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avait été payé, il fallait le restituer avec les intérêts. Enfin, si le détenteur de la chose à reprendre avait fait des dépenses utiles, on devait ordinairement les lui rembourser (1).

Quand il y a eu répudiation d'une succession après la restitution, on donne aux héritiers des actions utiles, car celui qui avait accepté garde le titre d'héritier (2). S'il y avait lieu à revenir sur une novation ou une acceptilation, on rendait l'ancien droit avec tous ses accessoires (3). On s'est souvent demandé si la restitutio était in rem, c'est-à-dire si on pouvait la faire valoir contre toute personne, ou bien si elle était in personam, c'est-à-dire si ses effets devaient être renfermés entre le demandeur et le défendeur; il faut distinguer : quand on se fait restituer contre une usucapion accomplie par un tiers, contre une acceptation ou un répudiation de succession, l'effet est général, in rem; on peut, après la restitution prononcée, agir contre tout détenteur de la chose qu'on veut reprendre (4).

Pour les cas de contrats, l'effet de l'action est ordinairement limité à l'adversaire s'il est solvable, et si les tiers n'ont pas eu connaissance du fait amenant la restitution. Ainsi un mineur vend et demande la restitution in integrum, il n'aura pas d'action contre le sous-acquéreur de bonne foi, pourvu que l'acheteur primitif soit solvable (5).

QUATRIÈME PARTIE.

PREUVES DE L'EXISTENCE OU DE L'EXTINCTION DES OBLIGATIONS.

Nous avons toujours supposé que l'existence ou l'extinction des obligations n'était contestée par personne; mais, dans la pratique, il arrive fréquemment qu'il y a affirmation de l'une des parties et négation de l'autre; dans ce cas, il faut recourir à la preuve pour savoir où se trouve la vérité.

preuve.

En droit, la preuve est un moyen d'arriver à la certitude que les Notion de la allégations d'une personne sont conformes à la vérité. C'est un moyen de faire succéder la certitude au doute.

Dans bien des sciences, comme les mathématiques, la physique, la chimie, on peut arriver à la certitude à l'aide, soit de formules, soit d'expériences qui permettent de contrôler l'exactitude des résultats acquis. Dans le droit, il n'en est pas de même, on n'arrive jamais qu'à des à-peu-près, à des inductions plus ou moins probables, mais le doute reste toujours possible.

En effet, le moyen de preuve qui semble le plus efficace dans les contestations juridiques, c'est l'aveu, c'est-à-dire la reconnaissance

=

(4) F. 24, pr., § 4. — F. 27, § 1. — F. 39, § 4.-F. 47, § 1, de minorib. D. 4, 4.-F. 29, ex quibus causis. D. 4, 6. =(2) F. 7, § 10. F. 31, de minorib. D. 4, 4. = (3) F. 27, § 2-3, de minorib. D. 4, 4. = (4) F. 17, 30, § 1, ex quibus causis. D. 4, 6. = (5) F. 13, §1. F. 14. 29, 43, de minorib. D. 4, 4. L. 4, Cod., si adversus vendit, pign., 2, 29.

Dans le droit il n'y

a pas de preuves. Le doute est toujours possible.

Division

des preuves au point

de vue du droit.

Les

présomptions. Leur notion.

que fait un débiteur de son obligation; et cependant l'expérience l'a démontré, cet aveu peut être le résultat d'une erreur, ou de tout autre motif déterminant; nous en trouvons un exemple dans le F. 18, de interrogationibus in jure, D. 11, 1. Une personne, héritière pour partie, dit qu'elle a succédé pour le tout au défunt, et elle se laisse condamner en cette qualité; elle a menti pour pouvoir figurer au procès sans être obligée de donner la caution rem ratam dominum habiturum, du chef des autres cohéritiers. Alors même qu'il s'agit de délits et de peines à supporter, on a vu quelquefois des personnes se reconnaitre coupables bien qu'elles fussent innocentes. L'aveu n'est donc pas une cause absolue de certitude, cependant il y a ordinairement lieu de croire qu'on ne se reconnaît pas débiteur, si on ne doit point réellement la somme réclamée.

Ce que nous venons d'établir pour l'aveu est vrai, à plus forte raison quand il s'agit de déclarations émanées de tiers qui peuvent d'abord se tromper eux-mêmes, et qui, peut-être, ont de plus l'intention d'induire le juge en erreur dans l'intérêt de l'une des parties.

Toutefois, dans la science du droit, on a divisé les moyens qu'on possède d'approcher, autant que possible, de la certitude, en deux classes: 1o les preuves; 2° les présomptions.

1° Les preuves.

Ce sont les moyens que le législateur regarde comme établissant directement l'existence ou la non existence d'un fait.

Les preuves se subdivisent elles-mêmes en preuves émanant des parties, et preuves émanant des tiers.

Enfin elles sont préconstituées quand on les établit d'avance pour servir dans le cas d'une contestation qui s'élèvera peut-être dans l'avenir; ainsi les actes écrits, les chirographa, les arcaria nomina, etc. Les preuves sont non préconstituées quand on les invoque au moment même du litige; ainsi l'aveu devant le magistrat ou le juge, ainsi la preuve testimoniale.

Les preuves émanant des tiers sont toujours des témoignages qui peuvent être donnés d'avance, comme cela a lieu dans les actes dressés par les tabellions, ou qui sont formulés au moment même du litige, soit dans les enquêtes, soit à l'audience.

2o Les présomptions.

Les présomptions sont des inductions que le juge ou le législateur tire d'un fait connu pour arriver à admettre l'existence d'un fait inconnu.

Ainsi, dans le cas d'une sentence rendue, le fait connu c'est la

décision du juge; le législateur suppose qu'il a bien statué, qu'il a trouvé la vérité. Il y a là une présomption qu'on formule en disant : << Res judicata pro veritate habetur. »

légales.

Parmi les présomptions, il y a une première classe formellement Présomptions établie par la loi, comme celle que nous venons de citer, et comme la présomption « Is pater est quem nuptiæ demonstrant. » Certaines présomptions légales peuvent être combattues par la preuve contraire, comme la présomption de paternité, tandis que d'autres doivent être acceptées sans contestation, ainsi la présomption de la chose jugée. Une seconde classe de présomptions est exclusivement Présomptions admises par le fondée sur des circonstances accessoires, dont le juge peut apprécier juge. la valeur comme bon lui semble; ce sera pour lui une question de fait.

TITRE PREMIER.

Preuves préconstituées émanant des parties et

des tiers.

Sommaire. -1. Caractère des actes émanant des parties, cautiones.

2. Conditions

de validité. · 3. Actes émanant des tiers. Insinuation apud acta; actes dressés par les tabellions. · - 4. Forme des actes.

A. Preuves émanant des parties.

Les preuves préconstituées émanant des parties sont ordinairement désignées par les mots cautiones, acta. On peut citer comine exemples les chirographa, les syngraphæ et les arcana nomiria (1). Nous avons vu également que certains actes devaient être faits et par conséquent prouvés par écrit, comme la donation, la vente, quand les parties en étaient convenues. Enfin on pouvait, à l'occasion de tous les contrats, dresser un acte, instrumentum, destiné à contenir et à prouver les conventions arrêtées entre les parties. Pour qu'un acte valût en justice, il fallait qu'il réunît trois condi- Conditions tions 1° qu'il fût écrit par la partie à laquelle on l'opposait (2); 2° qu'il contînt la mention de la cause de l'obligation; 3o quand il y avait des témoins, le sénat avait ordonné que l'acte fût percé dans la marge; on y passait un fil triple, sur lequel on mettait la cire destinée à recevoir le signum, cachet, des témoins; sans cela, l'acte n'était pas valable (3).

Justinien, dans la novelle LXXIII, exige que dans les villes les actes de dépôt et de mutuum soient faits en présence de trois témoins, qui doivent pouvoir affirmer qu'ils ont vu signer l'acte. Mais cette règle n'est applicable que dans les villes. A la campagne, on continue à faire la preuve comme autrefois, parce que, dit l'em

(1) G. C. 111, § 128 à 135. =(2) L. 11, Cod., qui potiores, 8, 18. = (3) Paul. Sent., 1. V, til. XXV, § 6.

pour qu'un

acte

preuve.

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Officiers publics

charges de dresser les

pereur: « Neque scribentium aut testium multorum copia est. › Enfin si le prêt dépasse cinquante livres d'or, il faut la suseriptio de trois témoins (1).

B. Preuves émanant des tiers.

Chez les Romains, les preuves préconstituées émanant des tiers pouvaient comprendre plusieurs classes d'actes.

Nous avons déjà dit que dans les familles romaines il y avait souvent un esclave appelé notarius, et qui était chargé, soit de tenir les écritures, soit de dresser les actes qui concernaient le maître. Ordinairement ces actes ne valaient que lorsqu'ils avaient été signés par le dominus. Cependant, en matière de testament militaire, Paul décide que les dispositions dictées au notarius devront cependant être exécutées, bien qu'elles ne soient pas signées (2).

On trouve dans l'empire romain des officiers publics qui avaient mission de donner l'authenticité aux actes destinés à faire preuve; authentiques. ainsi les greffiers, chargés de recevoir les insinuations des donagreffiers. tions, ou les testaments qu'on voulait faire apud acta.

actes

Les

Les

tabellions.

Leur nomination. Comment

procéder.

L'historien Julius Capitolinus raconte, dans la vie de Marc-Aurèle, que l'empereur avait ordonné d'enregistrer la naissance de tous les enfants dans les trente jours; à Rome, « apud præfectos ærarii << Saturnini; » et dans les provinces, apud tabularios pu«blicos (3).

Justinien déclara que les actes pourraient être insinués apud defensores civitatum, et il chargea le gouvernement de faire établir des archives dans les cités où il n'y en avait pas encore (4). »

Mais les officiers publics qui avaient surtout mission de faire des actes pour autrui, c'étaient les tabelliones, dont il est fait mention dent tant de fois dans les textes du Digeste et du Code. Sous les empereurs chrétiens, les tabellions, pris autrefois dans les esclaves publics, formaient une corporation qui se recrutait, par l'élection, parmi les personnes instruites dans l'art d'écrire, et qui avaient une certaine connaissance du droit.

L'élection devait être confirmée par le préfet de la ville, et il y avait ensuite une installation solennelle du nouveau dignitaire (5). Les tabellions ne pouvaient pas être pris dans l'ordre des décu

rions.

Nous voyons, dans la novelle XLIV, chap. 1, § 1, que chaque tabellion avait une statio, étude, dans laquelle on était sûr de le trouver. Quand on dressait un acte, il faisait d'abord une minute,

(4) Novelle LXXIII, ch. 1, IX.-L. 17, Cod., si certum petatur, 4, 2. = (2) F. 40, de lestament. milit. D. 29, 1. = (3) Scævola mentionne cette déclaration de la naissance Apud ac'a, dans le F. 29, § 1, de probationib. D. 22, 3. = (4) Nove'le XV, ch. II, et v. = (5) V. Cujas, sur le tit. LXIX du Code, 1. X, édit. de Venise, t. 11, col. 162.

qu'il mettait ensuite au net. Il paraît qu'on employait déjà à cette époque le système des chartes-parties, consistant à couper l'acte en deux moitiés, qui étaient remises à chacun des contractants. Dans tous les cas, il fallait que l'officier assistât lui-même à l'acte; et Justinien, pour réprimer un abus qui s'était introduit, menace de destitution les tabellions qui envoient leurs clercs, scribæ, recevoir les actes, qu'ils se contentent ensuite de signer.

Les tabellions doivent dresser leurs expéditions, charta pura, sur des papiers ou parchemins revêtus de protocoles, c'est-à-dire de formules inscrites dans les bureaux du comes largitionum. Il y avait là probablement quelque mesure fiscale, analogue au timbre de nos jours (1).

La novelle XLVII a décidé enfin que tous les actes faits par les officiers publics devront commencer par indiquer : 1° l'année du règne de l'empereur; 2o le nom du consul; 3° le jour et le mois de l'indiction (2); 4° pour les actes de dépôt et de mutuum qui dépassent une livre d'or, il faut trois témoins; 5o les dates, qui étaient mises autrefois en abréviations, doivent être mises en toutes lettres; on n'admet plus les chiffres romains servant à désigner les nombres (3).

Remarquons en passant que la subscriptio exigée des témoins instrumentaires dans les testaments et dans les autres actes où ils figuraient, constituait encore une preuve préconstituée émanant des tiers.

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L'aveu est la reconnaissance, faite par le défendeur, de la vérité des allégations émises par le demandeur.

pour que

admissible.

Quand l'aveu était fait en justice et en connaissance de cause par Conditions une personne capable, on disait qu'il équivalait à un jugement: « Quia in jure confessi pro judicatis habentur; » et on donnait alors les moyens d'exécution forcée dans les mêmes délais que pour les jugements (4). Il fallait que l'aveu fût personnel; on ne pouvait

(4) Novelle XLIV, ch. I-II. = = (2) On appelait indictio un acte impérial fixant la capitation et l'impôt foncier à payer dans chaque province. L'indictio se faisait d'abord tous les ans, et elle continua à être annuelle pour l'impôt foncier. A l'époque de Justinien, elle n'avait plus lieu que tous les quinze ans, pour la capitation. =(3) Novelle XLVII, ch. 1–11. – Novelle LXXIII. ch. I, II, v, v❗II, 1x. = (4) F. 56, de re judicata. D. 42, 1. — F. 6, § 2, de confessis. D. 42, 2.

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