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Le plus grand cérémonial des Romains étoit de n'avoir que trois lits autour d'une table, afin qu'un des côtés demeurât vuide pour le service. Le maître de la maison se plaçoit sur le lit à droite au bout de la table : le plus honorable étoit celui du milieu.

La somptuosité particulière de ces lits de table, consistoit, 1° dans l'ébène, le cèdre, l'ivoire, l'or, l'argent, l'écaille de tortue, & autres matières précieuses dont ils étoient faits ou enrichis; 2o dans les superbes couvertures de diverses couleurs, bordées d'or & de pourpre ; 3° dans les trépiés d'or & d'argent.

Les lits de nos Pères, dit Ovide, n'étoient composés que de joncs & de feuillages; il n'appartenoit qu'aux riches de les couvrir de peaux :

Qui pelles poterat addere, dives erat.

37 Il possède cent tables, belles, spacieuses & antiques V. 137. Les tables des Romains furent d'abord composées d'un bois simple & sans ornement: mais bientôt après leurs conquêtes, ils se piquèrent d'en avoir de bois de cèdre que l'on tiroit du mont Atlas, selon le témoignage de Pline, & d'un autre bois beaucoup plus précieux, le Citrum, qui n'est pas notre bois de citronier, mais d'un arbre beaucoup plus rare, que nous ne connoissons pas, & qu'on estimoit singulièrement à Rome. Cicéron reproche à Verrès d'avoir enlevé en Sicile une table magnifique, composée de ce bois précieux. Tu maximam & pulcherrimam mensam Citream à Lutadio abstulisti. Orat. 6, in Verrem.

Dans la vente des meubles de Gállus Asinius, il s'en trouva deux d'une valeur si excessive, que, s'il en faut croire Pline, le prix de chacune auroit suffi pour acheter un vaste champ. Le travail l'emportoit sur la matière: elles étoient ornées de marqueterie, de nacre de perles & d'ébène. Le soutien de ces tables les rendoit beaucoup plus chères quand il représentoit un léopard, ou tel autre animal fabriqué du plus bel ivoire, enrichi de lames d'or & d'argent. Il paroît que cet objet du luxe prit faveur, parce que les Romains furent long-tems sans connoître l'usage des nappes & des serviettes,

C

Les tables à un seul pied se nommoient monopodia; à deux pieds, bipedes ; à trois pieds, tripedes :

Sit mihi mensa tripes.

Hor. Sat. 3.

Xiphilin (in appendice ad Ciaconium) dit que Sénèque avoit cinq-cens tables à trois pieds: Quingentas tripodas habuit de ligno cedrino, pedibus cburneis, similes & pares inter se, quibus cœnabat.

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38 L'estomach surchargé d'un paon mal digéré, v. 143. L'Orateur Q. Hortensius, l'émule de Cicéron, fut le premier qui apprit aux Romains à manger des paons, dans un repas qu'il donna lorsqu'il fut créé Augure. Ils devinrent si fort à la mode, qu'on ne crut plus pouvoir donner à manger sans en servir; c'est pourquoi Cicéron, dans une de ses lettres, écrit à Pætus, qu'il a donné à dîner à Hirtius sans lui servir de paon; sed vide audaciam, etiam Hirtio cœnam dedi sine pavone. Un certain Cn. Aufidius Lucro, ayant trouvé la manière de les engraisser, gagnoit tous les ans à ce trafic environ 7500 liv. Un troupeau de cent paons rapportoit à son maître, suivant Varron, près de 3000 liv. par an on les vendoit jusqu'à 14 & 15 liv. & leurs œufs 28 ou 30 sols.

39 Tu cours au sortir de la table te plonger dans le bain. V. 143. D'abord on n'ouvroit jamais les bains avant deux ou trois heures après midi: ensuite, ils furent ouverts depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher. Alexandre Sévère est le premier qui ait permis les bains publics, pendant la nuit, dans les grandes chaleurs de l'été. Il n'y avoit, sous les règnes précédens, que les malades & les infirmes qui pussent prévenir l'heure accoutumée. Mais les riches firent construire des bains domestiques, & les voluptueux se baignoient après leurs repas.

40 Moi, je craindrois de nommer quelqu'un? v. 153. Parmi plus de trente, tant Commentateurs que Traducteurs, Isaac Grangæus est le seul qui ait saisi le vrai sens de ce

passage, en coupant le Dialogue après simplicitas. Ces mots, Cujus non audeo dicere nomen? doivent être mis dans la bouche du Poëte, & non du premier Interlocuteur. Le vers suivant en est la preuve, ainsi que le vers 170, dans lequel Juvénal, un peu calmé, consent à n'attaquer que les morts. Il paroît, en effet, qu'il a tenu parole; dans ses autres Satires, la plupart des noms qu'il emploie sont, à l'exemple d'Horace, ou feints, ou empruntés des tems antérieurs, &, quelquefois, purement Grecs. Au reste, ses Satires, s'il les avoit publiées de son vivant, en auroient été d'autant plus piquantes, qu'elles auroient laissé au Lecteur le plaisir de deviner.

41 Son cadavre trainé sur l'arène y tracera un large sillon, V. 157. Tacite & Sénèque, ont fait mention de cet affreux supplice, particulièrement infligé aux Chrétiens, sous le règne de Néron. On leur mettoit une robe souffrée, dit Sulpitius, Sacr. Hist. lib. 11, ut, cum defecisset dies, in usum nocturni luminis urerentur. C'est ce que Juvénal, Sat. vIII, v. 235, appelle tunicâ punire molestâ. Et latum mediâ, &c. Ce vers & les deux précédens, sont sujets à diverses leçons ; j'ai suivi celle de Grævius, adoptée par Heninius.

42 Sur la voie Latine & la voie Flaminie, v. 171. Les Romains plaçoient, le plus souvent, leurs tombeaux le long des grands chemins : c'est pourquoi l'on y trouve encore aujourd'hui, beaucoup de cippes ou colonnes sépulcrales, sur lesquelles on voit des inscriptions qui font connoître l'étendue du terrein, autrefois consacré par l'inhumation.

SATIR A II.

HYPOCRITE.

ULTRA Sauromatas fugere hinc libet & glacialem Oceanum, quoties aliquid de moribus audent Qui Curios simulant, & Bacchanalia vivunt. Indocti primùm, quamquam plena omnia gypso 5 Chrysippi invenias: nam perfectissimus horum est, Si quis Aristotelem similem vel Pittacon emit Et jubet archetypos pluteum servare Cleanthas.

FRONTI NULLA FIDES. Quis enim non vicus abundat Tristibus obscœnis ? Castigas turpia, quum sis 10 Inter Socraticos notissima fossa cinædos?

Hispida membra quidem & duræ per brachia setæ Promittunt atrocem animum; sed podice lævi Cæduntur tumidæ, medico ridente, mariscæ. Rarus sermo illis, & magna libido tacendi, 15 Atque supercilio brevior coma. Veriùs ergo, Et magis ingenuè Peribonius: hunc ego fatis Imputo, qui vultu morbum incessuque fatetur. Horum simplicitas miserabilis, his furor ipse

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LES

SATIRE II.

HYPOCRITES 1.

E FUIROIS, volontiers, au-delà des Sarmates & de l'Océan glacé, toutes les fois que j'entends censurer nos mœurs, par ceux qui affichent l'austérité des Curius 2, & vivent en Bacchantes 3. Sachez d'abord qu'ils sont tous ignorans, quoiqu'ils étalent dans leurs maisons les bustes de Chrysippe : car si l'un d'eux achette le portrait d'Aristote ou de Pittacus, s'il peut montrer l'original de Cléanthe en sentinelle auprès de ses tablettes, le voilà réputé l'oracle de sa secte.

Que le visage est trompeur 4! On ne rencontre, ici, que des cyniques à face austère. Osestu bien sévir contre l'obscénité, toi, le plus infâme cloaque de la bande Socratique ? Cet extérieur mâle, ces membres velus, promettent une ame forte; mais, le médecin rit en coupant les fruits secrets de ta débauche 6. Ils parlent rarement, aiment fort à se taire, & portent les cheveux plus courts que les sourcils. Péribonius a plus de franchise & d'ingénuité: sa démarche & ses traits, déclarent son mal; aussi ne l'imputé-je qu'au Destin. La naïveté de ses pareils, excite ma pitié; ce sont des furieux, je leur pardonne: mais, point de grace à leurs tonnans adversaires 7, qui de l'apologie des vertus, se Cüj

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