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sorte que les quatre-vingt-dix-sept Novelles forment quatre-vingt-dix-huit titres.

Plusieurs autres dispositions et divisions appliquées par les glossateurs aux recueils de Justinien, trouveront leur place plus loin.

L'activité scientifique que les glossateurs consacrèrent au droit romain a été, en général, d'une haute importance pour les temps postérieurs et pour notre jurisprudence actuelle. Non-seulement ils ont épuré le texte des recueils de Justinien, mais ils ont donné, dans la glose, un commentaire perpétuel sur toutes les parties de ce droit, commentaire qui, soit sous le rapport scientifique, soit sous le rapport pratique, a acquis une plus grande autorité qu'aucun des autres travaux exécutés depuis. En effet, cette glose forme le point central de toute la littérature juridique de cet âge. Elle contient déjà, surtout quand on y rattache beaucoup d'autres écrits des glossateurs qui s'y lient immédiatement, le germe de la plupart de ces nombreuses controverses qui s'agitent encore de nos jours. Ce qui assure d'ailleurs à cette glose une valeur scientifique si considérable, c'est non-seulement l'incontestable sagacité qui s'y montre, mais encore cette circonstance que, abordant les premiers l'élaboration scientifique du droit romain, les glossateurs, forcés de s'adonner entièrement à l'étude des sources mêmes, purent les scruter avec un esprit d'autant plus dégagé, et se les rendirent familières à un degré extraordinaire, presque incroyable. D'un autre côté, il leur manque un esprit philosophique plus libre et des études historiques approfondies; et c'étaient là, il faut en convenir, deux conditions indispensables pour traiter d'une manière complétement satisfaisante le droit romainjustinien. En effet, ce qui caractérise ce droit, c'est

précisément que, étant le résultat d'un développement logique continué à travers une longue suite de siècles, il renferme à la fois et le résumé, la substance de toute la vie juridique de la société romaine, depuis les temps les plus reculés jusqu'aux plus récents, par conséquent une partie importante de l'histoire du peuple romain, et un riche trésor d'expériences parfaitement avérées dans le domaine de la philosophie du droit.

Tout cela aussi explique facilement, soit les grandes qualités de la glose, qui souvent n'ont pas été assez appréciées, soit ses défauts et ses imperfections, qui parfois ont été relevés avec trop de sévérité. De la glose nous sont venues, d'une part, beaucoup d'explications et de théories excellentes, dont, dans ces derniers temps, malgré des attaques multipliées, la justesse a été démontrée, après un examen long et approfondi; mais aussi, d'autre part, beaucoup de théories inexactes et d'erreurs, qui, grâce à la haute considération dont les glossateurs ont longtemps joui, ont eu une durée vraiment surprenante. Enfin c'est aux glossateurs que sont dus une multitude de termes techniques, les uns exacts et conformes aux sources, les autres faux, mal choisis, dont l'emploi, opiniâtrément conservé, a malheureusement amené, plus tard, beaucoup d'erreurs et de confusion.

Quant à l'influence pratique des glossateurs sur la diffusion successive du droit romain, comme droit commun en vigueur, elle ne saurait être appréciée trop haut. De très-bonne heure, dans leurs leçons et leurs écrits sur le droit de Justinien, ils se placèrent à un point de vue, qui, en fait, a plus tard si efficacement contribué à répandre la pratique de ce droit. A leurs yeux, en effet, le droit romain n'avait pas seulement un mérite archéologique ou la valeur

d'un droit particulier, mais il portait le caractère d'un droit commun, obligatoire pour toute la chrétienté. En conséquence, ils s'efforcèrent, avec un succès décidé et souvent avec un tact très-sain, de faire l'application pratique du droit romain aux rapports juridiques de leur temps. Par là ils indiquèrent, avec beaucoup de justesse, la voie suivant laquelle, malgré son origine, qui remonte à un âge oublié depuis longtemps, malgré les nombreux éléments germaniques, complétement étrangers aux mœurs romaines, introduits depuis dans la vie juridique, le droit romain s'accommode très-bien aux besoins du temps présent. C'est précisément ainsi qu'ils rendirent possible la diffusion du droit romain dans la majeure partie du monde chrétien.

Enfin, par une conséquence assez naturelle de ce qui précède, les glossateurs acquirent une telle autorité dans la pratique, que la glose devint plus tard le caractère extérieur qui servait à déterminer la limite du droit romain reçu (receptum) et en vigueur dans le moyen âge. Quod glossa non agnoscit, nec forum agnoscit.

Dans le grand nombre des glossateurs, les suivants sont dignes d'être signalés, soit à cause du mérite supérieur de leurs écrits, soit à cause de la réputation extraordinaire dont ils ont joui parmi leurs contemporains et plus encore par la suite : Irnerius (mort avant 1140), Bulgarus (mort en 1166), Martinus Gosia, Hugo de Porta Ravennate(mort en 1168), Jacobus de Porta Ravennate (mort en 1178), Placentinus (mort en 1192), Pillius, Joannes Bassianus, Albericus de Porta Ravennate, Azo (mort après 1229), Hugolinus Presbyteri, Jacobus Balduini (mort en 1235), Accursius (mort vers 1260), Odofredus (mort en 1265). Il faut remarquer que Bulgarus et

Martinus formèrent, en quelque sorte, deux écoles différentes, d'où sont sorties beaucoup de controverses. L'ascendant de Bulgare paraît l'avoir emporté, et Accurse, en rassemblant les gloses, préféra le plus ordinairement les opinions de Bulgare à celles de Martin. Au contraire, plus tard, le droit canonique a confirmé expressément beaucoup d'opinions de Martin, en rejetant celles de Bulgare.

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Destinée littéraire ultérieure du droit romain, depuis
les glossateurs, en dehors de l'Allemagne.

A l'époque des glossateurs se lie, comme formant une seconde période de l'histoire littéraire du droit civil, l'époque qui s'étend du xII° siècle à la fin du xv. Les écrivains juridiques qu'elle comprend sont appelés par opposition aux glossateurs, tantôt scribentes, ou consiliatores, d'après la forme et le genre habituels de leurs écrits; tantôt Bartolistes, du nom de Bartole, considéré comme le principal représentant de cette époque. C'était le temps de la philosophie scolastique, qui alors, dans sa domination absolue, imprimait à toutes les sciences une forme déterminée, profondément caractérisée, les absorbait, en quelque sorte, complétement en ellemême. Elle a notamment exercé sur la manière de traiter scientifiquement le droit romain une influence marquée, mais au fond peu favorable. Car d'abord il était impossible que, sous la forme gênante de la méthode scolastique, il se développât soit un esprit philosophique un peu libre, soit cet esprit historique si nécessaire à la culture du droit romain. Un obstacle encore plus funeste à l'étude approfondie des sources

du droit résulta de l'oubli dans lequel tomba alors l'ancienne littérature classique, et surtout de la décadence de la langue latine.

Par là s'explique le caractère dominant que présentent généralement les nombreux écrits juridiques de cette époque. Quoiqu'on ne puisse leur refuser une certaine érudition, ils ne sauraient néanmoins, quant à leur vraie valeur intrinsèque, être comparés aux travaux des glossateurs. Car, outre que le manque absolu de goût qui s'y fait sentir, joint à une latinité barbare et à une fatigante prolixité, rend, sous le rapport de la forme, l'étude de ces écrits très-rebutante, il leur manque aussi, sòus le rapport du fonds, précisément ce qui distinguait si avantageusement les travaux des glossateurs, l'étude approfondie des sources. On est frappé de ce défaut, quand on observe qu'ils ne commentent et n'interprètent plus directement les sources mêmes du droit romain, mais s'attachent surtout à traiter, sous le titre de repetitiones, consilia, commentarii, decisiones, dissertationes, quæs tiones, etc., les innombrables controverses soulevées par les glossateurs; ajoutez que souvent, dans la position de l'espèce, du casus, ils se perdent en une vaine casuistique et en de pures subtilités. Par suite de cette tendance, les Bartolistes sacrifiaient le plus ordinairement l'autorité légale des sources mêmes à l'autorité personnelle des glossateurs. De là également, dans cette discussion de controverses où se concentrait alors toute l'étude du droit, ces pénibles efforts pour présenter l'opinion qu'on soutenait comme l'opinion universellement répandue, comme la communis opinio, suivant l'expression alors usitée. Mais, ne cherchant à procurer à cette opinion qu'une prépondérance extérieure, en accumulant les citations de noms d'auteurs, au lieu d'en prouver la vérité

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