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tion, par majorve potestas. Ce n'était qu'après leur retour à la vie privée qu'ils pouvaient être déclarés responsables: ils devaient alors rendre compte au sénat ou au peuple.

Dans ces fonctions passagères de magistrature et de gouvernement ne se trouvait point compris un pouvoir législatif spécial, indépendant, en vertu duquel ces magistrats pussent établir de nouvelles règles, tenant legis vicem d'une manière permanente au delà de la durée de leur charge, et liant leurs successeurs. Cependant ils avaient constitutionnellement le jus edicendi, qui ne leur était, à la vérité, originairement accordé par aucune loi fondamentale précise, mais qui du moins leur était assuré par un ancien usage non contesté, et même expressément reconnu par des lois plus récentes. Ils pouvaient donc (et pour certains magistrats c'était même, à ce qu'il paraît, un devoir, du moins à une époque postérieure), à leur entrée en charge, faire connaître publiquement, par des affiches, certains principes qu'ils se proposaient de suivre dans l'exerciee de leurs fonctions. Cela n'excluait pourtant pas la possibilité d'émettre des dispositions spéciales pour des cas particuliers, quand les circonstances le rendaient né

cessaire.

C'étaient surtout les magistratus juri dicundo qui avaient besoin de publier d'avance, en forme d'édit, des principes de droit pour la décision des procès soumis à leur juridiction. Cela s'appelait : jurisdictionis perpetuæ causa edicta proponere, ut scirent cives, quod jus de quaque re quisque dicturus esset, par opposition aux edicta repentina, prout res in-cidit, facta. Entre ces magistrats, les principaux étaient à Rome les préteurs, le prætor urbanus et le prætor peregrinus, qui avaient la juridiction géné

rale, à l'exception de certaines affaires de police et de commerce dont la connaissance était attribuée aux édiles. Pour les provinces, les magistrats les plus importants sous ce rapport étaient les proconsules et proprætores, qui y étaient envoyés de Rome.

Diverses causes, souvent très-pressantes, sollicitaient les magistrats, représentants du pouvoir judiciaire, à faire usage de leur jus edicendi. C'était d'abord l'état du jus civile, qui était encore loin de son complet développement et qui restait souvent fort en arrière des besoins du temps, ne fût-ce qu'à raison de la forme pesante et embarrassée dans laquelle se mouvaient péniblement ses organes législatifs. C'était ensuite l'insuffisance, de jour en jour plus sensible, des principes du jus gentium, qu'il semblait cependant de plus en plus indispensable de compléter, à cause de l'extension qu'avait prise le commerce avec les peregrini, auxquels le jus civile n'était pas applicable. Plus la position des magistratus juri dicundo leur faisait sentir le besoin d'un perfectionnement plus rapide de la jurisprudence, pour la décision des procès apportés à leur tribunal, plus ils semblaient appelés presque nécessairement à s'occuper de cette réforme, par la marche aujourd'hui plus libre de la procédure civile, qui laissait aux inspirations personnelles des magistrats le règlement de beaucoup de points où précédemment on se trouvait enchaîné dans des formes roides et étroites, plus aussi le jus edicendi dut se présenter à ces magistrats comme un expédient naturel et salutaire. Enfin, la forme de publication employée pour les édits était autant dans l'intérêt des justiciables, pour qu'ils connussent d'avance les maximes de droit d'après lesquelles ils seraient jugés, que dans l'intérêt du

magistrat lui-même, pour écarter de lui le soupçon de partialité auquel il etait si exposé.

Il put, sans doute, s'introduire ainsi dans l'édit quelques innovations irréfléchies, quelques principes dont l'utilité ne fut point ensuite confirmée par l'expérience. Cependant aucun inconvénient durable ne pouvait en résulter. A la vérité, d'après le caractère de cette institution, les dispositions d'un édit liaient, comme une règle légale, le magistrat qui en était l'auteur, tant qu'il était en fonctions, et une lex Cornelia (an de Rome 687) avait même expressément ordonné ut prætores ex edictis perpetuis jus dicerent. Mais précisément pour cette raison, les édits n'étaient, par leur nature, que des annuæ leges, et ne liaient pas le nouveau magistrat qui entrait ensuite en charge. En conséquence, une erreur du prédécesseur pouvait très-facilement être réparée par le successeur, qui écartait de l'édit qu'il avait lui-même à rédiger le principe erroné, ou ne l'y insérait qu'en le rectifiant, en lui donnant une forme plus convenable. Mais, réciproquement, il était aussi tout à fait conforme à la marche naturelle des choses que le successeur mît à profit les expériences de ses prédécesseurs, en conservant sagement les dispositions de leurs édits, qui à l'épreuve avaient été reconnues bonnes et convenables, en les insérant dans son propre édit, ou, pour mieux dire, en les y laissant.

Ainsi se forma peu à peu une masse de dispositions édictales, qui, transmises d'un magistrat à l'autre sans changement, devinrent, pour ainsi dire, permanentes, traditionnelles, et prirent de là le nom d'edicta tralatitia, par opposition à celles dont l'introduction était postérieure et toute récente et qu'on appelait nova edicta. Plus les premières subsistaient longtemps, dans la même forme et sans changement,

sous plusieurs magistrats successifs, plus elles acquéraient de poids, auctoritas. Elles constituèrent ainsi une nouvelle et importante source du droit, qui, par sa nature propre, tenait en quelque sorte le milieu entre les lois et les coutumes. Car, bien que le pouvoir législatif du magistrat, limité à la durée de sa charge, le jus edicendi, fût le fondement de ces nouveaux principes de droit, c'était leur maintien, leur répétition dans une longue suite d'édits, qui leur imprimait pour l'avenir le caractère de règles fixes et permanentes. S'ils ont été rapportés au jus scriptum, c'est à cause de la forme de publication des édits, qui supposait nécessairement une rédaction écrite.

Dans ces circonstances, les edicta magistratuum, surtout ceux des préteurs, durent exercer une influence très-heureuse, en offrant le moyen de satisfaire en temps opportun aux besoins de droit qui se succédaient alors avec une rapidité extraordinaire, et la possibilité d'assurer à la jurisprudence une marche progressive, constante et uniforme. Ce qui, d'ailleurs, distinguait particulièrement cette source du droit et donnait un caractère propre à ses résultats, c'était la circonspection, l'attention à ménager ce qui existait, commandée aux préteurs par leur position. Car, pour ne pas porter la confusion dans l'ensemble du droit positif, ils procédaient à sa refonte et à son agrandissement, en mettant en harmonie les éléments anciens et nouveaux, et en cherchant, par cette voie conciliatrice, à rattacher les innovations exigées par l'équité, æquitas, et par besoins du temps, l'æquum jus, aux principes rigoureux du droit primitif, au strictum jus.

les

C'est par ces moyens que les préteurs résolurent le difficile problème d'aider dans tous les sens le droit

civil, adjuvare, vel supplere, vel corrigere jus civile, propter utilitatem publicam. Par là s'explique pourquoi nous trouvons, dans nos sources, le jus prætorium si souvent opposé, comme un heureux complément, au reste du droit, au jus civile.

Ce furent surtout les préteurs qui posèrent les principaux fondements du jus gentium, cette branche si importante du droit le prætor peregrinus, en recherchant les règles à appliquer à la décision des procès où les peregrini étaient parties; le prætor urbanus, en empruntant à ce jus gentium, pour les insérer dans son édit, beaucoup de règles qui lui paraissaient bonnes à être appliquées aux citoyens romains, et propres à compléter et à étendre le jus civile proprement dit.

:

Maintenant, si nous suivons les edicta magistratuum, le jus honorarium, comme on le nomme d'après ses auteurs, dans leurs diverses formes edictum prætorium, urbanum, peregrinum, ædilicium, *provinciale, etc., aucune autre source ne saurait être comparée à celle-ci pour la richesse, au moins quant au droit privé proprement dit et à la procédure civile, auxquels, d'après sa nature, elle se bornait à peu près exclusivement.

Les Romains citent ordinairement les divers passages ou parties, capita, clausulæ, des édits, soit par leur objet spécial, soit par les premiers mots du texte; par exemple : successorium edictum, edictum unde liberi. Ils ne les citent que rarement par le nom du magistrat qui les a publiés; exemple : Carbonianum edictum; tandis que le plus souvent les actions nouvellement introduites dans l'édit par les préteurs portaient le nom de leur auteur; par exemple, Publiciana in rem actio.

Ce qui nous est parvenu des edicta magistratuum

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