde qui les lave;

Si, quittant cette terre où nous pouvions jouir,
Au but l'Éden promis allait s'évanouir,

Si d'une illusion notre âme était esclave!

Voilà ce que nous dit le doute au dard rongeur,
Ce qui fait sur nos fronts éclater la rougeur,
Lorsque nous proclamons qu'en nous la paix habite,
Que la foi nous conduit sans trouble, sans combats.
Quand nous parlons ainsi le doute vient tout bas
Démentir notre voix avec sa voix maudite.

Que le calvaire est dur à qui veut le monter

Aux oasis humains sans jamais s'arrêter!

Sans reposer son pied que déchire la ronce,

Sans boire aux flots souillés doux aux lèvres des sens,

Sans permettre à son coeur d'écouter les accens

De génie et d'amour que la terre prononce!

Comme le Christ, il sait qu'aux pieds du roc s'étend Quelque Jérusalem, quelque cité portant

Jusqu'aux cieux ses palais, ses dômes de porphire;

Que là, la volupté, l'or, le bonheur humain,
Ont de plus d'une vie enivré le chemin,

Et qu'à la sienne aussi ces biens pouvaient suffire.

Mais il marche toujours, car il s'est confié,
Dans ses heures d'angoisse, au Dieu crucifié;
Puis l'orgueil ou la foi tour à tour le relève.
L'orgueil dit de poursuivre et de persévérer,
La foi de regarder au delà, d'espérer,

Et le martyr brisé recommence son rêve.

Et lorsque la mort vient l'arracher à la croix,

Qu'il contemple la terre une dernière fois,
Elle lui jette encor des clameurs enivrantes :

« Ils sont heureux là-bas, si je m'étais trompé! » Pense-t-il; et ce cri de son coeur échappé

Fait baisser tristement ses paupières mourantes.

C'est alors que, sans doute, en son âme descend
De la foi du vrai Christ quelque rayon perçant,
Et que voyant au ciel, qui pour lui s'illumine,
La couronne promise à son sublime effort,
Il comprend la patrie où vivra l'homme fort,
Et ne regrette plus la terre qu'il domine.

Paris, 1835.

XIII.

A MADAME LEBRUN.

Madame Vigée Lebrun, peintre célèbre de Marie-Antoinette, a parcouru une des plus brillantes carrières d'artiste! Quand la révolution de 1789 l'obligea à quitter la France, quoique bien jeune encore, elle avait déjà fait tous les portraits de la famille royale et ceux des grandes familles de la cour; elle avait été reçue de l'Académie des Beaux-Arts de France; bientôt toutes les académies des capitales où elle voyagea voulurent aussi la compter parmi leurs membres, et tous les souverains et toutes les princesses de l'Europe désirèrent avoir leur portrait peint par elle.

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