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dans leurs attributions originaires, commencèrent bientôt à présenter des propositions de nouvelles lois à la plebs, rassemblée, pour d'autres objets d'intérêt commun, dans les tributa comitia. Si ces propositions étaient adoptées à la majorité des voix, elles prenaient le nom de plebis scita. Ces résolutions, n'ayant pas besoin de l'approbation ultérieuredu sénat, étaient donc indépendantes de toute influence directe des patriciens. Mais précisément par cette raison ceux-ci refusèrent d'abord de reconnaître à ces plébliscites une force obligatoire pour leur ordre, à moins que, par leur confirmation dans le sénat ou dans les comices par centuries, ils n'eussent revêtu le caractère de véritables senatus consulta ou de véritables leges populi. L'application des plébiscites aux patriciens paraît donc être restée indécise pendant un certain temps, jusqu'à ce que, peu à peu, par les leges Publilia de l'an 415 de la fondation de Rome, et plus complétement encore par la lex Hortensia de l'an 467, les plébéiens eussent fait prévaloir la maxime ut plebiscita universum populum tenerent. La conséquence en fut une égalité parfaite entre les leges populi et les plebis scita, puisque, dès ce moment, ces derniers obtinrent décidément au moins legis vigorem, et furent même souvent appelés leges.

L'union et l'assimilation politique des patriciens et des plébéiens une fois définitivement établie, le caractère originairement si tranché des plébiscites, comme pures lois de la plebs, disparut à peu près. complétement vers le milieu de cette période, attendu que maintenant les patriciens votaient aussi * dans les tributa comitia. D'un autre côté, par les mêmes motifs, il ne put plus être question d'une prépondérance des patriciens, comme tels, dans les

comices par centuries. Aussi la différence entre ces deux sortes de lois, quoiqu'elle se conservât et dans la manière de voter et dans l'exactitude du langage officiel, finit par n'être plus qu'une différence de forme, sans aucune valeur politique. Du reste, si les plébiscites forment pour le droit privé une source plus abondante que les leges populi, si, en général, la législation civile proprement dite fut livrée presque entièrement aux comices par tribus, tandis que l'action des comices par centuries s'appliqua particulièrement au droit public et à l'élection des magistrats, cela tint à d'autres circonstances, savoir d'une part, à la forme des plébiscites, qui, d'après l'organisation intérieure et extérieure des assemblées du peuple, parut la forme la plus commode; d'autre part, à la position que les tribuns de la plèbe prirent constitutionnellement vis-à-vis des magistratus juri dicundo.

Chacune des lois du peuple était nommée et désignée par le nom de famille (gentilitium nomen) des deux consuls ou du tribun du peuple dont émanait la rogatio legis, par exemple, lex Elia Senția, lex Hortensia, lex Pompeia. Quelquefois on ajoutait au nom de la loi une qualification tirée de son objet, par exemple, lex Cincia de donis et muneribus, lex Julia majestatis.

Aux résolutions du peuple, aux leges proprement dites, se réfèrent directement ces expressions techniques : legem ferre, rogare, promulgare, suadere dissuadere, perferre, abrogare; legi derogare, subrogare, obrogare.

Il n'entre pas dans le plan de ce précis de faire ici une mention spéciale des diverses lois qui, déjà dans cette période, avaient de l'importance pour le droit privé, et dont la plupart se rapportent aux derniers

HISTO

temps de la libera respublica. Nous les citerons et nous en apprécierons le caractère dans l'exposition du système même du droit, à mesure que nous arriverons aux parties qu'elles ont réglées et modifiées. Plusieurs nous sont, il est vrai, parvenues, au moins par fragments, dans leur forme et leur rédaction originales, par exemple, la lex Servilia (Glaucia1); la lex Thoria (agraria'); la lex Julia municipalis (tabula Heracleensis 3); la lex (Rubria) de Gallia cisalpina; la lex Mamilia de coloniis. Mais la plupart ne nous sont connues que par d'autres écrits, qui rapportent leur contenu tantôt d'une manière générale, tantôt d'une manière précise. On a cependant aussi essayé de les restituer artificiellement. On trouve un aperçu de ces essais dans Haubold, Institutiones juris romani litteraria, Leipzig, 1809, p. 297 et

suiv.

Lex est, quod populus romanus senatorio magistratu interrogante, veluti consule, constituebat, S 4, I., 2, De jur. nat. Conf. GAI., I, S 2.

Plebiscitum est, quod plebs jubet atque constituit. Plebs autem a populo eo distat, quod populi appellatione universi cives significantur, connumeratis etiam patriciis, plebis autem appellatione sine patriciis cæteri cives significantur. Unde olim patricii dicebant, plebiscitis se non teneri, quia sine auctoritate eorum facta essent. Sed postea lex Hortensia lata est, qua cautum est, ut plebiscita universum populum tenerent. Itaque eo modo legibus exæquata sunt. GAI., 1, § 3. Conf., § 4, I., 1, 2, De jure nat.

Ita ne leges quidem proprie, sed plebiscita appellantur, quæ tribunis plebis ferentibus accepta sunt. Quibus rogationibus antea

Publiée par Klenze, Berlin, 1825, in-4.

* Publiée par Rudorff, dans la Zeitschrift für geschichtliche Rechtswissenschaft, t. X, n. 1.

' Publiée par Mazochi, Naples, 1754-55, in-folio; par Marezoll, Göttingen, 1816, in-8°, par Dirksen, Berlin, 1817.

patricii non tenebantur, donec Q. Hortensius dictator eam legem tulit, ut eo jure, quod plebes statuisset, omnes Quirites tenerentur. GELLIUS, Noct. att., xv, 27.

Lex aut rogatur, id est, fertur, aut abrogatur, id est, prior lex tollitur, aut derogatur, id est, pars prioris legis tollitur, aut subrogatur, id est, adjicitur aliquid primæ legi, aut obrogatur, id est, mutatur aliquid ex prima lege. ULPIANUS, Fragm., 1, § 3.

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Les senatus consulta.

Le pouvoir législatif du sénat existait déjà en germe du temps des rois. A la vérité, les attributions du sénat étaient d'abord purement administratives et consultatives; son action législative se bornait au droit qu'il avait prétendu, dès les temps les plus reculés, d'accorder ou de refuser son approbation aux lois votées par le populus. Mais, de même que, d'un côté, dès les premiers temps de la libera respublica, les lois du peuple s'affranchirent insensiblement de cette coopération gênante du sénat, de même, d'un autre côté, et plus tôt encore, le sénat déploya une puissance législative propre et indépendante. Ses résolutions," qui quelquefois dès lors, quoique rarement, n'étaient pas sans importance pour le droit privé, s'appelaient senatus consulta. Elles obtenaient legis vicem, et leurs dispositions obligeaient, dès le principe, le populus entier; car, ce qu'on nous raconte d'un refus des plébéiens de reconnaître les sénatusconsultes, ne fut certainement qu'une conséquence passagère des différends qui s'élevèrent entre les patriciens et les plébéiens sur la force obligatoire des plébiscites.

Les divers sénatus - consultes étaient désignés,

tantôt par le nom des consuls qui senatum consuluerunt, tantôt d'après leur objet ; quelquefois les deux désignations étaient réunies senatus con

sultum Silanianum, senatus consultum Velleianum, senatus consultum de bacchanalibus, de assignanda libertate, etc. Dans un cas unique très-connu, nous trouvons un sénatus-consulte désigné par le nom de la personne privée dont la conduite avait été la cause occasionnelle de son émission: Macedonianum senatus consultum.

Senatus consultum est, quod senatus jubet atque constituit, idque legis vicem obtinet, quamvis fuit quæsitum. GAI., 1, § 4. Conf. THEOPHILUS, ad § 5, I., 1, 2, De jure nat.

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Les edicta magistratuum.

Les magistrats supérieurs, appelés magistratus populi romani, prirent, d'après la constitution de la libera respublica, une position tout à fait particulière. En effet, autant leurs fonctions étaient limitées quant à la durée, puisque régulièrement ils rentraient dans la vie privée après le laps d'une année, autant, pendant cette durée, elles étaient illimitées quant à l'étendue des attributions. En effet, ces magistrats se présentent, dans la sphère de leurs pouvoirs, comme gouvernant ensemble l'état, mais parfaitement indépendants les uns des autres. Dans cette sphère, l'action qu'ils exerçaient en vertu de leur omnipotence personnelle était complétement illimitée. Ils pouvaient seulement être arrêtés momentanément dans tel ou tel de leurs actes par l'opposition de magistrats égaux ou supérieurs, placés les uns à côté des autres, sans rapport de subordina

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