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vis-à-vis des voleurs ou de ceux qui s'emparent du fonds qu'il a acheté, on lui donne l'action Publicienne, en supposant qu'il a déjà transformé par l'usucapion sa propriété in bonis en propriété quiritaire.

2o Il y a des choses dont l'usucapion n'est pas admise en droit romain; ainsi les fonds provinciaux, ainsi les servitudes. Cependant, pour protéger ceux qui ont une juste cause de posséder ces fonds ou d'exercer les servitudes, on en vint à feindre l'existence de l'usucapion, surtout si la possession ou l'exercice durait depuis un certain laps de temps. « Si de usufructu agatur tradito, Publiciana datur. <Itemque servitutibus urbanorum prædiorum per traditionem « constitutis vel per patientiam... item rusticorum... In vectiga<< libus et in aliis prædiis quæ usucapi non possunt, Publiciana com<< petit, si forte bona fide mihi tradita sunt (1). »

3° Quand on achète de bonne foi une chose a non domino, on ne devient propriétaire que par l'usucapion; mais si on perd auparavant la possession, le préteur donne la Publicienne. Cependant cette action pourra être paralysée, dans certaines circonstances, par verses exceptions.

di

Exception Il est d'abord évident que la fiction ne doit pas l'emporter sur la dominii. réalité. Aînsi un prædo s'est mis en possession de mon fonds et il le

justi

Cas

où il y a eu

traditions.

vend à un tiers de bonne foi; avant que l'usucapion soit accomplie, je rentre paisiblement en possession de la chose qui m'appartient encore. Si l'acheteur intente contre moi l'action fictice, dans laquelle il suppose qu'il a usucapé, je ferai insérer dans la formule une exception ainsi conçue: « Nisi Numerius Negidius sit justus dominus. › C'est ce qu'on appelle l'exception justi dominii (2). Il est certain que je dois triompher; tant pis pour l'acheteur qui a traité avec celui qui n'était pas propriétaire, il intentera l'action en garantie contre son vendeur.

Une seconde difficulté se présente dans le cas où la fiction est inplusieurs voquée à la fois par le demandeur et par le défendeur. Ainsi deux personnes ont successivement acheté le même objet a non domino; l'une intente la revendication fictice en supposant qu'elle a usucapé, l'autre veut garder la possession en opposant qu'elle serait aussi propriétaire s'il s'était écoulé le délai voulu pour l'usucapion.

Les jurisconsultes romains s'étaient divisés sur ce point. Julien et Ulpien (3) font une distinction. Si les deux plaideurs ont acheté la chose au même vendeur, ils préfèrent celui qui a été mis le premier en possession. Ils se fondent probablement sur ce que les parties (4) F. 44, § 1. - F. 12, § 2, de Publiciana. D. 6, 2. = (2) F. 16, de Publiciana. D. 6, 2. =(3) F. 9, § 4, de Publiciana. D. 6, 2.

veulent supposer toutes les deux qu'elles ont traité avec le vrai propriétaire, et dans ce cas il est certain que la propriété aurait été transmise au premier possesseur. Si, au contraire, il y a eu deux vendeurs différents, ils préfèrent celui qui est actuellement en possession.

Nératius n'admettait pas cette distinction; dans tous les cas il donnait la préférence à celui qui avait été mis le premier en possession. Si l'usucapion n'avait demandé qu'un instant de possession, c'est lui qui serait devenu propriétaire; or, dans une fiction où il suffit d'avoir possédé un seul moment, il doit triompher: « Is ex << nobis tuendus est, qui prior jus ejus adprehendit, hoc est cui pri«< mum (res) tradita est (1). »

Du reste, tout le monde était d'accord pour décider que si l'une des parties avait reçu la possession du véritable maître, elle devait • triompher: « Si alter ex nobis a domino emisset, is omnino tuendus « est. >>

4o Enfin l'action Publicienne avait une dernière utilité. Quand on revendiquait et qu'on craignait de ne pas pouvoir établir la propriété de son auteur, on invoquait la fiction.

A l'époque de Justinien, l'action Publicienne n'est plus utile que dans deux cas: 1° dans la vente a non domino; 2o quand on ne peut pas prouver en justice la propriété de celui de qui on tient la chose. Dans l'action Publicienne, on suppose l'accomplissement d'une usucapion qui n'existe pas; on avait admis dans la pratique une fiction contraire, qui constitue, à proprement parler, une restitution in integrum, accordée à des majeurs de vingt-cinq ans; cependant les commentateurs ne lui donnent pas cette dénomination, ils l'ap- Fiction pellent ordinairement, la Publicienne rescissoire, bien que cette expression ne se trouve pas dans les textes (2).

§ 5. Rursus ex diverso, si quis, cum reipublicæ causa abesset, vel in hostium potestate esset, rem ejus, qui in civitate esset, usu ceperit, permittitur domino, si possessor reipublicæ causa abesse desieriit, tunc intra annum, rescissa usucaPIONE, eam petere, id est ita petere, ut dicat, possessorem usu non cepisse, et ob id suam esse rem. Quod genus actionis quibusdam et aliis, simili æquitate motus, prætor accommodat, sicut ex latiore Digestorum seu Pandectarum volumine intellegere li

cet.

Par contre, si une personne absente pour le service de la république, ou prisonnière chez les ennemis, usucape la chose de celui qui est dans la cité, on permet au maître, si le possesseur cesse d'être absent pour la république, de réclamer la chose pendant un an, en faisant rescinder l'usucapion, c'est-à-dire de la demander, en disant que le possesseur n'a pas usucapé, et que, par conséquent, elle est encore à lui. Le préteur, poussé par une raison d'équité, donne ce genre d'action à certaines personnes et dans certains cas déterminés, comme on peut le voir dans les Pandectes.

(1) F. 31, § 2, de actionib. empt. D. 19, 1. = (2) F. 28, § 5-6, ex quibus causis majores. D. 4, 6, Cf. de Savigny, t. VII, page 193.

contraire

à

l'usucapion.

Cas auxquels s'applique

l'action rescissoire.

Absence

du

possesseur.

Absence

du

la

D

Il y a une première difficulté de texte contre laquelle il faut se prémunir. Le paragraphe suppose un prisonnier qui usucape chose d'un citoyen resté à Rome, mais on objecte que la captivité interrompait la possession et par conséquent le cours de l'usucapion. La fiction du postliminium elle-même ne pouvait pas être invoquée par le captif, parce que la possession est « potius facti quam juris. » Ulpien pose ainsi la règle : « Si is qui pro emptore possidebat, ante <«< usucapionem ab hostibus captus sit, videndum est an heredi ejus << procedat usucapio; nam interrumpitur usucapio, ideoque nec « postliminium ei prodest, ut videatur usucepisse (1). » On se demande alors ce que peut signifier le texte des Institutes: pour lui donner un sens, il faut supposer l'espèce prévue par Ulpien dans la suite du fragment dont nous venons de transcrire une partie. L'usucapion avait été commencée par un fils de famille ou un esclave en puissance du prisonnier; la captivité du maître n'a pas interrompu le fait de la possession, et quand il revient, il le vivifie au point de vue juri dique par le postliminium, ainsi l'usucapion se trouve accomplie (2). L'action rescissoire s'applique à divers cas :

1o Celui qui possède par un esclave est absent; il va usucaper, parce qu'on ne peut pas agir contre lui. Peu importe alors la cause de l'absence, il ne doit pas dépendre d'un tiers de paralyser le droit du propriétaire en voyageant toujours pour se soustraire à la vocatio in jus (3). Mais il faut également supposer que l'absent n'a pas laissé de représentant chargé de le défendre, car autrement, le propriétaire serait en faute, et on lui refuserait la restitutio in integrum contre l'usucapion;

2o Celui qui possède est présent, et il usucape contre un propriépropriétaire. taire absent.

Ici, il faut que le maître de la chose usucapée justifie de motifs graves qui l'ont empêché de veiller à la conservation de ses biens, sans cela on lui refuse l'action appelée Publicienne rescissoire. De même, si une personne a laissé un procurator négligent, qui n'a pas intenté la revendication, elle n'obtiendra pas la restitution en entier; il faudra intenter l'actio mandati directa contre le représentant peu diligent (4).

Les justes causes d'absence admises par le préteur étaient: 1o le service de la république; 2° des maladies graves; 30 la captivité chez l'ennemi; 4° la servitude de fait dans laquelle on était retenu, 5° quand on était in vinculis; 6° enfin quand l'absence avait éle amenée par la violence (5).

(4) F. 15, de usucapionib. D. 41, 3. =(2) F. 23, § 3, ex quibus causis majores. D. 4, 6. — F. 44, § 7, de usucapionib. D. 41, 3.-F. 29, de captivis. D. 49, 15. (3) F. 21-22, ex qui bus causis majores D. 4, 6. = (4) F. 39, ex quibus causis majores. D. 4, 6. = (5) F., $1.-F. 2, § 4. F. 3, § 1. — F. 4, 5, 9, 11, 14, 13, ex quibus causis majores. D. 4, 6.

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Le temps pour obtenir la rescission était d'une année utile, comme pour les autres restitutiones in integrum. Justinien remplaça ce délai par celui de quatre ans continus; on pouvait même le rendre perpétuel par une déclaration faite, en l'absence de l'adversaire, au président de la province, à l'évêque ou au défendeur de la cité, et enfin, à leur défaut, à un tabellion assisté de trois témoins (1).

B. Action Paulienne.

Sommaire. — 1. L'action est in rem aux Institutes et in personam au Digeste.
2. Conditions pour l'exercer. 3. Délai pour intenter l'action.
obtenir.

S 6. Item si quis in fraudem creditorum rem suam alicui tradiderit, bonis ejus a creditoribus ex sententia præsidis possessis, permittitur ipsis creditoribus, rescissa traditione, eam rem petere, id est dicere, eam rem traditam non esse, et ob id in bonis debitoris mansisse.

4. Ce qu'elle fait

tit. VI. Fiction de l'action

De même, si quelqu'un livre sa chose Instit., 1. IV, à un tiers en fraude de ses créanciers, et que ses biens soient saisis en vertu d'une sentence du président, il est per- Paulienne. mis aux créanciers de faire considérer la tradition comme non avenue, et de demander la chose en disant qu'elle n'a pas été livrée, et que, par conséquent, elle est restée dans les biens du débiteur.

D'après le paragraphe de Théophile, l'action dont il est parlé ici portait le nom d'action Paulienne, parce qu'elle avait été introduite dans l'édit par un préteur appelé Paulus; elle est donnée, aux Institutes, comme exemple d'action in rem; enfin elle a pour but de faire considérer comme non avenues les aliénations accomplies par un débiteur en fraude de ses créanciers.

Comme toutes les actions in rem, dans le sens de Gaïus et de Justinien, l'action Paulienne devait être donnée contre un détenteur quelconque, et en effet, Théophile ne distingue pas. Mais c'était là un grave inconvénient pratique, car le détenteur actuel pouvait avoir acquis la chose de très-bonne foi, et après une série de ventes qui le mettaient dans l'impossibilité de soupçonner même que la première vente eût été faite in fraudem creditorum. Puis cette action in rem ne pouvait pas s'appliquer aux obligations contractées, aux acceptilations faites pour frauder les créanciers, etc. Ces inconvénients firent abandonner l'action Paulienne in rem, et on la remplaça par une action personnelle, arbitraire, in factum, qui embrasse tous les cas; c'est la seule dont il soit fait mention au Digeste (2); nous allons en résumer les principales règles.

Cette action étant personnelle ne peut être dirigée que contre celui qui a traité avec le débiteur; les sous-acquéreurs de bonne foi n'ont rien à craindre (3).

L. 31,

(1) L. 7, Cod., de temporibus, 2, 53. L. 2, Cod., de annali exceptione, 7, 40.Cod, de episcopali audientia, 1,4. =(2) F. 10, pr., § 18-19-20, quæ in fraudem creditorum. D. 42, 8. =(3) F. 9, quæ in fraudem. D. 42, 8.

Cor.tre

qui on donne

l'action Paulienne.

Conditions

Pour qu'il y ait lieu à l'action, il faut d'abord que le débiteur ait agi en fraude des créanciers. Ici le mot fraude contient encore deux éléments: consilium, la volonté de nuire; eventus, le préjudice réel causé aux créanciers. Quand ces éléments seront réunis, le préteur annulera tous les actes quels qu'ils soient : aliénations, obligations, cautionnements, acceptilations, etc.(1). Mais l'action Paulienne n'était pas donnée quand le débiteur manquait seulement à augmenter son patrimoine; les créanciers avaient bien dû compter, pour assurer leur payement, sur les biens que le débiteur possédait, mais non pas sur ceux qu'il pourrait acquérir ensuite (2).

Une seconde condition, ordinairement exigée, c'est la complicité de la personne à laquelle on a remis la chose pour qu'on pût lui enlever le bénéfice de l'acte, il fallait qu'elle eût su comment, par cet acte, le débiteur allait devenir insolvable et rendre illusoire le droit de ses créanciers (3). Toutefois, le donataire, même de bonne foi, est tenu de rendre tout le profit retiré de la libéralité; et c'est pour justifier cette mesure qu'on répète si souvent cette phrase: << Certant creditores de damno vitando, dum donatarius certat de « lucro captando (4).

>>

Enfin on ne donne pas l'action contre le créancier qui a reçu ce qui lui est dû, même avec la conviction qu'après le payement il ne restera pas de quoi désintéresser les autres; cependant, s'il y avait déjà eu missio in possessionem accordée par le préteur, le payement serait annulé; à partir de ce moment, chacun des créanciers n'a plus droit qu'à son dividende (5).

L'action Paulienne est donnée au syndic de la masse des créan ciers qui ont commencé par demander l'envoi en possession et par faire vendre les biens du débiteur; il faut, en effet, pour établir la fraude, commencer par constater l'insolvabilité du débiteur, ce qui ne peut être établi qu'après avoir réuni et liquidé toutes ses res sources. De plus, l'action ne peut être intentée que par les créanciers antérieurs en date à l'acte frauduleux; car on ne peut pas soutenir qu'en aliénant sa chose, le créancier ait voulu nuire aux créanciers futurs; c'est à ceux-ci à exiger des garanties suffisantes pour assurer leur remboursement (6).

L'action est donnée, non-seulement contre celui qui a traité avec le débiteur, mais encore contre tous ceux qui ont sciemment profité de l'acte. Le maître est tenu du fait de l'esclave, et le père de l'acte du fils de famille, quand ils ont connu son caractère frauduleux.

(1) F. 1, § 2. — F. 2, 3, 4, 5.— F. 14, 17, quæ in fraudem. D. 42, 8. — (2) F. 6, pr., § à 5, quæ in fraudem. D. 42, 8. = = (3) F. 6, § 8. — F. 10, § 2, 13, quæ in fraudem. D. 42, 8.= (4) Cf. F. 6, § 11, quæ in fraudem. D. 42, 8. = (5) F. 6, § 7, quæ in fraudem. D. 42, 8. = (6) F. 10, § 4. - F. 15, 16, quæ in fraudem. D. 42, 8.

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