Page images
PDF
EPUB

l'autre, on n'a pas la répétition de l'indû quand on a payé à la suite d'un jugement (1). Or ces résultats sont formellement repoussés par le rescript de Dioclétien et par les textes du Digeste auxquels Justinien a attribué force de loi.

Ipso jure signifie que le d'ofice tenir juge peut

compensation.

Le sens des mots ipso jure est seulement celui-ci : le magistrat peut tenir compte de la compensation sans que les parties opposent l'exception de dol;; il suffira qu'il connaisse l'existence des deux compte de la dettes pour établir la balance et prononcer la condamnation in id quod superest. Ge résultat ne pouvant exister que sous le système des judicia extraordinaria, il faut en conclure que tous les textes antérieurs dans lesquels on retrouve la mention de l'effet produit ipso jure ont été interpolés par les auteurs de la compilation justinienne.

Effet

rétroactif

compensation.

Toutefois, par un motif d'équité, on faisait rétroagir la compensation quand elle avait été admise. On arrêtait les intérêts jusqu'à donné à la concurrence de la somme la plus faible, à partir du moment où les deux dettes avaient existé simultanément. Ceci remonte du reste à l'époque de l'empereur Sévère (2).

Fallait-il encore, à l'époque de Justinien, que les choses fussent de même nature, « vinum cum vino, triticum cum tritico, etc.? » Nous ne le pensons pas le juge a un pouvoir illimité pour balancer les deux dettes, quelles que soient leur nature et leur origine. Nous nous fondons, pour admettre cette dérogation aux règles posées par Gaïus, sur ce que l'empereur permet d'opposer la compensation même dans les cas d'action in rem; or comment supposer que deux personnes se doivent réciproquement une maison, un bois, un étang, etc.?... Dans la législation de Justinien, la compensation est un moyen d'équité à l'aide duquel on permet à un juge de terminer deux procès d'un seul coup, soit sur la demande des parties, soit de sa propre autorité; il fera les appréciations ex bono et æquo, puis il prononcera sa sentence, et alors il y aura libération jusqu'à concurrence de la somme la plus faible. On peut dire qu'à ce moment la dation en payement peut avoir lieu en justice, car par le moyen de la compensation, on arrive à payer rem pro re. Voici, selon nous, un exemple du système de Justinien. Séius doit trente mille solides à Sempronius; celui-ci se trouve détenteur d'une maison valant vingt mille solides et appartenant à son débiteur. Quand Séius intentera l'action en revendication, Sempronius lui répondra : Je vous oppose la compensation pour vingt mille solides; vous allez encore m'en payer dix mille, et nous serons libérés l'un vis-à-vis de l'autre. Il est permis de douter que ce système soit bon au point de L. 4, Cod.,

(4) F. 74, § 2, de judiciis. D. 5, 4. — F. 36, familiæ erciscundæ. D. 10, 2. de condictione indebiti, 4, 5. (2) L. 4, Cod., de compensationib., 4, 31.

=

Conditions

de la

à l'époque

de

vue législatif, et nous préférons, pour notre part, les règles qui ont été consacrées par le Code Napoléon.

Mais Justinien exige toujours que les dettes soient échues et poque" liquides: « Aperto jure nitentes, non multis ambagibus innodatis; > ce qui signifie des dettes dont il soit facile d'établir l'existence et le montant. Alors, à l'époque du code, nous dirons que la compensation est soumise seulement à deux conditions: 1° que les dettes réciproques soient échues; 2o qu'elles soient liquides. La cause peut être différente, et il n'est pas nécessaire que la nature des objets dus soit la même.

A. Quelles étaient les dettes à l'occasion desquelles on admettait la

compensation?

Toute dette civile, prétorienne ou naturelle, pouvait servir de base à une compensation: « Etiam quod natura debetur venit in << compensationem, » dit Ulpien. Cela se comprend, puisque l'on fait valoir la compensation comme défense dans les actions de bonne foi, et à l'aide de l'exception de dol dans les actions de droit strict. pour lesquelles Cependant certaines dettes faisaient exception à la règle. Ainsi, les n'admettait impôts en argent ou en nature devaient être payés sans qu'on pût compensation. opposer la compensation au fisc; il y avait là une raison d'intérêt

Dettes

on

pas la

général (1). On avait mis sur la même ligne les sommes prêtées à terme fixe par le trésor public, ex Kalendario, et les fidéicommis laissés aux cités de l'empire romain (2).

A l'époque de Justinien, nous trouvons encore trois cas dans lesquels on refuse d'admettre la compensation 1° quand il y a eu dépôt; 2o le cas où l'on s'est emparé sans droit du terrain d'autrui (3); 3° le commodataire qui ne peut pas garder la chose prêtée à l'aide de la compensation (4) : « Prætextu debiti restitutio commodati non probabiliter recusatur. »

Pour terminer cet exposé sommaire des principes de la compensation, nous devons faire deux remarques : d'abord le délai de grâce accordé au débiteur n'empêche pas d'user de ce mode de défense (5); enfin, on ne peut pas opposer en compensation la créance d'autrui, il faut être personnellement créancier. Il n'y a d'exception à cette règle que pour les fidéjusseurs et les correi debendi qui sont associés; les premiers peuvent toujours invoquer la créance du débiteur, les seconds peuvent faire valoir l'exception qui appartiendrait à leurs associés (6).

(1) F. 46, § 3, de jure fisci. D. 49, 14. F. 20, de compensationib. D. 16, 2. = (2) L. 3, Cod., de compensationib., 4, 31. = (3) L. 14, § 1-2, de compensationib., 4, 31. = (4) L. 4, Cod., commodati, 4, 23. = (5) F. 16, § 1, de compensationib. D. 16, 2. =(6) F. 5, 16, 18, § 1. – F. 23 de compensationib. D. 16, 2. — F. 10, de duobus reis. D. 45, 2.

1

TITRE III.

Restitutiones in integrum.

Sommaire. — 1. Caractères de la restitutio in integrum. - 2. Conditions exigées pour 3. A quels actes elle était appliquée.

l'obtenir.

Le mode d'extinction des obligations dont nous allons nous occuper maintenant constitue l'une des atteintes les plus hardies que le droit prétorien ait porté au droit civil.

restituere.

Restituere in integrum signifie littéralement, rétablir en entier. Sens du mot Dans l'ordre matériel, on dirait de la reconstruction d'une maison démolie, qu'il y a eu restitution; dans la vie juridique, les préteurs ont employé la même expression en ce qui concerne la condition des parties intéressées dans certains actes. « Prætor in integrum resti« tuit, » quand il suppose, en vertu de son imperium, qu'un acte n'a pas été accompli, et qu'il remet les parties dans l'état où elles étaient avant le fait attaqué.

On peut définir la restitutio : le rétablissement d'un état antérieur de droit, opéré par le préteur et motivé par une opposition entre l'équité et le droit rigoureux.

Il faut bien se garder de confondre les restitutions en entier avec d'autres moyens de procédure que les préteurs employaient souvent pour arriver à des résultats analogues, et qu'on désigne sous le nom d'actions et d'exceptions. Ainsi, quand il y a eu violence, on trouve dans les textes: 1o l'action quod metus causa, faisant condamner au quadruple celui qui veut invoquer l'acte vicié par la violence; 2° l'exceptio metus, qui sert à repousser la demande, dans les mêmes circonstances; 3o la restitutio in integrum ob metum, accordée seulement quand les deux premiers moyens sont inefficaces, parce que l'acte a produit son effet. Ainsi, en prenant un exemple, on me contraint par violence à renoncer à une hérédité; après ma renonciation, l'action ou l'exception de violence ne peuvent me servir à rien; le substitué acceptera la succession et sera investi de tous les droits, etc. Mais le préteur, par la fiction de la restitutio in integrum, supposera que je n'ai rien fait, que je n'ai pas refusé le patrimoine du défunt, et il me le rendra.

Dans tous les cas, la restitutio in integrum est soumise à certaines règles générales, dont nous devons donner l'exposé.

de la

Définition restitutio in

integrum.

Règles générales

de la restitutio

Pour que le préteur accorde la restitutio, il faut la réunion de in integrum. trois circonstances: 1° qu'il y ait une lésion; 2° qu'on se trouve précisément dans un des cas prévus par l'édit; 3o qu'on ne soit pas dans une des circonstances pour lesquelles l'édit refuse formellement la restitution.

[ocr errors]

faut qu'il y

ait lésion.

II

fallait être

dans un des cas prevus

La lésion résulte ici, soit de la diminution du patrimoine, soit de la transformation d'un droit certain en un droit douteux sujet à procès (1). On considère également comme une lésion l'absence de gain, quand on n'a pas acquis des biens dont personne n'était encore investi au moment du fait sur lequel on se base pour obtenir la restitution en entier; ainsi, lorsque, par suite d'une violence, on a manqué d'acquérir un legs ou une succession (2), c'est à celui qui se prétend lésé à en faire la preuve (3).

La restitutio in integrum avait une portée étendue bien au delà du droit des obligations, car on l'appliquait aussi aux faits qui portaient atteinte à la propriété, comme les usucapions, les pertes de servitude par le non usage, etc., etc.; on allait même jusqu'à restituer dans certains cas contre la chose jugée.

Il fallait se trouver dans un des cas spécialement prévus par le préteur; et suivant M. de Savigny, l'édit les avait introduits dans par l'édit. l'ordre chronologique que voici: 1o la violence; 2o la fraude; 3° la minorité de vingt-cinq ans; 4o les capitis deminutiones; 5o l'absence; 6o l'erreur. Mais cette liste n'était pas limitative; l'édit contenait une clause générale qui donnait aux préteurs le moyen de parer à toutes les éventualités : « Item si qua alia mihi causa justa esse << videbitur, in integrum restituam (4). »

Clausula generalis.

Cas où le préteur refuse

la restitutio.

Dans tous les cas, celui qui pouvait demander la restitution en entier transmettait son droit à ses héritiers. « Item omnium « qui ipsi potuerunt restitui in integrum, successores in integrum << restitui possunt (5). »

Même quand il y avait lésion, le préteur refusait la restitutio dans les cas suivants : 1° s'il y avait eu délit contra bonos mores; mais quelquefois les mineurs étaient restitués pour les délits de douane (6); 2° dans les contrats, le débiteur coupable de dol ne peut pas demander la restitution en entier; ainsi, le mineur de vingt-cinq ans qui s'est laissé vendre ad pretium participandum (7); 3o quand la loi s'oppose au rétablissement de l'état antérieur; par exemple, quand il y a eu affranchissement consommé : « Quia semel <«< concessa libertas non revocatur (8); » mais si l'affranchissement avait été seulement promis, la restitution était admise; 4o si on pouvait se protéger par un moyen du droit ordinaire, comme une action ou une exception, le préteur refusait la restitutio in integrum (9).

F. 17, S4

F. 35-44, de minorib.

(1) F. 6, de minorib. D. 4, 4. = (2) L. 1-2, Cod., si ut omissam, 2, 40.F. 18, 27, 41, ex quibus causis majores. D. 4, 6. (3) F. 7, § 3. D. 4, 4. L. 5, Cod., de in integr. 2, 22. =(4) F. 1, § 1, ex quibus causis majores. D. 4, 6. (5) F. 6, de in integr. D. 4, 4. = (6) F. 9, § 2, 5, de minorib. D. 4, 4.-F. 46, §.9, de publicanis. D. 39, 4. = : (7) F. 9, § 5, de minorib. D. 4, libertatem, 2, 31. = (9) F. 16, de minorib. D. 4, 4. integr., 2, 41.

4. = (8) L. 1-2-3, Cod., si adversus

-L. 4, Cod., in quibus causis in

MINORITÉ. Nous allons examiner successivement les cas de restitutions, en suivant leur importance pratique; et bien que nous nous occupions, surtout dans ce titre, de l'extinction des obligations, nous mentionnerons en passant les divers points auxquels touchent les restitutions.

CHAPITRE PREMIER.

RESTITUTIO OB ÆTATEM, ACCORDÉE AUX MINEUrs de vingt-cinq ans.

Sommaire. 1. Comment on a établi la restitution pour les mineurs. 2. Les mineurs sont restitués tanquam læsi et non tanquam minores 3. Quelles sont les personnes qui profitent de la restitution.

Nous avons expliqué dans notre premier volume comment le père de famille, arrivé à l'âge de la puberté, sortait de tutelle, et prenait la libre administration de son patrimoine; comment on était venu successivement au secours de son inexpérience, d'abord, par la loi Plætoria, puis, par la restitution en entier; et enfin, sous l'empire, par la nomination d'un curateur permanent.

La restitutio ob ætatem n'avait été d'abord établie que pour les mineurs sortis de tutelle, et à l'occasion de leurs faits personnels, mais bientôt on l'étendit aux actes des curateurs, puis à ceux des tuteurs, quand l'impubère souffrait de leurs actions ou de leurs omissions (1).

La

lésion est

indispensable

de cette restitution.

La lésion était l'élément essentiel de la restitution; le magistrat n'avait pas, en effet, à protéger le mineur qui faisait bien ses affaires. P'élément De là cette maxime : « Minor restituitur non tanquam minor, sed tan« quam læsus. » Il fallait, de plus, que la lésion résultât de l'acte lui-même, et non pas d'un cas fortuit postérieur, par exemple, la ruine ou l'incendie d'une maison achetée à un prix avantageux.

Le

fils de famille

obtenir la

Le fils de famille mineur obtenait aussi la restitution contre ses actes ou ses omissions, mais cela lui était personnel et ne devait pas peut profiter directement au père (2). Dès lors, si ce mineur a négligé restitution. d'accepter un legs qui devait lui appartenir après la mort de son père, ou s'il a contracté à l'occasion de son pécule castrans, il a un droit exclusif à la restitution. Cependant, si le père héritait du fils, il pouvait profiter de la restitution en qualité de successeur, puisque cette faveur était transmissible aux héritiers (3).

Une ancienne opinion rapportée par Gaïus donnait au père de famille le droit de demander la restitution en entier contre les actes de son fils, même malgré lui; parce que, disait-on, le père, qui était tenu de l'action de peculio, avait intérêt à ce que le pécule fût le plus fort possible (4).

(4) F. 29, pr., § 4.-F. 38, 47, de minorib. D. 4, 4. — L. 2, 3,45, Cod., si tutor., 2, 25. — (2) F. 3, 54.-F. 23, 38, § 1, de minorib. D. 4, 4. = (3) F. 3, § 9-10, de minorib. D. 4, 4. =(4) F. 27, de minorib. D. 4. 4.

« PreviousContinue »