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Qui doit faire la

preuve dans les

Nous dirons donc d'une manière générale que, toutes les fois qu'on sera demandeur dans une action confessoire ou négatoire, on devra faire la preuve qu'on élève une prétention bien fondée (1). Pour les exceptions, la règle est établie par Ulpien: « Agere etiam <«is videtur qui exceptione utitur; nam reus in exceptione actor < est; » celui qui use d'une exception est considéré comme soule- exceptions? vant une prétention, car le défendeur devient demandeur quant à son exception (2). L'exactitude de cette règle est facile à comprendre quand on poursuit une personne, et qu'elle veut se défendre à l'aide de l'exception de dol ou de pacte, elle doit évidemment prouver l'existence de la convention ou des machinations frauduleuses.

Il n'y a qu'une seule dérogation à cette règle, c'est pour l'exception non numeratæ pecuniæ. Quand le défendeur, tout en reconnaissant son écriture, prétend que la somme n'a pas été comptée, il faut que le demandeur prouve la numération des espèces : « Compellitur petitor probare pecuniam tibi esse numeratam, quo non impleto < absolutio sequetur (3). »

CINQUIÈME PARTIE.

SANCTION DES OBLIGATIONS.

On entend par sanction des obligations tout moyen de contrainte employé pour amener un débiteur à exécuter son obligation.

Dans le droit, on dit avec raison: « Nemo potest, precise cogi ad « factum; » mais on peut du moins arriver, à l'aide de la force sociale, à des équivalents plus ou moins rapprochés.

Notion

de la sanction.

Théorie des

Si le débiteur a promis de dare, il n'y a pas de puissance humaine qui puisse le contraindre à faire la mancipation, la cessio in jure, équivalents. ou la tradition; mais on obtiendra un équivalent très-rapproché, en saisissant la chose et en la remettant entre les mains du créancier. Pour les obligations de facere, on peut chercher un autre ouvrier qui fera le travail aux frais de celui qui l'avait promis. Enfin, s'il est

(4) Le texte des Institutes, que nous avons cité plus haut, a donné lieu a une grande controverse sur le sens des mots : sane uno casu qui possidet, nihilominus actoris partes obtinet. M. Ducaurroy voulait que ce cas unique se trouvât dans l'exception justi dominii. D'autres auteurs ont cru qu'il s'agissait là des interdits doubles quem fundum et quam hereditatem, lorsque le possesseur qui ne donne pas la caution judicatum solvi est obligé de prendre le rôle de demandeur. Un troisième avis consiste à placer l'unus casus dans le paragraphe même des Institutes, et à dire qu'il s'agit de l'action négatoire, dans laquelle on peut être juris possessor et petitor. Enfin on pourrait soutenir que Justinien fait allusion à l'hypothèse du F. 15, de operis novi nunciatione, puisque le possesseur qui a commencé par faire défaut est ensuite obligé petitoris partes sustinere. = (2) F. 1, de exceptionib., D. 44, 1. = (3) L. 3, Cod., de non numerata pecunia, 4, 30.

Comment on peut établir

les

impossible d'arriver à ces deux premiers équivalents, il en reste un dernier, c'est de saisir les biens du débiteur, de les convertir en argent, et de donner aux créanciers une indemnité appelée, dans notre langage moderne, les dommages et intérêts.

Tous les moyens employés pour arriver à ces résultats sont des sanctions, et on peut les ramener à deux classes: 1° la saisie de la personne; 2o la saisie des biens.

Nous avons déjà parlé de la saisie de la personne en nous occupant des nexi et des addicti (1). C'est en traitant des voies d'exécution des jugements que nous verrons les formes suivies pour saisir les biens.

Nous allons nous occuper ici seulement de la théorie des domdommages mages et intérêts, c'est-à-dire de l'indemnité qui peut être réclamée par un créancier, quand le débiteur n'a pas fait la solutio. L'indemnité peut être établie de trois manières :

et intérêts.

Nemo præstat

casum.

1° Par la loi elle-même, qui détermine la somme à payer: ainsi le tuteur qui a frauduleusement détourné la chose du pupille doit la payer au double (2); ainsi quand le législateur fait courir les intérêts à 12 pour cent;

2o Les juges sont, le plus souvent, chargés de déterminer les sommes qui devront être payées par l'une des parties, et ils prendront ordinairement deux points de départ pour fixer la condamnation: d'un côté le dommage réellement éprouvé, damnum emergens; et de l'autre le gain qu'on a manqué de faire, lucrum cessans;

3o Enfin, les parties fixent quelquefois elles-mêmes les dommages et intérêts à payer par celle qui manquera à sa promesse, c'est ce qu'on appelle ordinairement la clause pénale.

Il est évident que, de ces trois modes, deux seulement sont susceptibles d'explications; quand la loi prononce, sa décision doit être appliquée littéralement, sauf à dire, suivant les circonstances: << Dura lex, scripta tamen. >>

CHAPITRE PREMIER.

DES DOMMAGES ET INTÉRÊTS.

Sommaire. -1. On ne répond pas du cas fortuit 2. Distinction entre les actions de droit strict et de bonne foi. 3. Règles suivies pour calculer les dommages et

intérêts.

Lorsque le juge avait à statuer sur les conséquences de l'inexécution d'une obligation, il devait d'abord tenir compte d'une première règle, c'est que personne n'est responsable du cas fortuit ou de la force majeure, tant qu'il n'y a pas eu mise en demeure ou faute du

(1) V. t. I, p. 155. = (2) F. 1, § 20, de tutela. D. 27, 3.

débiteur. Nous avons déjà formulé ce principe en disant : « Nemo

pas

quand

droit.

on agit pour

« præstat casum. » Il en est de même des cas où l'on n'a fait qu'user Il n'y a d'un droit, quand, par exemple, on tue l'esclave promis, parce responsabilité qu'on le prend en flagrant délit de crime, etc. Dans les cas où il y on se de son avait responsabilité, le judex se trouvait en présence de trois espèces d'actions bien distinctes, les actions de droit strict, les actions de bonne foi, et les actions arbitraires, qui produisent des effets analogues tantôt à l'une, tantôt à l'autre des deux premières classes. Dans les actions de droit strict, le demandeur, pour éviter la plus- Comment pétition, était tenu de restreindre son intentio à la valeur de ce qui lui était dû; il n'obtenait du juge qu'un équivalent calculé sur cette base, plus, les accessiones au moment de la litis contestatio (1). Toutefois, dans certaines actions, on allait plus loin, surtout quand on demandait une indemnité à la suite d'un délit, comme dans le cas de la loi Aquilia; mais dans ce cas on prenait encore seulement pour base la valeur commerciale de la chose, sans tenir aucun compte de la valeur d'affection (2).

les

contrats de droit strict.

Dans

les actions de

Dans les actions de bonne foi, au contraire, et dans les actions arbitraires, les textes portent toujours que le demandeur doit obtenir bonne foi. quanti interest... quanti ea res sit, ce qui comprend alors, non-seulement la perte éprouvée, mais encore le lucrum cessans, et même l'intérêt d'affection qui s'attachait à la chose (3).

La difficulté, en cette matière, portait principalement sur le calcul des sommes à allouer, car c'est une simple question de fait : « Quatenus cujus intersit, in facto non in jure consistit (4). » Voici les principales règles suivies dans cette matière.

Règles suivies pour faire

Pour établir la valeur, on se plaçait ordinairement au moment du jugement, et on se reportait au lieu où la tradition devait être faite (5). le calcul. Dans le calcul des dommages et intérêts, on ne faisait entrer que ce qui était une conséquence directe du fait ou de l'abstention dont on se plaignait, et on avait soin d'en écarter les éléments incertains. Ainsi les filets d'un pêcheur ont été rompus, il pourra se faire indemniser de leur valeur, mais il ne pourra pas demander le prix des poissons qu'il aurait peut-être pris : « Ob retia non piscium, qui ideo capti non sunt, fieri æstimationem, cum incertum sit an caperentur (6). » Si cependant l'éventualité elle-même avait été l'objet du contrat, comme lorsqu'on achète un coup de filet, il faudrait tenir compte de la chance (7).

(1) P. 3, § 2, commodati. D. 13, 6. = (2) F. 33, ad leg. Aquil. D. 9, 2. (3) V. F. 13,
ratam rem haberi. D. 46, 8. F. 54, mandali. D. 17, 1.-
F. 1,
de actionib. empt.
F. 13, § 1, de re judicata. D. 42, 1. — L. 16.

D. 19, 1.

F. 8, de evictionibus. D. 21, 2.

Cod., mandati, 4, 35. =(4) F. 24, de regulis juris. D. 50, 17. = (5) F. 3, § 2, commodati.
D. 13, 6.-F. 2, § 8.-F. 3, de eo quod certo loco. D. 13, 4. = (6) F. 29, § 3, ad leg. Aquil.
D. 9,2.-F. 3,5 3.-F. 21, § 3, de act. empt. D. 19, 1.=(7) V. F. 12, de act. empt. D. 19, 1.

Justinien fixe

pour

Pour les sommes d'argent non payées à l'échéance, le créancier ne pouvait ordinairement demander que les intérêts légaux à titre d'indemnité, sauf quand il y avait lieu à l'application de l'action de eo quod certo loco (1).

Malgré ces règles, il se présentait souvent des questions très-difficiles pour fixer les dommages et intérêts; lorsque, par exemple, le vendeur était évincé d'une chose qui avait acquis une grande valeur par les améliorations qu'il y avait apportées lui-même (2). Pour faire cesser les controverses, Justinien décida que, dans tous un maximum les cas où il s'agirait d'un certum, les dommages et intérêts ne pourquelques cas. raient dépasser le double de la valeur (3). Mais ce n'était que pallier le mal, puisque dans tous les cas où il s'agissait d'un incertum, comme dans les obligations de faire, comme dans le mandat, la gestion d'affaires, la tutelle, etc., on était obligé de revenir aux anciens principes, et de combiner le lucrum cessans avec le damnum emergens.

Notion

de la clause

Les principes que nous venons d'énoncer ne s'appliquent, pour les contrats de bonne foi, que s'il y a eu simple faute; nous savons que dans le cas de dol, on déférait à l'adversaire le serment cum ou sine taxatione: « Interdum quod intersit agentis solum æstimatur, veluti <«< cum culpa non restituentis vel non exhibentis punitur: cum vero « dolus aut contumacia non restituentis, vel non exhibentis, quanti << in litem juraverit actor (4). »

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La clause pénale est la fixation des dommages et intérêts par les pénale. parties elles-mêmes, pour le cas où il y aurait inexécution de l'obligation. Elle était surtout utile pour les contrats de droit strict, à l'occasion desquels on n'admettait pas le jusjurandum in litem; elle̟ droit strict. était également avantageuse dans toutes les obligations de faire, en

Son utilité pour les contrats de

Les parties fixent la clause pénale.

ce qu'elle évitait les difficultés de calcul et d'expertises. M. Molitor va plus loin, il prétend que, dans l'ancien droit, la stipulation d'un facere n'était valable qu'autant qu'on y joignait une clause pénale, parce que la stipulation devait toujours avoir pour objet aliquid certum (5).

C'était aux contractants à fixer le montant de la clause pénale; rien ne limitait leur liberté, pourvu que la convention ne cachât

(1) F. 19, de periculo. D. 18, 6. = (2) F. 43, 44. de act. empt. D. 19, 1. —(3) L. 1, Cod., de sententiis,7, 47. — (4) F. 2, § 1, d'e in litem jurando. D, 12, 3. = (5) Arg. F. €8, de verbor. obligat. D. 45, 1.

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pas un prêt usuraire, car alors on aurait réduit la somme (1). Du reste, la limitation apportée par Justinien aux dommages et intérêts judiciaires n'était pas applicable à la clause pénale.

Autrefois on ne pouvait exiger le payement de la clause pénale qu'après la mise en demeure du débiteur; Justinien décida qu'elle serait due à l'échéance du terme convenu (2). A ce moment, le créancier peut demander, à son choix, l'exécution de l'obligation principale ou le payement de la clause pénale; on ne pouvait pas demander l'une et l'autre chose, à moins de convention contraire : « Quod sine dubio verum erit, cum id actum probatur, ut si homo « datus non fuerit, et homo et pecunia debeatur (3). » Sans cela, on aurait été repoussé par l'exception de dol.

La clause pénale ne pouvait être jointe qu'à des actes licites, à moins qu'elle n'eût pour but d'empêcher une personne de commettre un fait immoral. Elle était due sans qu'on fût obligé d'établir qu'on avait éprouvé une perte, car, en la payant, on exécutait une obligation contractée (4). Il faut enfin remarquer que, dans les actions de bonne foi, on pouvait demander un supplément d'indemnité si la clause pénale ne couvrait pas le dommage réellement éprouvé : « Si <ex stipulatu pœnam consecutus fuerit, ipso jure ex vendito agere « non poterit, nisi in id quod pluris ejus interfuerit, id fieri (5). »

LIVRE QUATRIÈME.

ACQUISITION DU DROIT RÉEL ET DU DROIT PERSONNEL ENTRE VIFS A
TITRE UNIVERSEL.

On peut demander

execution quelquefois

ou la clause pénale;

les deux choses.

TITRE UNIQUE.

Sommaire. — 1. Il y a des modes d'acquisition entre vifs analogues aux successions. 2. Cas dans lesquels cette acquisition se réalise.

Le livre dont nous venons de donner l'intitulé doit figurer dans notre division théorique comme comprenant des manières d'acquérir entre vifs toutes spéciales, en ce qu'elles se rapprochent beaucoup, pour les effets, des successions testamentaires et ab intestat. Sans qu'il y ait mort du propriétaire, tout son patrimoine passe à un successeur, qui prend alors ses droits comme un véritable héritier, mais qui n'est pas toujours tenu de payer ses dettes, du moins d'après le droit civil.

=

(4) F. 13, § 26, de act. empt. D. 19, 1. — L. 15, Cod., de usuris, 4, 32 = = (2) F. 23, de obligat. et act. D 44, 7. L. 12, Cod., de committ. slipul., 8, 38. (3) F. 115, § 2, de rerbor. obligat. D. 45, 1. - F. 28, de act. empt. D. 19, 1.-F. 4, § 7, de exceptione doli. D. 44, 4. = = (4) F. 38, § 17. — F. 68, 71, de verbor. obligat. D. 45, 1. = (5) F. 28, de act, empt. D. 49, 1.-F. 41, 42, pro socio. D. 17, 2.

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