Page images
PDF
EPUB

ÉPITRE

A M. LE COMTE DARU,

PAIR DE FRANCE.

« C'EST Juvénal... ; non, c'est Horace.... « Qu'Apollon décide........ » Il paraît,

Et le souverain du Parnasse
Dicte, en souriant, cet arrêt.

« Pourquoi cette longue querelle ?
<«< Dit-il, pourquoi les comparer?
« Et doit-on mettre en parallèle

« Ce que le goût doit séparer?

« En vain l'esprit glose et murmure;
« Cessez toute comparaison
« Entre l'élève d'Épicure

<< Et le disciple de Zénon.

« Si la vigueur de l'un m'étonne
« Et m'entraîne pour un moment,
« La grâce de l'autre m'ordonne
<< De suspendre mon jugement.

«< Quand Juvénal, dans ses maximes, «Se montre l'ami des vertus, <«< Avec lui j'abhorre les crimes, « Et crois entendre Pittacus.

<< S'il poursuit avec hardiesse
« Le luxe, la corruption,
« Le brigandage, la mollesse ;

« Je dis c'est la voix de Caton.

<< Si de la fortune volage

« Il poursuit la divinité;

« C'est Bias, après son naufrage,

<< Qui se rit de la déité.

« Voyez-le, foudroyant l'impie,

« Des dieux relevant les autels;

« C'est Thalès, Thalès qui s'écrie:

« Il existe des Immortels!

« Il s'indigne, il tonne, il éclate

« Contre la superstition;
«Est-ce Juvénal... ? c'est Socrate;
« Et Socrate c'est la raison.

« On le trouve un peu trop sévère, « Un peu dur envers la beauté ; « Cléanthe cherchait-il à plaire, << Quand il disait la vérité ?

[ocr errors]

Quelque sophiste, quelque femme,

« Peut-être l'ont calomnié;

<< La preuve qu'il avait une âme, « C'est son tableau de la pitié. »

Était-ce à moi, pauvre poète,
D'esquisser ici son portrait ?
Ah! mon audace m'inquiète,
Me présage un funeste arrêt,

Frappé d'une terreur panique,
Séduit par l'attrait du repos,
Laisserai-je sous le portique

Et ma palette et mes pinceaux ?

Non, guidé par votre génie,

J'irai jusque dans Tivoli,
Des grâces et de l'harmonie
Peindre l'aimable favori.

Quel transport m'agite et m'égare! Suis-je au sommet de l'Hélicon? Qu'entends-je? le luth de Pindare, Ou la lyre d'Anacréon?

Est-ce la voix de Melpomène? Les dieux en paraissent émus...

C'est le favori de Mécène

Qui chante l'Amour et Bacchus.

Sur les pas du sensible Ovide,
Court-il adorer Cupidon?

Les Grâces lui servent de guide;
Elles répètent sa chanson.

Prend-il l'arme de la satire?
Avec quelle grâce il médit!

Comment chercherait-il à nuire?

En nous corrigeant il sourit...

S'il peint le juste inébranlable,
Il nous élève jusqu'aux cieux...
Avec lui si je suis à table,

Son nectar est délicieux.

Sa Muse rit, joue et badine
Jusque sur le bord du tombeau...
Elle va flatter Proserpine,

Et revient dormir sous l'ormeau.

« Mortels! quelle est votre folie, << Vous courez après le bonheur? << Eh! jouissez donc de la vie,

<< Elle passe comme une fleur.

<< Content d'un champ et d'une treille, << Satisfait d'un petit jardin,

« Je chante, je bois, je sommeille, «Sans m'aviser du lendemain. »

D'où provient ce joli murmure?
Qui chante avec tant de gaîté?
Est-ce Horace? C'est Epicure
Jouant avec la Volupté.

« PreviousContinue »