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L'ARCADIE.

FRAGMENT

SERVANT DE PRÉAMBULE

A L'ARCADIE.

.....LORSQU'ILS virent qu'après une si fàcheuse expérience des hommes, je ne soupirais qu'après une vie solitaire; que j'avais des principes dont je ne me départais pas; que mes opinions sur la nature étaient contraires à leurs systèmes; que je n'étais propre à être ni leur prôneur ni leur protégé; et qu'enfin ils m'avaient brouillé avec mon protecteur, dont ils m'avaient dit souvent du mal pour m'en éloigner, et auquel ils faisaient assidûment la cour; alors ils devinrent mes ennemis. On reproche bien des vices aux grands; mais j'en ai toujours trouvé davantage dans les petits qui cherchent à leur plaire.

Ceux-ci étaient trop rusés pour m'attaquer

ouvertement auprès d'une personne à laquelle j'avais donné, au milieu même de mes infortunes, des preuves si désintéressées de mon amitié. Au contraire, ils faisaient devant elle, ainsi que devant moi, de grands éloges de mes principes, et de quelques actes faciles de modération qui en avaient été la suite; mais ils y mettaient tant d'exagération, et ils paraissaient si inquiets de l'opinion qu'en prendrait le monde, qu'il était aisé de voir qu'ils ne cherchaient qu'à m'y faire renoncer, qu'ils ne louaient tant ma patience que pour me la faire perdre. Ainsi ils me calomnièrent en faisant semblant de me louer, et me perdirent de réputation en feignant de me plaindre: comme ces sorcières de Thessalie, dont parle Pline, qui faisaient périr les moissons, les troupeaux et les laboureurs, en disant du bien d'eux.

et

Je m'éloignai donc de ces hommes artificieux, qui se justifièrent encore à mes dépens, en me faisant passer pour méfiant, après avoir abusé en tant de manières de ma confiance.

Ce n'est pas que je n'aie à reprendre en moi une sensibilité'trop vive pour la douleur,

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