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droit de choisir entre les trois formes dont la revendication était susceptible, et d'employer, soit le sacramentum, soit la sponsio, soit enfin la formula petitoria (1).

B. La judicis postulatio.

La judicis postulatio est antérieure à la loi des douze Tables, mais on ne peut pas préciser l'époque de sa création.

Il ne faut pas oublier que l'action du sacramentum était générale, il en résulte donc que la judicis postulatio était applicable seulement aux cas spécialement désignés par la loi. Quant aux renseignements précis sur ce point, ils nous manquent complétement. Ce que nous trouvons dans Gaïus est très-vague; il dit, en parlant de la condictio, dans son Commentaire, 4, § 20: « Quare autem hæc actio « desiderata sit, cum de eo quod nobis dari oportet potuerimus << sacramento aut per judicis postulationem agere, valde quæritur?> Pourquoi cette action était-elle nécessaire, puisque nous pouvions s'applique la agir par le sacramentum ou la judicis postulatio lorsqu'une chose postulatio. devait nous être donnée? C'est une question très-discutée. Il résulte proposés. bien de ce texte que la judicis postulatio s'appliquait aux relations

A

quoi

judicis

Systèmes

personnelles, aux obligations de dare; mais faut-il restreindre à la datio la portée de cette action? personne ne l'a soutenu, mais on n'est pas d'accord pour déterminer son étendue. Tous les systèmes peuvent se ramener aux deux suivants.

M. Bonjean pense que les parties pouvaient, en toute matière personnelle, agir par la judicis postulatio pour éviter la chance de perdre le sacramentum; c'était une procédure plus économique. admet également que, depuis la loi des douze Tables, certaines actions, comme les actions divisoires, étaient soumises à la judicis. postulatio (2).

MM. Zimmern et Ortolan ne partagent pas cette opinion; ils croient que la judicis postulatio s'appliquait aux actions du genre de celles qu'on a plus tard appelées les actions de bonne foi, et surtout aux procès dans lesquels il fallait arriver à des règlements de comptes, car la rigueur du sacramentum ne se prêtait pas aux calculs à faire par les plaideurs ou par le juge. Ainsi quand il fallait contraindre un débiteur à facere ou à payer des dommages-intérêts; ainsi quand il y avait des obligations réciproques, comme dans la vente ou louage; ainsi quand il fallait apurer les comptes de tutelle, etc. Dans ces diverses hypothèses, on nommait des judices ou arbitri (3) ayant les connaissances spéciales nécessaires pour arriver au resultat voulu par la justice.

(4 Cf. Zimmern, Actions, § 6 et 65. = (2) Cf. Bonjean, t. 1, p. 390 à 394. mule présentée au magistrat était : Julicem arbitrumve postulɔ uti des.

=

(3) La fo

le

On s'est demandé si le judex devait être choisi, pour cette action, dans la caste patricienne, comme pour le sacramentum. Nous ne croyons pas qu'il y ait des raisons suffisantes pour admettre le contraire; l'influence patricienne et pontificale était encore trop énergique pour que les plébéiens eussent déjà pu enlever à l'aristocratie une de ses plus chères prérogatives (1).

Parmi les actions soumises à la judicis postulatio, on cite principalement 1° familiæ erciscundæ; 2° communi dividundo; 3o aquæ pluvia arcendæ ; 40 l'arbitrium contre le possesseur intérimaire qui avait abusé des vindiciæ; 5° l'action ad exhibendum, etc.

C. La condictio.

Le doute sur le sens et la portée de la condictio, comme action de la loi, est aussi complet que pour la judicis postulatio.

S 18. Et hæc quidem actio proprie condictio vocabatur; nam actor adversario denuntiabat, ut ad judicem capiendum die XXX adesset. Nunc vero non proprie condictionem dicimus actionem in personam, (qua) intendimus dare nobis oportere; nulla enim hoc tempore eo nomine denuntiatio fit.

S 19. Hæc autem legis actio constituta est per legem Siliam et Calpurniam : lege quidem Silia certæ pecuniæ, lege vero Calpurnia de omni certa re.

Cette action est appelée d'une ma- Gaius, C. IV. nière spéciale la condictio, car le demandeur dénonçait à l'adversaire qu'il eût à se présenter le trentième jour pour recevoir un juge. Aujourd'hui nous appelons condictio, mais d'une manière peu correcte, l'action personnelle par laquelle nous prétendons qu'on doit nous donner une chose; car aujourd'hui nous ne faisons pas de dénonciation pour cela.

Cette action de la loi a été établie par la loi Silia pour la certa pecunia, par la loi Calpurnia pour toutes les autres choses certaines.

On rapporte approximativement la loi Silia à l'an 510, et la loi Calpurnia à l'an 520 de Rome.

Déjà Gaïus se demandait à quoi bon la création de cette nouvelle action.

sur

M. Bonjean renonce à expliquer cette partie de l'ancienne procé- Système cure; toutefois il penche à croire, avec M. Heffter, que la condictio l'emploi de la était une action plus sommaire que les deux précédentes (2).

Suivant Zimmern, la condictio aurait été imaginée pour permettre aux plaideurs d'éviter le danger du sacramentum dans tous les procès où il s'agissait d'une prestation certaine (3).

M. Ortolan ne croit pas qu'il y ait eu, dans la condictio, seulement un moyen d'éviter le sacramentum; il y voit le développement d'un système toujours en lutte avec l'ancienne action du sacramentum ; déjà on en avait détaché les actions demandant des évaluations, des règlements de comptes; plus tard on crée la condictio pour lui

(1) Cf. Zimmern § 12, et Ortolan, t. II, p. 1008. (2) Bo jean, t. I, p. 394. = (3) Zimmern, S 43.

condictio.

Le

défendeur qui fait défaut

enlever les actions personnelles dans lesquelles certum petitur; c'est le moment où, suivant Gaïus: « legis actiones paulatim in odium « venerant, » et surtout le sacramentum. C'est, dit-il, qu'on en veut finir, en matière d'obligation, avec le sacramentum, avec cette consignation d'origine pontificale au profit du trésor public, et avec ses antiques formalités. Tout nous dit que les lois Silia et Calpurnia sont des avant-coureurs de la loi Æbutia (1).

Il ne resterait donc plus au sacramentum que les procès sur la propriété quiritaire, les questions d'État, la validité des testaments et le damnum infectum (2).

Si le défendeur ne se présentait pas au jour indiqué, il était tenu pour confessus, et on avait contre lui la manus injectio pro judiconfessus. cato (3).

est tenu

pour

Quand

En résumé, il y avait donc à la fin du système des actions de la loi cinq procédures diverses: 1o le sacramentum pour toutes les contestations en général, mais restreint ensuite aux questions touchant plus ou moins directement à la propriété quiritaire; 2° la judicis postulatio pour les procès demandant des évaluations; 3o la condictio pour toutes les dettes dont l'objet est certain, aliquid certum; 4° la manus injectio, mode d'exécution par saisie de la personne; 5o la pignoris capio, mode d'exécution par saisie des biens. LIVRE DEUXIÈME,

DU SYSTÈME FORMULAIRE.

Nous avons vu, dans la période précédente, comment les contestations dans lesquelles figuraient les pérégrins avaient fait admettre une nouvelle forme de procédure, dont les résultats satisfaisaient à toutes les exigences de la pratique. Le judex ou les récupérateurs on rédige la n'étaient plus liés par les paroles sacramentelles des actions de la loi, on leur soumettait seulement le fait, en leur demandant une solution dans laquelle l'équité jouait un grand rôle.

et pourquoi

formule.

de la

Cette nécessité de faire connaître la question au juge avait amené une innovation très-remarquable, la rédaction de la formule dans laquelle on résumait les questions diverses dont il fallait donner la solution; mais cette institution était inutile entre les citoyens quand ils employaient les actions de la loi, puisque, suivant la nature des prétentions, le judex pouvait reconnaître à l'instant même l'action portée devant lui.

Origine Une autre observation à faire, c'est que, dans les procès avec les condamnation pérégrins, où il ne peut pas être question de propriété ex jure Qui

pécuniaire.

(1) Ortolan, t. II, p. 1013. = (2) G. C. IV, S 31. (3) Lex Galliæ Cisalpinæ, § 21. Recueil de M. Blondeau, p. 79.

ritium, on ne peut pas employer davantage les modes d'exécution du droit civil, comme la manus injectio, ou la pignoris capio ex lege ou ex moribus. Les récupérateurs durent donc chercher un équivalent, et ils le trouvèrent dans un biais consistant à prononcer toujours une condamnation pécuniaire facile à réaliser, soit en vendant les biens du condamné, soit en poursuivant les cautions qui étaient probablement exigées, à l'exemple des prædes litis et vindiciarum. Ainsi, quand un pérégrin détient une chose revendiquée par un citoyen romain, le préteur donnera la formula petitoria, et le défendeur sera condamné quanti ea res erit. Or, il arriva un fait extrêmement curieux: quand on généralisa dans la pratique la procédure des pérégrins, on la prit tout entière, et avec sa condamnation purement pécuniaire, même pour les procès pendants entre des citoyens romains. Du reste, ceci ne dut faire aucune difficulté, car, pour les demandeurs qui préféraient reprendre la chose elle-même, il y avait autrefois le sacramentum, dont ils pouvaient toujours se servir, et plus tard, après l'abolition des actions de la loi, ils purent arriver au même résultat à l'aide des formules arbitraires et du jussus cum manu militari, moyen dont les préteurs ont dû certainement se servir longtemps avant la seconde période de la procédure romaine.

La substitution officielle du système formulaire aux actions de la loi fut opérée par la loi Æbutia (an 577 ou 583 de Rome), dont les dispositions reçurent leur complément par les deux lois Juliæ judiciariæ (1). Peut-être ces deux derniers monuments législatifs datentils du règne d'Auguste; cependant des auteurs pensent que l'une d'elles fut votée sur la présentation de Jules César (2). Ces lois firent entièrement disparaître la judicis postulatio et la condictio; le sacramentum lui-même devint de moins en moins fréquent, et on y substitua des formules prétoriennes, comme pour le damnum infectum, la rei vindicatio, etc.

Lois Ebutia et

Juliæ judiciariæ.

En

quoi le

système formulai.e diffère

des

loi.

Ainsi, la différence entre le système des actions de la loi et le système formulaire ne consiste pas dans la division du procès en deux actes, in jure et in judicio, mais bien dans les caractères que voici: du système 1° abolition des paroles et des pantomimes sacramentelles em- actions de la ployées dans la première période; 2o rédaction régulière d'une formule qui pourra comprendre, entre citoyens romains, des questions de droit civil comme des questions de fait; 3o la condamnation, qui est toujours pécuniaire, même quand il s'agit d'une question de propriété.

S 48. Omnium autem formularum quæ condemnationem habent, ad pecu

Dans toutes les formules qui ont une Gaïus, C. IV. condamnation, elle contient l'estima

(1) G. C. IV, § 30. =(2) Cf. Warn koenig, Histoire du droit romain, p. 281.

Pouvoir d'accorder

ou

formule.

niariam æstimationem condemnatio
concepta est: itaque, etsi corpus ali-
quod petamus, velut fundum, manci-
pium, vestem..... mutatum judex non
ipsam rem condemnat eum cum quo
actum est, sicut OLIM fieri solebat (sed),
æstimata re pecuniam eum condemnat.

tion d'une somme d'argent; et même quand nous réclamons un corps certain, comme un fonds, un esclave, un vétement..... le juge ne condamne pas le défendeur à la chose elle-même, comme cela avait lieu autrefois, mais bien à payer son estimation en argent.

Une dernière remarque importante, c'est que sous le système forde refuser la mulaire, le magistrat a un pouvoir à peu près absolu pour accorder et surtout pour refuser les formules. Peut-être est-ce là encore une différence entre les deux systèmes; mais ce qui est certain, c'est que les préteurs trouvèrent dans ce pouvoir le moyen le plus énergique pour modifier l'ancienne législation. Prenons un exemple: le fils émancipé n'est plus héritier d'après le droit civil, tout agnat, etsi decimo gradu, doit passer avant lui, et cependant l'équité repousse ce résultat; le préteur corrigera cette iniquité légale : d'un côté, en refusant la formule de la pétition d'hérédité à l'agnat, et de l'autre, en donnant au fils la bonorum possessio unde liberi.

Juridiction

de

TITRE PREMIER.

Tribunaux sous le système formulaire.

5. Principes de

Sommaire.—1. Tribunaux nouveaux sous les empereurs.-2. Organisation de l'Italie.
4. Listes des judices, du judex pedaneus.
compétence sous le système formulaire.

3. Des provinces.

La période qui nous occupe a duré depuis la loi Æbutia jusqu'à l'abolition de l'ordo judiciorum, sous le règne de Dioclétien (an 284 après J.-C.). Pendant ce laps de temps, l'organisation politique a encore changé; l'empire a succédé à la république. Jusqu'à l'avènement d'Auguste, il n'y eut pas de modifications dans l'organisation judiciaire en elle-même: les consuls, les préteurs, les édiles, continuent à rendre la justice, mais quand le système politique changea, on vit surgir de nouvelles juridictions.

De tous les magistrats le plus élevé, c'est l'empereur, qui statuait l'empereur. sur les contestations par ses decreta, tantôt directement, de plano, tantôt comme juge d'appel (1).

Quand l'empereur rendait la justice, il était assisté d'un conseil composé d'abord suivant certaines règles. Auguste y avait appelé les deux consuls, un magistrat de chaque grade, et quinze sénateurs tirés au sort, d'abord tous les six mois et ensuite tous les ans (2). Marcellus nous a conservé (Fragm. 3, au Dig., de his quæ in testamento, 28, 4) le récit d'un jugement rendu par Antonin le Pieux.

(1) F. 33, de minorib. D. 4, 4.-F. 22, ad sc. Trebellianum. D. 36, 1.=(2) Dans la suite, les empereurs organisèrent leur conseil comme bon leur semblait.

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