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Actions fictices.

Différence

avec

Quelquefois cependant le préteur procédait autrement; déjà, à l'époque des actions de la loi, il employait les actions fictices, et supposait tous les plaideurs citoyens romains. Gaïus nous apprend que cela avait été appliqué à la loi Aquilia, dont la date remonte à l'an 468 de Rome : « Similiter si ex lege Aquilia peregrinus damni «< injuriæ agat, aut cum eo agatur, ficta civitate romana judicium « datur (1). » Enfin nous avons déjà dit comment la procédure par récupérateurs avait été appliquée aux procès mixtes.

TITRE III.

Voies de recours contre les jugements. Modes d'exécution employés à l'époque des actions de la loi.

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SECTION PREMIÈRE. Voies de recours contre les jugements.

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Dans cette période, il n'y avait pas de recours régulier d'un tribunal inférieur à un tribunal supérieur, la hiérarchie judiciaire n'était pas encore constituée.

Cependant on rencontre déjà deux institutions dont les applications sont assez obscures: c'est d'abord la revocatio in duplum, consistant à nier que le premier jugement eût une existence légale; on prétendait qu'il y avait eu violation des principes du droit. Cet incident était infiniment fâcheux pour le demandeur, qui avait déjà fait une fois la preuve de son droit, et qui était obligé de recommencer. Pour punir l'adversaire, on avait déclaré que, s'il succombait dans la seconde instance, il serait condamné à payer deux fois la somme réclamée. Nous ne pensons pas qu'on doive faire rentrer dans la revocatio in duplum le cas où le défendeur niait le fait de l'existence du jugement; il y avait bien encore dans cette hypothèse, l'inficiatio. condamnation au double, mais c'était une punition de l'inficiatio. Ce qui établit la différence entre les deux cas, ce sont quelques textes de Paul, qui nous ont été conservés dans ses sentences, au titre de effectu sententiarum. (Sentences, liv. V, tit. v, A). Il d'abord ce principe, § 5: «Confessionem suam reus in duplum revo<< care non potest; » quand il y a eu aveu, on ne peut plus révoquer in duplum le jugement rendu; § 7: « Ab ea sententia quæ ad<< versus contumaces data est, neque appellari, neque in duplum revocari potest; » on ne peut employer ni l'appel, ni la revocatio in duplum, à l'occasion d'un jugement rendu contre un défendeur qui fait défaut; enfin, § 8: « Res olim judicata post longum silen(1) G. C. IV, § 37.

pose

«tium in judicium deduci non potest, nec eo nomine in duplum revocari; » on ne peut plus appeler ou révoquer in duplum, quand le jugement a été rendu depuis longtemps; et le jurisconsulte admet le délai de la præscriptio longi temporis, dix ans entre présents, et vingt ans entre absents (1). Il résulte bien de ces textes que l'existence de fait du jugement n'était pas mise en question; on niait seulement qu'il eût une force légale suffisante pour servir de base aux actes d'exécution. Quand il y avait revocatio in duplum, on renvoyait les parties devant les mêmes juges : cela résulte d'un passage de Cicéron, pro Flacco; il rappelle comment dans une circonstance pareille son frère avait décidé que l'on plaiderait devant les mêmes récupérateurs : « Si metu coactos diceret, haberet eosdem < recuperatores. »

Le second mode de recours est connu sous le nom d'intercessio ou appellatio. C'était une institution toute différente de l'appel, dont nous aurons à nous occuper dans les périodes suivantes : elle reposait sur le droit de veto, qui appartenait à tous les magistrats romains, à l'occasion des actes des autres magistrats égaux ou inférieurs. Ainsi, on trouve des exemples de consuls révoquant le mandat donné à un judex par le préteur. Cicéron raconte comment le préteur Piso avait apposé son veto à certains actes de Verrès. Mais c'était surtout aux tribuns du peuple qu'on demandait l'application du droit d'intercessio ou d'appellatio. Dans ce cas, tout le collége des tribuns se rassemblait, entendait les parties ou leurs avocats, et décidait ensuite par un décret collectif ce qu'il fallait faire. Mais cela n'enlevait pas à chaque tribun le droit de faire opposition individuellement à l'exécution d'une sentence. Aulu-Gelle en cite un exemple : le collége des tribuns avait rejeté une provocatio adressée par Scipion l'Asiatique, condamné à une amende; le tribun Tibérius Sempronius Gracchus empêcha qu'il ne fût mis en prison en interposant son veto (2).

Ce système était insuffisant en ce qu'il n'amenait qu'à des résultats négatifs. Sans doute, un citoyen injustement condamné pouvait éviter l'exécution, grâce à l'intercessio; mais si le demandeur avait raison et que sa prétention eût été repoussée, il se trouvait entièrement désarmé, l'intercessio ne lui présentait aucune utilité.

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Restitutio

Il faut enfin rappeler que, vers la fin du système des actions de in integrum. la loi, la restitutio in integrum était appliquée par les préteurs; il est donc fort probable qu'ils l'accordaient déjà adversus rem judica

(1) Add. 1. 4, Cod., quomodo et quando, 7, 43.-Add., Cod. Gregor., 1. 1, quibus res judicala, 40, 1. Cicéron, pro Flacco, 21, mentionne la revocatio in duplum. =(2) Aulu Gelle, liv. V11, ch. xix.

Peut-on saisir

les biens?

Discussion.

Мапив

injectio.

tam, soit aux mineurs de vingt-cinq ans, soit aux majeurs quand il y avait eu violence ou tout autre acte prévu par l'édit.

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Les modes d'exécution, à l'époque des actions de la loi, ont donné lieu à une grande discussion entre les auteurs. Gaïus dit dans son Commentaire 4, § 48, en signalant le caractère pécuniaire de la condamnation, sous le système formulaire : « Judex non ipsam rem «< condemnat eum cum quo actum est, sicut olim fieri solebat; » le juge ne condamne pas le défendeur à livrer la chose elle-même, comme cela avait lieu autrefois. Ainsi, le débiteur d'un esclave était condamné à en opérer la tradition; celui qui avait promis une somme était condamné à tenir sa promesse, etc. Mais comment exécutait-on la sentence? Pouvait-on saisir les biens et les faire vendre pour désintéresser le créancier? Des auteurs le soutiennent (1); ils pensent qu'on pouvait faire exécuter la sentence sur les biens du condamné, sans qu'il fût nécessaire de saisir sa personne comme gage.

Cette opinion, qui paraît si évidente dans notre droit moderne, ne nous semble pas exacte dans le système des actions de la loi. Gaïus, dont le manuscrit est assez complet dans cette partie, ne parle de la pignoris capio, de la saisie des biens, que pour des circonstances spécialement établies par la loi ou par le droit coutumier. En principe, tout jugement devait être exécuté par la manus injectio, après les trente jours accordés au condamné par la loi des douze Tables. Il y avait alors addictio, durant soixante jours (2), et une fois le délai écoulé, le débiteur était vendu comme esclave trans Tiberim, ou bien les créanciers, s'ils étaient plusieurs, pouvaient le couper en morceaux, partes secanto. C'était évidemment le moyen le plus efficace qu'on pût trouver pour amener le débiteur à faire tous ses efforts pour se libérer. Il s'agissait pour lui de la liberté ou de la vie; il était donc bien probable qu'il ferait tous ses efforts pour arrêter le cours de l'addictio. Nous pensons que le vrai caractère du droit romain, c'était de saisir celui qui n'avait pas payé ou transigé dans les trente jours; la saisie des biens n'était admise que si le débiteur avait pris la fuite. (3). Cette opinion est aussi celle de Niebühr et de Zimmern; suivant ces auteurs, ce serait seulement à partir de la loi Pœtelia, sur les nexi (an 428 de Rome), qu'on aurait pu saïsir les biens sans commencer par faire du débiteur un addictus.

Quoi qu'il en soit, voici, d'après Gaïus, comment on procédait à la manus injectio :

(4) V. M. Rudorff, dans la Zeitschrift, t. XIV, uber die litis crecens, et M. Giraud, du Prêt à intérêt chez les Romains, p. 100. =(2) V. t. 1, p. 156. =(3) ú. C. III, §178.

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§ 21. Per manus injectionem æque de his rebus agebatur, de quibus ut ita ageretur lege aliqua cautum est; veluti judicati lege duodecim Tabularum, quæ actio talis erat. Qui agebat sie dicebat: QUOD TU MIHI JUDICATUS SIVE DAMNATUS ES SESTERTIUM X MILLIA, QUÆ DOLO MALO NON SOLVISTI, OB EAM REM EGO TIBI SESTERTIUM X MILLIUM JUDICATI MANUS INJICIO ; et simul aliquam partem corporis ejus prendebat. Nec licebat judicato manum sibi depellere et pro se lege agere, sed VINDICEM dabat qui pro se causam agere solebat. Qui vindicem non dabat, domum ducebatur ab actore, et vinciebatur.

On employait la manus injectio dans Gaius, C. IV. les cas où cela avait été établi par quelque loi, comme cela avait été fait par la loi des douze Tables pour la chose jugée. Voici comment on procédait. Le demandeur disait : Comme tu as été jugé et condamné à me payer dix mille sesterces, ce que tu n'as pas fait par dol, par ce motif, je te fais la manus injectio judicati pour dix mille sesterces. Et en même temps il le saisissait par quelque partie du corps. 11 n'était pas permis au judicatus de repousser cette main-mise, et de défendre lui-même, à l'action de la loi; il devait donner un vindex qui plaidait pour lui-même. Celui qui ne donnait pas de vindex était conduit chez le créancier et chargé de liens.

M. de Savigny pense qu'il faut lire dans le commencement du paragraphe lege Aquilia, et c'est aussi l'opinion adoptée par Zimmern (1); on aurait eu pour but d'arriver, par une procédure rapide, à réprimer les dommages causés à la propriété d'autrui.

Manus injectio pro

Quelques autres lois, comme la loi Publia, pour le sponsor non remboursé dans les six mois, comme la loi Furia contre le créancier judicato. qui avait demandé à chaque sponsor plus que sa part virile, avaient établi une manus injectio pro judicato, dans laquelle on agissait comme s'il y avait eu jugement. Il fallait donc encore que le débiteur donnât immédiatement un vindex, sous peine d'être addictus. Il y avait enfin une manus injectio pura, donnée dans certains cas Manus déterminés; ainsi par la loi Furia testamentaria, contre le légataire qui avait accepté plus de mille as, sans être une des personnes exceptées; mais ici le débiteur pouvait repousser la main-mise, et plaider lui-même pour défendre sa liberté.

Ce droit fut généralisé par une action dont le nom est illisible dans le manuscrit de Gaïus; on ne fut plus tenu de donner un vindex que pour le judicatum et le depensum (2). Du reste, toutes les manus injectiones disparurent à l'époque de la loi Æbutia, les modes d'exécution changèrent, comme nous le verrons, dans la période suivante.

Ainsi, en résumé, la règle générale à l'époque des actions de la loi est qu'on exécute les sentences par manus injectio, saisie de la personne, suivie de l'addictio et de la vente trans Tiberim, si le condamné ne paye pas.

injectio pura.

спріо.

Il y avait cependant des cas où l'on agissait par saisie des biens; Pignoris c'était dans l'action de la loi appelée la pignoris capio.

(1) Zimmern, Actions, § 47, note 7. (2) G. C. IV, § 22 à 25.

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On agissait par la pignoris capio, dans certains cas d'après la loi, et dans d'autres d'après le droit coutumier.

Elle a été introduite par les mœurs pour les affaires militaires; car on pouvait saisir un gage sur celui qui devait payer la solde, s'il ne le faisait pas. L'argent dû pour la solde était appelé æs militare. On pouvait aussi prendre un gage pour faire payer l'argent avec lequel on devait acheter un cheval, ce qu'on appelait æs equestre. De même pour l'argent avec lequel on devait acheter l'orge destiné aux chevaux, et qu'on appelait æs hordearium.

L'as equestre et l'œs hordearium étaient des sommes dont le payement devait être fait par des citoyens riches, que leur âge ou leurs infirmités empêchaient de figurer sur les rôles militaires. Tite Live raconte que Servius Tullius, en créant les centuries d'equites, leur avait attribué un certain nombre de femmes veuves qui devaient payer deux mille as par an pour l'entretien des cavaliers et des chevaux (1).

§ 28. Lege autem introducta est pignoris capio, velut lege XII Tabularum adversus eum qui hostiam emisset, nec pretium redderet; item adversus eum qui mercedem non redderet pro eo jumento, quod quis ideo locasset ut inde pecuniam acceptam in dapem, id est in sacrificium impenderet. Item, lege .....oria data est pignoris capio publicanis vectigalium publicorum populi romani, adversus eos qui aliqua lege vectigalia deberent.

La saisie du gage a été introduite par la loi; ainsi dans la loi des douze Tables, contre celui qui avait acheté une victime sans en payer le prix. Il en était de même pour celui qui n'avait pas payé le loyer d'une bête de somme dont le maître avait fait la location, afin d'offrir un sacrifice avec la somme reçue. De même, une loi ..... donnait le droit de saisie aux publicains, fermiers du peuple romain, contre ceux qui n'avaient pas payé les impôts établis par des lois.

Des auteurs pensent que la loi dont on n'a pu lire le nom dans Gaïus était une loi Censoria, mentionnée au Digeste par Alfenus Varus (2).

La pignoris capio pouvait avoir lieu en l'absence de l'adversaire, sans l'intervention du magistrat, et même un jour néfaste; aussi des jurisconsultes lui refusaient-ils le nom d'action; ils n'y voyaient avec raison qu'un mode d'exécution.

§ 29. Ex omnibus autem istis causis certis verbis pignus capiebatur; et ob id plerisque placebat hanc quoque actionem legis actionem esse: quibusdam autem (non) placebat, primum quod pignoris capio extra jus peragebatur, id est, non apud prætorem, plerumque

Dans tous ces cas, on saisissait le gage en prononçant certaines paroles; c'est pour cela que la majorité des jurisconsultes y voyaient une action de la loi; d'autres ne partageaient pas cet avis, parce que la saisie avait lieu hors du tribunal, c'est-à-dire sans qu'on fút

(1) Tite Live, liv. 1, ch. XLIII. = (2) F. 203, de verbor. signif. D. 50, 16.

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