Page images
PDF
EPUB

«

་་

Vous lui feriez, seigneur, le plus sanglant outrage, Réplique Montanus; qu'on fabrique aussitôt

« Un vase spacieux et digne du turbot.

« On lui doit cet honneur; qu'un Prométhée habile Dispose sans retard et la roue et l'argyle;

་་

« Et surtout ayez soin qu'à dater de ce jour

« On trouve à chaque instant des potiers à la cour.........»
Son avis l'emporta : c'était l'avis d'un maître.
Convive de Néron, il apprit à connaître
L'art de renouveler, au milieu d'un festin,
En dépit du Falerne, et la soif et la faim";
Et, pour le choix des mets, l'habile personnage !
Nul n'a le goût plus fin : exercé par l'usage,
Il prend l'huître, l'avale, et nomme le rocher
D'où la main du plongeur a su la détacher.
A table aperçoit-il un hérisson paraître?..
Il désigne aussitôt la mer qui l'a vu naître.
Enfin César se lève, et le conseil finit.

་་

Allez, dit-il, sortez... » Le sénat obéit,

Et part de cette enceinte où, pressé de se rendre,
De la bouche du prince il espérait apprendre
La honte du Sicambre, ou peut-être un revers,
Rapidement transmis du bout de l'univers.

C

Sicambres, peuples de la Germanie. Ces peuples, connus par Tacite sous le nom d'Usipiens, Teuctères et Bructères, parvinrent enfin, après mille tentatives, à s'établir dans la Gaule septentrionale; mais les Cattes, leurs voisins, restèrent dans le pays: ce sont les Hessois de nos jours. Juvénal leur donne l'épithète de torvi, et Tacite dit : ne in pace quidem, vultu mitiori mansuescunt. Tac. de moribus Ger

man.

d Rapidement transmis. J'ai rejeté l'opinion de quelques commentateurs, prétendant que l'on doit entendre par les mots præcipiti penná, des. colombes dressées à porter les lettres; mais, d'après Dion, on sait que les courriers de l'Etat, veredarii, portaient sur leur tête des plumes, symbole de la rapidité. S'ils étaient porteurs de lettres annonçant quelque revers, leurs plumes étaient noires; sinon elles étaient blanches.

Anxia præcipiti venisset epistola pennâ.
Atque utinàm his potiùs nugis tota ille dedisset
Tempora sævitiæ, claras quibus abstulit 42 Urbi,
Illustresque animas impunè et vindice nullo!
Sed periit, postquam cerdonibus 43 esse timendus
Cœperat: hoc nocuit Lamiarum cæde madenti.

a Vengeurs. Quelques éditions portent Vindice avec une lettre majuscule alors, d'après quelques anciens commentateurs, Juvénal ferait allusion à Vindex, nom propre ; Vindex qui, le premier, osa se déclarer contre Néron, et dont la révolte obligea ce prince à se donner la mort. Mais la plupart des textes modernes portent vindice, nom commun, vengeur, et cela suffit pour autoriser ma traduction.

b Domitien fut assassiné le 18 septembre, l'an 96 de J. C., par Clodianus Cornicularis, Maximus Parthenius son valet de chambre, et par Etienne affranchi de son épouse Domitia Longina, ou, comme dit Suétone, Domicilla Flavilla. Il reçut sept coups de poignard. Il paraît

Plût au ciel qu'à ces jeux, ce prince atrabilaire
Eût donné tout le temps d'un règne sanguinaire,
Temps où le noble sang des plus grands sénateurs
Impunément coula sans trouver des vengeurs " !
Mais le vil artisan craint-il sa barbarie ?

Au bourreau du sénat il arrache la vie.
Rome, tu fus vengée, et le monstre expira,
Les mains teintes encor du des Lamia C.

sang

a

que sa femme, éprise d'un histrion, n'ignorait pas la conjuration. Ce prince avait 43 ans et en avait régné 13. Il fut traité par le sénat comme un gladiateur, dit Aurélius Victor, et son nom fut effacé des fastes de l'empire. Les troupes furent néanmoins sur le point de se révolter, et de demander la punition des meurtriers; mais on parvint à calmer la sédition à force d'argent.

c Des Lamia, nom propre, pris par synecdoque pour tous les nobles et puissans de Rome. Cette famille de Lamia était fort ancienne. Horace en parle dans la 17: ode du 3. livre. Ces Lamia se disaient issus de Lamus, père d'Antiphate, roi des Lestrigons.

SATIRA V.

Parasitum à cænis divitum dehortatur, in quibus contemptìm, miserè ac contumeliosè tractato, non licet frui, nedum tangere delicias quæ ipsis divitibus apponuntur. (Vidè Luciani, ep. Εγω Κρονο χαιρειν. )

Non constat quo tempore scripta fuerit.

PARASITI.

Site propositi' nondùm pudet, atque eadem est mens,
Ut bona summa putes alienâ vivere quadrâ2;
Si potes illa pati, quæ nec Sarmentus iniquas
Cæsaris ad mensas, nec vilis Galba tulisset,
Quamvis jurato3 metuam tibi credere testi.
Ventre 4 nihil novi frugalius. Hoc tamen ipsum
Defecisse puta quod inani sufficit alvo:

a Parasites. Ce nom, depuis long-temps odieux, n'était pas anciennement une épithète infamante; ce mot dérive de deux expressions grecques apa, sur, autour, eros, le blé: celui qui a soin du blé, celui qui veille sur les magasins d'abondance destinés à assurer la subsistance du peuple, ou bien, un mínistre préposé à recueillir le blé que l'on destinait au culte sacré. Ces parasites étaient fort honorés et avaient part aux viandes des sacrifices. Les Romains suivirent cet usage, mais ne donnèrent l'emploi qu'à des affranchis, qui s'avilirent bientôt en se ménageant l'entrée des grandes maisons par de basses flatteries. Alors on nomma parasites les adulateurs, les complaisans qui, pour s'asseoir à la table des riches, sacrifiaient l'honneur et la probité; et les riches usèrent largement alors du droit qu'ils

SATIRE V.

Juvénal engage un parasite à fuir la table des grands où l'attendent le mépris, les affronts, les outrages. Quelle est sa jouissance? Il ne lui est pas même permis de toucher aux mets délicieux que l'on sert à son riche patron. (Voyez l'épître de Lucien : Εγω Κρόνε χαιρειν.)

On ne sait à quelle époque cette satire a été écrite.

LES PARASITES a.

Non, je ne rougis point d'être toujours le même :

ON

« Vivre aux dépens d'autrui, voilà mon bien suprême. En présence des Dieux tu me l'affirmerais,

Trébius, à le croire encor j'hésiterais.

Quoi! souffrir tous les jours les affronts, les outrages
Que Sarmentus, Galba, ces hideux personnages,
Sur les lits des Césars ne supportèrent pas !
Que faut-il à la faim? le plus frugal repas.
Et, je suppose encor une extrême misère,

»

avaient de les ridiculiser, de les baffouer; aussi, dans l'Eunuque de Térence, Gnathon dit: Ego infelix, nec ridiculus esse, nec plagas pati possum. Nous aurons dans cette satire l'occasion de comparer les mœurs des Français sur le Parasitisme avec celles des Romains; puissent mes observations être agréables au lecteur !

b Galba. Il y eut deux bouffons de ce nom; l'un vivait sous Tibère et l'autre sous Domitien. ( Voyez Martial, liv. rer., ep. 1429 et liv. 10, p. 101.) Sarmentus, chevalier romain, vivait sous Auguste; par ses bouffonneries il se rendit agréable à cet empereur. Voyez ce qu'en dit Horace dans sa misérable satire de son voyage à Brindes. Plutarque parle aussi de ce bouffon dans la vie d'Antoine; et Mécène, qu'en disait-il ?

« PreviousContinue »