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Il s'agissait de savoir si une hérédité dévolue au fisc devait être considérée comme acquise ab intestat ou à titre de caducum, car dans le premier cas, les legs étaient nuls, tandis qu'il fallait les acquitter dans le second. Nous ne connaissons pas, du reste, les principes suivant lesquels on portait devant l'empereur telle affaire plutôt que telle autre

Après l'empereur, venaient les préfets du prétoire, dont la juridic- Juridiction tion se forma peu à peu.

Sous Auguste, les attributions de ces fonctionnaires étaient purement militaires; l'empereur avait nommé deux chevaliers chargés du commandement des cohortes prétoriennes qui veillaient à la sûreté de l'empereur.

On ignore comment ces chefs de troupes devinrent des magistrats de l'ordre judiciaire; peut-être les empereurs, qui cherchaient à s'attacher les soldats prétoriens par des largesses incessantes, voulurentils s'assurer des chefs en augmentant leurs attributions: quoi qu'il en soit, leur juridiction est définitivement établie au temps d'Alexandre Sévère, et leurs jugements, dont on pouvait d'abord appeler à l'empereur, devinrent souverains et ne purent plus être l'objet que d'une supplicatio adressée au prince (1). Les préfets du prétoire, choisis autrefois dans l'ordre des chevaliers, furent pris ensuite parmi les sénateurs. Il y avait tantôt un, deux ou trois préfets du prêtoire.

Nous trouvons au Digeste des exemples de jugements rendus par les préfets du prétoire; entre autres, le Fragm. 40, de rebus creditis, Dig., 12, 1. « Lecta est in auditorio Emilii Papiniani præfecti præ« torio. >>

La juridiction de l'empereur et des préfets du prétoire dominait tout l'empire; les autres tribunaux variaient suivant les localités, nous devons donc reprendre notre division tripartite: Rome, l'Italie et les provinces.

A. Rome:

Comme nous l'avons dit, il y a toujours à Rome le tribunal des consuls, des préteurs et des édiles; mais parmi les préteurs il y ent des juridictions nouvelles, par exemple, celle du préteur fidéicommissaire, qui jugeait tous les jours, et sans renvoyer devant les judices. Claude avait établi deux préteurs fidéicommissaires, Titus en supprima un (2).

Une autre création importante fut celle du préfet de la ville. Ce magistrat existait déjà sous la république; on le nommait tempo

(1) F. 1, § 1, de officio præf. præt. D. 4, 14. = (2) G. C. 11, § 278, 279. - F. 2, § 32, de origine juris. D. 1–2.

des préfets du prétoire.

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rairement, pour quatre jours, lorsque les autres magistrats de Rome allaient célébrer tous les ans les féries latines sur le mont Albin; Auguste en fit une fonction permanente. Le præfectus urbi, d'abord considéré comme le collègue du préteur, fut plus tard mis au-dessus de lui, car on en vint à appeler du préteur au préfet de la ville (1).

La juridiction du préfet de la ville était surtout criminelle; elle embrassait Rome et un espace de cent milles autour de la ville. M. Bonjean donne l'énumération suivante des cas dans lesquels il était compétent (2). 1° Les plaintes des esclaves contre leurs maîtres et réciproquement; 2° celles des patrons contre leurs affranchis; 3o les causes concernant les argentarii; 4° l'empereur Sévère leur avait confié le jugement des personnes accusées de faire partie des sociétés illicites; 50 ils punissaient les tuteurs et curateurs infidèles; 6o on portait devant eux l'appel des décisions rendues par les préteurs; 70 ils rendaient des interdits; 8° ils avaient le droit d'organiser un judicium (3). On appelait du préfet de la ville à l'empereur (4).

B. L'Italie.

Sous l'empire, la position de l'Italie change: les magistrals municipaux gardent, il est vrai, leur juridiction de première instance; les duumviri peuvent encore constituer un judicium, mais leur compétence est limitée en matière de prêt d'argent à la somme de quinze mille sesterces.

De plus, à l'époque d'Adrien, l'Italie est divisée en quatre parties, dont chacune est dirigée par un personnage consulaire. Sous MarcAurèle, ces chefs de la justice prirent le nom de juridici (5). Les préfectures ont disparu. Partout il y a des duumviri ou des quatuorviri juridicundo.

C. Les provinces.

Dans cette période, le nombre des cités ayant le jus italicum augmente; puis les provinces sont partagées entre l'empereur et le sénat représentant le peuple romain. A la tête des provinces stipendiaires il y a un præses, chef de la justice comme sous la république; dans les provinces tributaires, le legatus Cæsaris juge en qualité de représentant de l'empereur. Nous savons qu'avec le temps la division des provinces disparut, et que les empereurs s'attribuèrent le droit de nommer tous les gouverneurs sans aucune distinction.

Add., F. 1, 2, 3. de (4) F. 38, de minorib

(4) L. 17, Cod., de appellat, 7, 62. = (2) Bonjean, t. I, p. 139. officio præf. urbi. D. 1, 12. = (3) F. 12, § 1, de judiciis. D. 5, 4. = D. 4-4.(5) Pour la juridiction criminelle au delà de cent milles, V. Collatio legum mosaicar., tit. XII1, ch. III, § 2.

Remarquons, en terminant, que l'Égypte était soumise à un régime particulier; son gouverneur était pris ordinairement parmi les chevaliers et portait le nom de præfectus Augustalis; Alexandrie formait un district à part, avec un magistrat appelé juridicus Alexandrinæ civitatis.

des

Telles sont les modifications apportées à la composition des tribu- Modification naux; les listes des judices avaient également subi des altérations que nous devons rapidement indiquer.

Jusqu'à l'époque des Gracques, les judices étaient exclusivement patriciens; en l'an 631 de Rome, Caïus Gracchus fit voter une loi qui donnait ces fonctions aux chevaliers. A partir de ce moment et jusqu'à la fin du septième siècle, la lutte s'engagea entre les deux ordres avec des chances qui variaient d'année en année (1). Enfin, en l'an 684, le consul Aurélius Cotta proposa une loi de transaction qui fut adoptée.

listes de judices.

nouvelies.

Il y eut alors trois décuries de judices: la première composée de Décuries patriciens; la seconde, de chevaliers, et la troisième, abolie depuis par Jules César, comprenait les tribuns du trésor. Antoine rétablit cette troisième décurie deux ans après la mort de César, et la composa de militaires retraités, sans égard au cens qu'ils payaient.

Auguste ajouta une quatrième décurie, composée de citoyens ap- Ducenarii. pelés ducenarii, soit parce qu'ils payaient deux cents deniers d'impôt, soit parce qu'ils avaient deux cents sesterces de fortune, soit enfin parce qu'ils recevaient un traitement de deux cents deniers; les trois opinions ont été soutenues (2). Caligula créa une cinquième décurie, et Galba refusa d'en établir une sixième. Le nombre des judices avait été ainsi successivement augmenté, de telle sorte qu'à l'époque d'Auguste, ils étaient mille, et du temps de Pline, il y en avait plusieurs milliers.

On trouve dans les textes qui datent de l'empire, et déjà avant l'abolition de l'ordo judiciorum, la mention d'une institution qui a beaucoup exercé la sagacité des interprètes: il s'agit des juges pédanés, judices pedanei. Que faut-il entendre par cette expression (3)? Des auteurs ont voulu appliquer cette dénomination à tous les judices qui figuraient sur les listes publiées par les préteurs; d'autres donnent ce nom aux magistrats municipaux, etc. Sans entrer dans la discussion des divers systèmes présentés sur ce point, nous nous contenterons d'exposer brièvement notre avis.

(1) En 647, loi Servilia, favorable aux patriciens; en 649, autre loi Servilia Glaucia, qui rend les judicia aux chevaliers; en 662, loi Livia, qui attribue également les jugements aux deux ordres, etc. Cf. Bonjean, t. I, p. 174, note 2. - Zimmeru, p. 26, note 3. — - Beaufort, République romaine, t. 1, p. 385. (2) Suivant un quatrième avis, les ducenarii étaient ainsi nommés à cause du chiffre maximum des affaires dont ils pouvaient connaître. — (3) Cf. Zimmern, § 18 et 23. - Bonjean, t. I, p. 316.

Des

juges pédanés.

Un premier point à constater, c'est que le fonctionnaire appelé judex pedaneus a une mission autre que celle du judex ordinaire, puisqu'on peut faire la vocatio in jus devant lui. Au titre ne quis eum qui in jus vocabitur, D. 2, 7, le jurisconsulte Ulpien s'exprime ainsi, Fragm. 3, § 1: « Si quis ad pedaneum judicem vocatum quem « eximat, pœna ejus edicti cessabit. » Si quelqu'un entraîne par violence la personne appelée à comparaître devant le juge pédané, on n'appliquera pas la peine de l'édit. On a soutenu que ce texte était interpolé; mais rien ne justifie cette allégation. D'ailleurs, dans un autre passage, Ulpien déclare que celui qui a été condamné calumniæ causa ne peut pas venir postuler devant le judex pedaneus. Or postuler, c'est se présenter pour autrui in jure, devant le magistrat qui connaît le litige dès son origine, tandis que le judex ordinaire n'est saisi qu'après la rédaction de la formule (1).

Un second point également établi par les textes, c'est que le judex pedaneus est investi de ses fonctions par une délégation du magistrat. L'interprétation visigothe des Sentences de Paul porte: « « Judi« ces pedanei, id est qui ex delegatione causas audiunt (2). » Au Code, Dioclétien dit: « Præsides.... antehac pedaneos judices da« bant. » Et dans une autre loi : « Placet ut judicibus insinues..... ut « delegata sibi negotia lata sententia terminent (3). »

Enfin, il est constant qu'en principe, les judices pedanei ne jugeaient que des affaires peu importantes. Cela résulte d'abord du Fragment 3, § 1, ne quis eum, D. 2, 7. Puisque l'édit du préteur n'était pas appliqué à celui qui empêchait la vocatio devant le juge, il faut en conclure qu'il s'agissait d'affaires minimes. L'empereur Julien le dit du reste d'une manière explicite: « Ideoque pedaneos «judices, hoc est qui negotia humiliora disceptant, constituendi << præsidibus damus potestatem (4). » Nous donnons aux présidents le pouvoir d'établir des juges pédanés, c'est-à-dire des juges qui prononcent sur les affaires les moins importantes.

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Il nous semble résulter de tous ces textes que le judex pedaneus était une personne chargée, en vertu d'une délégation permanente donnée par le gouverneur de la province, de prononcer sur les affaires d'une importance minime. On allait directement devant ce judex comme on va aujourd'hui devant nos juges de paix; il n'y avait pas besoin de commencer par demander in jure (5) la rédaction d'une formule.

Cette institution se justifie par des raisons incontestables d'utilité pratique. Nous savons que le gouverneur de chaque province tenait

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(4) Cf. F. 4, § 2, 6, de postulando. D. 3, 1. (2) Paul. Sent, liv. V, tit. 28. F. 38, S 10, de pœnis. D. 48, 49. (3) L. 2, 3, Cod., de pedaneis judicibus, 3, 3. = (4) L. 5, Cod., de pedaneis judicibus, 3, 3. = (5) Cf, L. 2, Cod., de libertis, 6, 7.

ses conventus seulement dans l'hiver, et dans des villes où il se rendait successivement. Or il devait se présenter une infinité de petites affaires qu'il était urgent de terminer, et qui n'avaient point cependant assez d'importance pour que les parties vinssent à la métropole faire organiser un judicium. On comprend donc que le præses, pour parer à cet inconvénient, ait usé de son pouvoir de délégation, et institué des juges permanents ad humiliora negotia disceptanda.

Cette considération nous servira aussi à expliquer le titre de pedaneus donné à ces juges: ils sont au pied de l'échelle judiciaire; ils forment le degré le moins élevé de la hiérarchie; c'est là ce qu'on a voulu indiquer par la dénomination qui leur est appliquée.

Quant aux personnes parmi lesquelles étaient pris les judices pedanei, nous pensons qu'elles devaient faire partie de la curie, du sénat municipal, qu'on retrouve, à l'époque de Paul et d'Ulpien, dans toutes les villes provinciales. Les Sentences de Paul, liv. V, tit. XXVII, portent que les juges pédanés qui ont vendu la justice sont ainsi punis << Aut curia submoventur, aut in exsilium mittuntur, « aut ad tempus relegantur. » Ou bien ils sont chassés de la curie, ou bien ils sont envoyés en exil, ou bien enfin on les relègue pour un temps. Ce texte suppose donc qu'ils font toujours partie de la curia, et on ne peut pas soutenir qu'il y a eu altération du texte par les rédacteurs du Bréviaire d'Alaric, car ce passage se retrouve textuellement au Digeste (1).

Pour en terminer avec les juges pédanés, nous dirons qu'après l'abolition de l'ordo judiciorum, ils avaient été organisés par une loi de Zénon, mentionnée dans la novelle LXXXII, mais sans que ses dispositions soient rapportées. Justinien choisit lui-même dans cette novelle les juges pédanés de Constantinople, et il les attache, soit au préfet du prétoire, soit au magister sacrorum officiorum. On voit, par les fonctions et les titres des personnes nommées, que l'empereur attachait une grande importance à cette institution: ce sont des avocats du fisc, d'anciens préfets de la ville, des gouverneurs de provinces, etc. Eux seuls peuvent être délégués par les magistrats; ils doivent siéger tous les jours, et leur juridiction comprend toutes les affaires civiles, jusqu'à la somme de trois cents solides (2).

Dans les provinces, on appelait du juge pédané au gouverneur. Sous le système formulaire, les règles de compétence sont plus compétence compliquées que dans la période précédente.

Le principe est toujours qu'on doit aller plaider devant le domicile du défendeur : « Actor rei forum, sive in rem, sive in personam sit,

(1) F. 38, § 10, de pœnis. D. 48, 19. =(2) Novelle LXXXII, pr., ch. I, II, III, IV, V.

des

tribunaux

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