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à fon plus haut degré de perfection chez les Grecs, étoit affez forte, furtout entre les mains d'Ariftote, furnommé le Génie de la Nature, fur - tout dans une matiere dont tous les elémens etoient à la portée de l'efprit humain, pour analyfer ces elémens, pour les combiner, & en faire un fyftême parfaitement lié. Les ouvrages des Poëtes, le goût du Public, les obfervations des Philofophes, le génie de l'Auteur, tout fe réuniffoit donc pour faire de la Poëtique d'Ariftote un chef-d'œuvre.

Le Philosophe, en commençant, jette un coup d'oeil général fur les Beaux-Arts, & les voit tous ne faisans qu'une même famille ; ayant la même fource, qui eft le goût naturel que nous

avons pour l'imitation; le même fonds, qui eft la nature imitée ; la même fin, quí eft de plaire & d'inftruire par la voie la plus courte de toutes, par l'image. Il préfente ce premier fil aux Artiftes, & le fuivant lui-même dans fes moindres divifions, fans le rompre, il fait voir

que l'Art doit, comme la Nature, être fimple & régulier dans fes plans, riche & varié dans fes détails; aifé & libre dans fa manière d'opérer ; & que, s'il fe diftingue de fon modèle, ce ne peut être que par un certain choix de traits: & de couleurs qui embelliffent fes portraits, fans leur rien ôter de leur ref femblance.

La Poëtique d'Ariftote eft écrite comme elle eft penfée, avec un foin,

tere, des mœurs, un langage convenable, accompagné de tous les agrémens que l'art peut y ajouter. Il n'y eft traité directement que de la Tragédie, & par occafion de l'Epopée ; mais ces deux genres font fi etendus, fi analogues par leur fonds & par leurs formes avec les autres genres, ils font traités avec tant d'adreffe & tant d'art, que les rapports des idées & même leurs contraftes, deviennent des vues à-peu-près suffisantes pour juger des autres efpeces.

Trois fiecles après Ariftote, Horace répandit fur la Poëtique de nouveaux traits de lumiere. Il développa quelques points que le Philofophe Grec n'avoit fait qu'indiquer. Il découvre les fources, il donne des avis, il montre des

ecueils. Mais ce n'eft plus un philofophe qui analyfe, ni qui inftruit avec méthode: c'eft un poëte bel efprit, qui fuit fes idées autant que fa matière, & qui ne veut paroître profond qu'à ceux qui prendront la peine de le méditer.

Jérôme Vida forma fon plan de Poëtique fur celui des Inftitutions oratoires de Quintilien. Il prend l'eleve de la Poëfie au berceau, & le conduit par la main dans tous les bofquets du Pinde, au bord de toutes les fontaines connues des Mufes. Son ouvrage eft d'un bout à l'autre un tissu de fleurs. Mais fentant qu'Ariftote & Horace fuffifoient pour gouverner le génie, autant qu'il peut l'être, il s'eft borné à eveiller le goût poëtique des jeunes gens & à le former fur les grands modeles.

Après ces trois grands maîtres, Defpréaux ne pouvoit guère que retracer les mêmes préceptes; mais il le fait en homme inspiré par les Mufes. Chez lui tous les principes brillent de la plus vive lumiere, chacun à leur place; & le génie de chaque genre le faififfant au moment qu'il en traite, du précepte même il trouve fouvent le moyen d'en faire l'exemple.

Si ces quatre légiflateurs des Poëtes font d'accord entr'eux, fi, malgré la différence des temps, des mœurs, des langues, ils n'ont tous quatre tracé qu'une feule & même voie ; il s'enfuit qu'il n'y en a pas deux pour la Poëfie, & que la marche des Poëtes eft réglée par des principes invariables. Comment ne le feroit-elle pas ? puifque

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