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Différences et divisions des droits, d'après leur étendue
et leur objet.

Les divisions les plus générales et les plus tranchées des droits et des rapports juridiques où les personnes peuvent se trouver placées en conséquence de ces droits, sont celles qui ont lieu d'après leur étendue et d'après leur objet.

I. D'après leur étendue, lorsqu'on demande contre qui ils compétent. Tous les droits doivent, à la vérité, suivant leur nature essentielle, être dirigés contre quelqu'un, c'est-à-dire que quelqu'un doit être obligé par là. Mais selon que cette obligation porte sur tous les hommes avec lesquels celui à qui le droit appartient peut se trouver en contact de quelque manière, ou seulement sur une certaine personne, les droits sont ou absolus, obligatoires généralement, ou seulement relatifs, personnels, c'est-à-dire dirigés déterminément contre une personne obligée.

II. D'après leur objet, lorsqu'on demande à quoi ils tendent, sur quoi ils reposent. Cet objet du droit peut être ou une personne, ou une chose, ou une action.

A. Les droits qui nous compètent sur une personne peuvent se concevoir de deux manières.

1° Comme des droits qui nous appartiennent immédiatement sur notre propre personne. En effet, l'état nous reconnaît et nous garantit certaines propriétés, certaines qualités personnelles, qui sont très-importantes pour nous, parce qu'elles sont, plus ou moins, les conditions de notre capacité juridique à d'autres égards. Comme c'est précisément sur la reconnaissance générale de ces qualités qui nous sont

propres que repose notre personne, c'est-à-dire notre personnalité et la capacité de droit dont elle est la base, il en résulte que notre personne forme l'objet particulier de ces droits, et en demandant qu'on reconnaisse ces droits, nous demandons qu'on reconnaisse notre personne. A ceci se rapportent nommément les droits à la reconnaissance de notre status, de notre liberté, de notre cité et de notre qualité de membres d'une famille, comme agnats. La dénomination de jura status est tout à fait convenable, mais elle ne se trouve pas employée dans nos sources.

2o Comme des droits qui nous appartiennent sur une personne étrangère, c'est-à-dire sur un autre homme qui n'est pas, ainsi que l'esclave, l'esclave, servus considéré seulement comme une chose, mais qui est effectivement considéré comme une personne, par conséquent sur un homme libre. En effet, l'état reconnaît et garantit certains rapports de famille, en vertu desquels une personne obtient sur certaines autres personnes une puissance, une domination plus ou moins rigoureuse, de manière que ces personnes sont ainsi par le fait soumises, dans leur propre personne, au droit du chef de famille. Ces pouvoirs de famille ont véritablement pour objet la personne, et non pas seulement un certain nombre d'actions et de prestations à exécuter par la per

sonne assujettie la preuve en est que, là où ces pouvoirs de famille règnent dans toute leur rigueur, la personne et la personnalité de celui qui y est sou

'Ceci n'est pas exact l'esclave n'était pas considére seulement comme une chose, mais aussi comme une personne : il figure, et avec raison, dans toutes les divisions des personnes; il est cité parmi les personnes alieni juris, dont il va être question dans cet alinéa. (Vote du traducteur.)

mis disparaissent, de fait, presque entièrement. C'est ce qui avait lieu dans le plus ancien droit romain; et ce qui prouve de la manière la plus précise que c'était aussi là le point de vue sous lequel les Romains considéraient ces pouvoirs de famille, c'est l'expression personæ alieno juri subjectæ, par laquelle on désigne les personnes qui, dans la famille, occupent une place subordonnée, ainsi que l'expression jus ac potestas in capite libero. On peut désigner très-bien ces droits par l'expression de jura potestatis, quoique cette dénomination générique ne se rencontre pas dans nos sources.

B. Nous pouvons avoir des droits non-seulement sur des personnes (notre personne ou une personne étrangère), mais encore sur des objets extérieurs qui ne sont pas des personnes, et ces objets extérieurs entrent alors dans nos biens, dans notre patrimoine. Cela peut se concevoir de deux manières.

1o Des choses, dans le sens strict, res, peuvent former l'objet de nos droits, en ce sens que ces choses sont, directement et immédiatement, soumises, d'une manière plus ou moins complète, à notre domination et à notre volonté juridique. Les droits de cette espèce s'appellent jura in re, droits sur les choses, droits réels.

2o Des actions et prestations déterminées de la part d'autres personnes peuvent aussi former l'objet de notre droit, en ce sens que notre domination et notre volonté juridique s'appliquent, non à une chose déterminée, mais seulement à des actions et prestations

'C'est mal à propos que l'auteur rapporte à des personnes alieni juris cette expression, que les jurisconsultes romains appliquaient au pouvoir du tuteur sur le pupille, personne sui juris.

(Note du traducteur.)

'ils

que nous sommes autorisés à exiger d'autres personnes à notre avantage. Les droits dont il est ici question se distinguent des droits résultant des rapports de famille ci-dessus mentionnés, en ce qu' ne constituent pas un pouvoir sur la personne, comme telle, qui fasse disparaître en partie son indépendance et sa capacité de droit. Ici, au contraire, l'obligé, sauf les actions et prestations particulières auxquelles il est tenu, demeure dans sa pleine indépendance, et peut, en exécutant l'action, la prestation due, mettre fin complétement au droit qui l'obligeait jusque-là. Ces droits sur certaines actions et prestations d'autres personnes, s'appellent obligationes, créances. On les appelle aussi droits personnels, parce que ce sont les seuls droits auxquels réponde toujours et essentiellement l'obligation d'une personne déterminée. Ils appartiennent au droit qui concerne les biens, le patrimoine, parce que ces créances ne sauraient avoir pour objet que des prestations qui ont pour le créancier un intérêt appréciable, et qui peuvent au besoin être ramenées à une estimation en argent, représentation générale des valeurs qui composent notre patrimoine.

A la vérité, ces divers droits, malgré leur différence intime, tenant à la différence de leurs objets, rentrent, à certains égards, l'un dans l'autre, et sont dans une dépendance mutuelle; par exemple, les jura potestatis peuvent aussi conduire indirectement à des droits sur les biens, et par conséquent être, sous certain rapport, traités comme ces derniers. Mais ce n'est point là une objection contre cette division; c'est simplement une suite naturelle de ce que le droit, en général, forme un tout organique qui ne peut se concevoir sans cet enchaînement général de toutes ses parties.

Les Romains, eux-mêmes, prennent ces divisions des droits pour point de départ; tous les genres que nous venons de mentionner se trouvent chez eux, et quant au nom et quant à la chose. C'est aussi le sens du principe que les juriconsultes romains placent en tête d'un de leurs systèmes les plus répandus, savoir que tout droit se rapporte aux personæ, ou aux res, ou aux actiones; d'où la conséquence que tous les rapports juridiques dont on a à traiter se ramènent à trois classes principales, au jus quod ad personas pertinet, au jus quod ad res pertinet et au jus quod ad actiones pertinet. Toutefois cette dénomination de jus quod ad actiones pertinet et sa relation avec le jus quod ad res pertinet, ne sont pas très-claires. D'ailleurs ce système, malgré la simplicité par laquelle il se recommande, laisse beaucoup à désirer. Aussi, dans ce cours, si nous suivons, pour quelques parties, le système romain que nous venons d'indiquer, nous nous en écarterons pour d'autres. Les motifs qui nous ont déterminé seront plus convenablement exposés au commencement de chaque partie principale.

Omne autem jus, quo utimur, vel ad personas pertinet, vel ad res, vel ad actiones. $ 12, I., 1, 2, De jur. nat. GAI., I, S 8.

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Exercice et garantie des droits.

Il résulte de l'idée naturelle, essentielle d'un droit, que celui qui l'a est aussi autorisé à l'exercer, et que dans le simple exercice de ce droit, quand il ne sort pas de ses limites, il ne peut jamais y avoir un tort, une injustice. C'est aussi une conséquence de la nature d'un droit, que les personnes qu'il oblige

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