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pour partager le patrimoine du Latin Junien. Sabinus voulait qu'on divisât tous les biens par portions viriles; Javolenus faisait une distinction. Étant donné, par exemple, trois héritiers ainsi institués : un fils, primus, pour trois onces, un autre fils, secundus, pour cinq onces, et un étranger pour le dernier tiers, quatre onces; Javolenus partageait la succession du Latin Junien en douze onces primus en prenait trois, secundus cinq, puis les quatre dernières étaient divisées par capita entre les deux enfants; en définitive, primus avait cinq onces et secundus sept (1). Il est à présumer que cette dernière opinion avait prévalu dans la pratique, mais à l'époque de Justinien, l'abolition de la classe des Latins Juniens rend tout à fait inutiles les principes du sénatus-consulte Largien (2).

CHAPITRE III.

SUCCESSION AUX AFFRANCHIS DÉDITICES.

Gaïus dit, en s'occupant de la succession aux déditices : « Nec me « præterit, non satis in ea re legislatorem voluntatem suam verbis « expressisse. » Et je ne me dissimule pas que le législateur n'a pas formulé sa volonté, en cette matière, d'une manière suffisamment explicite. Cependant il pose un principe général. On examinera ce que serait devenu l'esclave, si, au moment de l'affranchissement, il n'était pas tombé dans la classe des déditices. S'il avait dû devenir citoyen romain, sa succession sera attribuée suivant les règles contenues dans le premier chapitre de ce titre; s'il avait dû être Latin Junien, on appliquera les principes exposés dans notre second chapitre, même en ce qui touche le sénatus-consulte Largien. Du reste, le déditice ne pouvait jamais faire de testament, puisqu'il n'appartenait à aucune cité déterminée (3).

CHAPITRE IV.

DE L'ASSIGNATION DES AFFRANCHIS.

Pr. In summa, quod ad bona libertorum, admonendi sumus, senatum censuisse, ut, quamvis ad omnes patroni liberos, qui ejusdem gradus sint, æqualiter bona libertorum pertineant, tamen licere parenti, uni ex liberis assignare libertum, ut post mortem ejus solus is patronus habeatur, cui assignatus est, et cæteri liberi, qui ipsi quoque ad eadem bona, nulla assignatione interveniente, pariter admitterentur, nihil juris in bonis habeant. Sed ita demum

tit. VIII.

Le sénat a pensé, malgré l'attribu- Instit, I. III, tion égale de tous les biens de l'affranchi aux enfants du patron qui sont au même degré, qu'il devait être permis au père d'assigner l'affranchi à l'un d'eux, de telle sorte qu'il fût considéré comme seul patron après la mort du manumisseur; alors, les autres enfants qui auraient également succédé s'il n'y avait pas eu d'assignation n'auront aucun droit sur ces biens. Mais si celui auquel on a fait l'assignation meurt sans lais

(4) G. C. III, § 70.= (2) Pour l'édit de Trajan modifié par Adrien, V. G. C. III, § 73. =(3) G. G. 111, § 74-75-76.

pristinum juris recipiunt, si is, cui assignatus est, decesserit nullis liberis relictis.

ser d'enfants, les autres descendants reprennent leurs droits.

Ce sénatus-consulte a été voté sous Claude, pendant le consulat de Suillus Rufus et Osterius Scapula; on le place de l'an 794 à l'an 804 de Rome, de 41 à 51 après J.-C.

§ 3. Nec interest, testamento quis assignet, an sine testamento, sed etiam quibuscumque verbis hoc patronis permittitur facere, ex ipso senatusconsulto, quod Claudianis temporibus factum est, Suillo Rufo et Osterio Scapula consulibus.

Peu importe que l'assignation soit faite par testament ou ab intestat; on peut employer toutes les paroles qu'on voudra, c'est ce qui résulte du sénatusconsulte fait au temps de Claude, sous le consulat de Suillus Rufus et Ostcrius Scapula.

L'assignation ne pouvait être faite que par le patron lui-même (1); il pouvait y ajouter des modalités. Pomponius n'admettait pas cependant qu'on pût la faire jusqu'à un certain terme (2). On la révoquait par une simple manifestation de volonté; c'était une question de fait (3).

§ 1. Nec tantum libertum, sed etiam libertam, et non tantum filio nepotive, sed etiam filiæ neptive assignare permittitur.

§ 2. Datur autem hæc assignandi facultas ei, qui duos pluresve liberos in potestate habebit, ut eis, quos in potestate habet, assignare ei libertum libertamve liceat. Unde quærebatur, si eum, cui assignaverit, postea emancipaverit, num evanescat assignatio? Sed placuit evanescere, quod et Juliano et aliis plerisque visum est.

On peut assigner un affranchi ou une affranchie en faveur, non-seulement d'un fils ou d'un petit-fils, mais encore d'une fille ou d'une petite-fille.

Cette faculté d'assigner est accordée à celui qui a deux ou plusieurs enfants sous sa puissance; il peut ainsi leur désigner un affranchi ou une affranchie. D'où on s'est demandé si l'assignation était éteinte par l'émancipation de l'enfant, et on a décidé qu'elle s'éteignait tel était l'avis de Julien et d'autres jurisconsultes.

Nous trouvons cependant, au Digeste, des textes qui admettent formellement la validité de l'adsignatio faite à un enfant émancipé. Suivant Unterholzner, le préteur donnait alors une bonorum possessio decretalis, assimilée, quant aux effets, à la bonorum possessio unde legitimi (4).

TITRE II.

Succession aux personnes qui ont été in mancipio.

D'après le droit civil, l'individu qui avait été in mancipio se trouvait loco libertini, de même qu'il était loco servi pendant le mancipium; sa succession était donc attribuée à son ancien maître, dans le cas de mort ab intestat et sans enfants. Mais nous ne pensons pas qu'on ait jamais appliqué aux personnes sorties du manci

-(1) F. 8, de adsignand. D. 38., 4. = = (2) F. 10, 13, §1, de adsignand. D. 38, 4.= (3) F. 4, $ 3-4-5-6, de adsignand. D. 38, 4. (4) F. 3, § 4-5-6. — F. 9, de adsignand. D. 38, 4.

pium les règles de la bonorum possessio contra tabulas en faveur du patron, ou les principes de la loi Papia Poppaa.

Le droit prétorien, loin de favoriser le prétendu patron, lui préféra, comme nous l'avons vu, dix personnes auxquelles il donna la bonorum possessio unde decem persona. Ces dix personne sont : le père, la mère, l'aïeul et l'aïeule paternels ou maternels, le fils, la fille, le petit-fils et la petite-fille issus d'un descendant du sexe masculin ou féminin, peu importe; le frère et sœur utérins ou consanguins.

A l'époque de Justinien, le mancipium n'existe plus, et l'empereur abroge comme inutile la possession unde decem personæ (1).

LIVRE TROISIÈME.

THÉORIE DES OBLIGATIONS.

Sous cet intitulé, théorie des obligations, on comprend l'explication de tous les moyens qui servent à faire naître ou à éteindre entre-vifs la relation juridique à laquelle on donne le nom de droit personnel.

Nous diviserons cette matière en cinq parties :

PREMIÈRE PARTIE.

Notions générales. Sources des obligations. DEUXIÈME PARTIE. Modalités des obligations. Extinction des obligations.

TROISIÈME PARTIE.
QUATRIÈME PARTIE.

des obligations.

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CINQUIÈME PARTIE. Sanction des obligations (2).

L'étude de la théorie des obligations en droit romain présente une très-grande importance, comme introduction à l'étude du droit français. Nous avons bien eu l'occasion de signaler jusqu'ici des analogies avec notre législation moderne, mais en matière de droit personnel, ces rapports vont se multiplier, et cela est facile à comprendre chez tous les peuples, il y a un certain nombre de relations conventionnelles qui sont toujours les mêmes, malgré les siècles écoulés entre deux époques; ce sont les actes du droit des gens: « Quæ apud omnes gentes peræque servantur. » Or, quand une législation arrive à trouver les vrais principes applicables à ces matières, les peuples qui viennent ensuite n'ont plus qu'à copier les dispositions antérieurement formulées, en les adaptant toutefois aux mœurs et aux besoins de leur époque. C'est ce qui est arrivé pour notre Code.

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(1) Instit., liv. 111, tit. 1x, § 3-4. (2) Cette division est celle que suivait notre maître, M. Oudot, dans son cours sur le Code Napoléon.

Depuis l'article 1100 jusqu'à l'article 1384, il est peu de règles qui ne viennent plus ou moins directement de la loi romaine. Cependant, il y a des différences qui tiennent au génie divers des deux peuples; ainsi, chez nous, la simple manifestation de volonté produit des effets que les Romains n'ont jamais admis, soit pour la translation du droit réel, soit pour la création et l'oxtinction du droit personnel; la condition résolutoire, la subrogation, la compensation, etc., sont organisées dans le Code Napoléon autrement que dans les Fragments du Digeste; mais les principes sur l'action Paulienne, sur la divisibilité et l'indivisibilité, sur le payement, la novation, la confusion, etc., etc., trouvent d'excellents commentaires dans les ouvrages des jurisconsultes de Rome. Aussi, nous ne saurions trop recommander aux jeunes gens d'apporter une attention toute particulière à cette partie de leurs études (1).

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tit. XIII.

TITRE PREMIER.

Notions générales.

Nous avons défini le droit personnel la puissance morale d'exiger d'une personne déterminée une action ou une abstention. L'obligation corrélative au droit personnel, c'est le lien moral qui astreint quelqu'un à faire ou à s'abstenir.

Les Institutes contiennent une définition analogue:

Instit., 1. III, Pr. Obligatio est juris vinculum, quo necessitate adstringimur alicujus solvendæ rei, secundum nostræ civitatis jura.

L'obligation est un lien de droit qui nous impose la nécessité de nous libérer, conformément aux lois de notre cité.

La métaphore vinculum juris remonte à une haute antiquité chez es Romains; ils se servaient autrefois du mot nexum, de nectere, nouer, lier; et la loi des douze Tables disait en parlant d'une manière générale : « Qui nexum faciet, mancipiumve ita jus esto. >>

Sous le point de vue de leur origine, les jurisconsultes de Rome divisaient les obligations en deux classes; elles viennent, disaientls, du droit civil et du droit prétorien.

§ 1. Omnium autem obligationum Toutes les obligations se divisent en summa divisio in duo genera deducitur; deux grandes classes: elles sont civiles

(1) BIBLIOGRAPHIE. — Molitor, les Obligations en droit romain (A côté d'excellentes arties, cet ouvrage contient quelquefois des théories un peu hasardées). SAVIGNY, Traité du droit romain, t. 11, 1II. — MUHLENBRUCH, Doctrina pandectarum, MAREZOLL, traduit par M. Pellat, numéro 118 à 137. — Les Commentaires de MM, Ducaurroy et Ortolan.

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namque aut civiles sunt, aut prætoriæ. ou prétoriennes. Civiles, quand les lois
Civiles sunt, quæ aut legibus constitutæ, les ont établies ou approuvées; préto-
aut certe jure civili comprobatæ sunt. riennes, quand elles viennent de la ju-
Prætoriæ sunt, quas prætor, ex sua ju- ridiction du préteur; on les appelle éga-
risdictione constituit, quæ etiam hono- lement honoraires.
rariæ vocantur.

CHAPITRE PREMIER.

SOURCES DES OBLIGATIONS D'APRÈS LE DROIT CIVIL.

Sommaire. — 1. Le droit civil, d'abord très-rigide, s'adoucit avec le temps.

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- 2. Énu4. Le contrat. - 5. Éléments du 7. Le délit; ses caractères. —

Pour bien comprendre les explications qui vont suivre, il faut se rappeler le caractère rigide de l'ancien droit civil. Nous l'avons vu procéder, en matière de droits réels, par formules; rigoureusement déterminées. Sous peine de ne pas pouvoir se dire propriétaire ex jure Quiritium, il faut que l'acquéreur emploie souvent la mancipation et la cessio in jure; c'est la civilisation qui vint briser en quelque sorte la barrière élevée par le vieux génie du Latium pour faire reconnaître et protéger devant les tribunaux la propriété du droit des gens,

Ce spectacle se représente dans la théorie du droit personnel. D'abord on voit le nexum avec ses formes empruntées à la mancipation, puis une liste sacramentelle d'actes que la loi promet de protéger ou de punir, liste tellement restreinte dans le principe, que l'on comprend à peine comment elle pouvait suffire aux besoins les plus usuels de la pratique. Mais Rome cessa d'être une petite nation; l'Italie, les provinces, vinrent les unes après les autres se grouper sous sa domination; alors les relations, se multiplièrent et prirent des formes variées qu'il fallut sanctionner ou rejeter. Ici, il modifie le y eut encore invasion du droit des gens; et plus la législation, romaine se perfectionna, plus on tendit à substituer les principes de l'équité et de la raison, aux formes, qui venaient peut-être des Étrusques ou des Samnites.

Le

droit des gens

droit civil.

de la

Il y eut surtout un événement qui contribua à la transformation du droit romain, et qui le mena à la haute perfection qu'il atteignit au Influence second siècle de l'ère chrétienne, ce fut l'adoption par les juriscon- philosophie sultes romains des principes de la philosophie stoïcienne : la notion christianisme. du devoir, qu'ils prirent pour guide, les mena à des solutions qui sont encore appelées la raison écrite. Enfin les principes du christianisme vinrent faire disparaître les dernières traces de matérialisme que le stoïcisme avait laissées subsister; et, de même que nous avons vu la mancipation et la cessio in jure tomber en désuétude,

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