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La loi Cornélia avait été votée sous le dictature de Cornélius Sylla; elle permettait d'agir au civil et au criminel. Au civil, la condamnation était laissée à l'estimation du juge; au criminel, les coupables étaient frappés d'exil, ou condamnés, soit aux mines, soit aux travaux publics (1).

La condamnation par suite de l'action d'injure entraînait l'infamie Injuriarum civiliter damnatus, dit Paul, famosus effi

<< citur. >>

D. Qui peut intenter l'action et contre qui.

L'action peut être intentée, soit par celui qui éprouve directement ou indirectement l'injure, soit par la personne qui a la potestas sur l'individu offensé. Quelquefois le préteur accordait une action in factum au fils de famille ainsi dans le cas de la loi Cornélia; ainsi quand il y avait absence du père; enfin dans le cas d'injure atroce, le fils pouvait agir même quand le père était présent, et même quand il renonçait à l'action. Au civil, on peut toujours agir par procurator; au criminel, il fallait agir soi-même (2).

L'action d'injure était donnée contre l'auteur du délit, contre les complices et contre les instigateurs.

$11. Non solum autem is injuriarum tenetur, qui fecit injuriam, hoc est, qui percussit; verum ille quoque continebitur, qui dolo fecit, vel qui curavit, ut cui mala pugno percuteretur.

Les magistrats qui abusent de

L'action d'injure s'applique non-seulement à celui qui a commis l'injure, c'est-à-dire qui a frappé, mais aussi à celui qui par dol a fait en sorte qu'une personne fût frappée.

leur pouvoir peuvent être atta

qués par l'action d'injure, mais pour les magistrats supérieurs, il

faut attendre qu'ils aient quitté leurs fonctions (3).

Celui qui souffre de l'injure peut agir.

Contre qui on donne l'action d'injure.

Cas

est refusée.

Il y a enfin des cas où l'action d'injure est refusée, à moins qu'il où faction n'y ait des causes graves pour l'accorder; ainsi, en principe, le fils de famille ne peut pas intenter cette action contre son père; le fils émancipé et l'affranchi ne peuvent le faire que s'il y a eu injure atroce (4).

L'action d'injure était exclusivement attachée à la personne, elle ne passait aux héritiers ou contre les héritiers que s'il y avait eu litis contestatio; elle ne durait ordinairement qu'une année, et même elle s'éteignait dès qu'il y avait eu dissimulatio, c'est-à-dire si la personne insultée avait méprisé le fait et laissé voir qu'elle n'avait pas l'intention de poursuivre (5).

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Paul. Sent., liv. V,

(1) F. 5, pr., § 2 à 5. — F. 37, § 1, de injuriis. D. 47, 10. Paul. Sent., liv. V, tit. IV, § 8-9. (2) F. 5, § 7. — F. 17, § 10 à 17, § 22, de injuriis. — F. 47, 40.tit. IV, S 12. (3) F. 32, de injuriis. D. 47, 10. = (4) F. 7, § 2-3, de injuriis. D. 47, 10. L. 6, Cod., de injuriis, 9, 35. = (5) F. 13. — F. 28, de injuries. D. 47, 40. L. 3, Cod., de injuriis, 9, 33.

-

L'action

est annale. Dissimulatio

et

transaction.

Instit., liv. IV,
tit. V.
Juge
qui fait le

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Lorsqu'un fait illicite n'est pas classé par la loi dans la liste des délits, l'obligation de réparer le dommage causé vient quasi ex delicto. Les caractères généraux de l'action résultant de ces faits sont les mêmes que ceux de l'action ex delicto. Elle ne passe pas contre les héritiers, elle peut se cumuler avec d'autres actions; on la répète autant de fois qu'il y a d'auteurs de l'acte illicite, etc. Les Institutes ne donnent ici que des exemples.

Pr. Si judex litem suam fecerit, non proprie ex maleficio obligatus videtur. Sed quia neque ex contractu obligatus procès sien. est, et utique peccasse aliquid intellegitur, licet per imprudentiam ideo videtur quasi ex maleficio teneri, et in quantum de ea re æquum religioni judicantis videbitur, pœnam sustinebit.

Dans quels cas ?

Pénalité.

Si un juge a fait le procès sien, il n'est pas à la vérité tenu ex delicto; mais comme il n'est pas obligé ex contractu, et qu'il a commis un fait punissable, même quand il n'y a eu qu'imprudence, on dit qu'il est tenu comme s'il y avait eu délit, et il sera condamné à une peine que le juge fixera suivant sa conscience.

On admet d'une manière générale que le juge fait le procès sien lorsqu'il s'écarte des fonctions qui lui sont attribuées par la loi. Ulpien dit : « Judex tunc litem suam facere intelligitur, cum dolo malo in << fraudem legis sententiam dixerit. » Le juge fait le procès sien quand il prononce une sentence en fraude de la loi (1).

Gaïus suppose que la faute suffit, sans qu'il y ait dol de la part du juge; car il faut qu'il se conforme aux termes de la formule, sinon il fait le procès sien (2).

Quand il y avait dol du juge, la loi des douze Tables prononçait contre lui la peine capitale, sans préjudice de l'indemnité due à la partie qui avait éprouvé une perte par le fait du judex. Nous pensons qu'il n'y a pas lieu à distinguer, sous ce dernier point de vue, le cas où il y a eu dol de celui où il y a eu simplement faute; c'est toujours une obligation quasi ex delicto, puisque l'acte ne rentre pas quatre délits que nous avons énumérés.

dans les

(1) F. 15, § 1, de judiciis. D. 5, 1. = (2) F. 6, de extraordin. cogn. D. 50, 13. G. C. IV,

§ 1. Item is, ex cujus cœnaculo, vel proprio ipsius, vel conducto, vel in quo gratis habitabat, dejectum effusumve aliquid est, ita ut alicui noceretur, quasi ex maleficio obligatus intellegitur ideo autem non proprie ex maleficio obligatus intellegitur, quia plerumque ob alterius culpam tenetur, aut servi, aut liberi. Cui similis est is, qui ea parte, qua vulgo iter fieri solet, id positum aut suspensum habet, quod potest, si ceciderit, alicui nocere quo casu pœna decem aureorum constituta est. De eo vero, quod dejectum effusumve est, dupli, quanti damnum datum sit, constituta est actio. Ob hominem vero liberum occisum quinquaginta aureorum pœna constituitur; si vero vivet, nocitumque ei esse dicetur, quantum ob eam rem æquum judici videtur, actio datur: judex enim computare debet mercedes medicis præstitas, cæteraque impendia, quæ in curatione facta sunt, præterea operarum, quibus caruit, aut cariturus est ob id, quod inutilis factus est.

De même, celui de l'appartement duquel on a jeté ou répandu quelque chose, de manière à nuire à autrui, est tenu d'une obligation quasi ex delicto, sans distinguer s'il est propriétaire ou locataire, ou si on lui donne gratuitement l'habitation; on ne dit pas qu'il y a délit, parce qu'il est responsable presque toujours du fait d'une tierce personne, comme un fils ou un esclave. Il en est de même de celui qui pose ou suspend, dans un endroit où passe le public, des choses qui pourraient nuire si elles tombaient. Dans ce cas, la peine est de dix aurei. Quand il y a eu dejectum vel effusum, l'action est au double du dommage causé. Pour un homme libre tué, il y a une peine de cinquante aurei (1); s'il vit, mais qu'il soit blessé, on lui donne une action pour obtenir une juste indemnité; le juge doit tenir compte des sommes payées au médecin, et des autres dépenses faites pour la guérison; il doit aussi évaluer le produit du travail qu'il n'a pu faire, et qu'il ne pourra pas faire dans l'avenir s'il est infirme.

Action dejecti vel effusi.

Caractères

dejectis,

effusis vel

On ne suppose pas, dans le paragraphe précédent, que la poursuite soit dirigée contre l'auteur même de l'acte, car il serait tenu par l'action directe ou utile de la loi Aquilia; il s'agit de l'action in factum, intentée contre le maître de la maison. L'action de effusis et dejectis était perpétuelle; la poursuite, de l'action de quand il y avait eu un homme libre tué, ne pouvait être exercée que pendant un an; dans le cas de blessures, celui qui avait souffert du fait avait une action perpétuelle; les autres personnes n'avaient qu'une action annale, qui ne passait pas aux héritiers. Tout le monde pouvait agir: «< Hæc actio est popularis, » mais on préférait ceux qui avaient un intérêt direct. Paul fait remarquer que d'après Labéon on appliquait l'édit : « Si interdiu dejectum sit, non nocte (2). »

§ 2. Si filiusfamilias seorsum a patre habitaverit, et quid ex cœnaculo ejus dejectum effusumve sit, sive quid positum suspensumve habuerit, cujus casus periculosus est: Juliano placuit in patrem nullam esse actionem, sed cum ipso filio agendum. Quod et in filiofamilias judice observandum est, qui litem suam fecerit.

Si un fils de famille habitant hors de chez son père a jeté quelque chose de son appartement, ou s'il a placé ou suspendu un objet dont la chute est dangereuse, Julien dit qu'il n'y a aucune action contre le père, il faudra agir contre le fils lui-même; c'est aussi la règle à suivre pour le fils de famille judex qui a fait le procès sien.

(1) L'aureus, sous Antonin, valait 24 fr. 93. c. A partir d'Alexandre Sévère, il fut remplacé par le solidus, qui valait après Constantin 15 fr. 10 c. = = (2) F. 5, § 5. — F. 6. § 1, de his qui effuderint. D. 9, 3.

Action

contre les

les

hôteliers.

Le père n'était soumis, dans ce cas, à aucune responsabilité, pas même à l'action de peculio: « Ex pœnalibus causis non solet in patrem de peculio actio dari. » Il en serait autrement pour l'esclave, on donnerait ou une action noxale, ou une action in factum (1).

§ 3. Item exercitor navis, aut caubateliers et ponæ, aut stabuli, de dolo aut furto, quod in nave, aut in caupona, aut in stabulo factum erit, quasi ex maleficio teneri videtur, si modo ipsius nullum est maleficium, sed alicujus eorum quorum opera navem aut cauponam aut stabulum exerceret : cum enim neque ex contractu sit adversus eum constituta hæc actio, et aliquatenus culpæ reus est, quod opera malorum hominum uteretur, ideo, quasi ex maleficio teneri videtur. In his autem casibus in factum actio competit, quæ heredi quidem datur, adversus heredem autem non competit.

Caractères de

l'action.

Notion

de l'obligation naturelle.

De même le patron d'un navire, le maître d'une auberge ou d'une étable est tenu quasi ex delicto du dol et du vol commis sur le bâtiment, dans l'auberge ou dans l'étable, par ceux qu'ilemploie, pourvu qu'il n'y ait aucun délit de sa part; car l'action qu'on a contre lui ne vient pas d'un contrat, et il est, en quelque sorte, en faute d'employer des hommes sans probité; son obligation est donc quasi ex delicto. Dans ces cas, on a une action in factum qui passe à l'héritier, mais qui n'est pas donnée contre lui (2).

Cette action, appelée furti adversus nautas, caupones, était in duplum. Il y a grande controverse entre les jurisconsultes pour savoir si les nautæ, caupones, etc., étaient responsables du vol commis par les voyageurs qui se trouvaient sur le bâtiment ou dans l'auberge. Ulpien semble se prononcer pour l'affirmative dans certains textes, et pour la négative dans d'autres passages; nous croyons qu'on peut résoudre ainsi la difficulté : les nautæ répondaient de la valeur des objets détournés même par les voyageurs, ils étaient assimilés à ceux qui doivent præstare custodiam ; mais l'action furti adversus nautas in duplum n'était donnée que si le vol avait été commis par des matelots, par ceux qui étaient à bord « ut navis naviget, hoc est << nautas. » De même, celui qui a une auberge ou une étable ne sera tenu in duplum que s'il y a fait de ses employés (3).

TITRE VI.

De l'obligation naturelle (4).

Sommaire. — 1. Qu'est-ce que l'obligation naturelle?

2. Ses caractères. effets. 4. Cas dans lesquels il y a obligation naturelle.

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On trouve souvent dans les textes du droit romain, et dans cerlains articles de nos codes, la mention d'une obligation naturelle qu'on oppose en quelque sorte à l'obligation civile; mais nulle part le législateur n'en donne une définition précise; de là des difficultés (1) F. 58, de regulis juris. D. 50, 17.-F. 1, § 8, de his qui effuderint. D. 9, 3.— (2) Cf. Cod. Nap., art. 1384, 1386, 1953. (3) Cf. F. 1, § 8.- F. 2, 3, nautæ caupones. D. 4, 9. — F. 1, $ 1, 2, 6, furti adversus naut. D. 47, 5. = (4) M. Holtius a publié en 1852 une théorie de l'obligation naturelle, dans laquelle il s'écarte sur beaucoup de points des idées généralement admises, V. Revue de Wolowski, cahier de sept -octob. 1852.

=

à l'occasion desquelles les jurisconsultes sont encore loin de s'entendre: souvent, quand ils croient discuter sur ce point, leurs arguments se croisent sans se rencontrer, car ils sont dans deux ordres d'idées différents. Pour éviter cet écueil, nous croyons devoir exposer d'abord nos idées sur l'obligation naturelle, et montrer sous quel point de vue nous l'envisageons.

Sa

En droit romain comme en droit français, nous pensons que l'obli- definition gation naturelle est un lien d'équité reconnu par la loi civile, mais auquel on n'a pas attaché d'action pour en assurer l'exécution.

Nous posons également en principe qu'il faut toujours distinguer: 1° les obligations de conscience, 2o les obligations naturelles, 3° les obligations civiles.

L'homme, comme être libre, intelligent et perfectible, est soumis Distinction à deux lois bien distinctes: la loi naturelle et la loi positive.

La loi naturelle, dont Cicéron donnait cette magnifique définition : «Est quidem vera lex recta ratio, naturæ congruens, diffusa in om‹nes, constans, sempiterna, quæ vocet ad officium jubendo, vetando a fraude deterreat. »

entre la loi naturelle et la loi

positive.

La source de ces deux

même.

La

justice.

Leurs applications

sont différentes

La loi positive, dont le principe se trouve dans la loi naturelle, et dont les détails ne sont que l'organisation et la sanction plus ou moins heureuses du principe de justice, par le législateur humain. La source de ces lois est la même, mais leur application est différente; chacune a son domaine séparé. Nous l'avons déjà dit dans lois est la notre Introduction, le point de départ de toutes les lois doit se trouver dans l'équité, la justice, la morale; pour nous, ces diverses expressions sont synonymes; au point de vue législatif, comment leur application pourra-t-elle varier? Le voici : la loi naturelle embrasse tous les rapports qui peuvent exister d'homme à homme; et encore si l'on veut, avec certains philosophes, les rapports de l'homme avec Dieu et les objets de la création. La loi positive, tout en se basant sur la justice, ne doit réglementer que les rapports intéressant le corps social. Là où cesse l'utilité pour la société, là doit s'arrêter le législateur; aussi le voyons-nous laisser en dehors de ses prescriptions une série de faits dont il est loin de méconnaître l'importance morale, mais qui n'ont pas une influence assez directe ou assez grave l'agrégation qu'il régit pour qu'il vienne limiter ou enchaîner la liberté de l'homme.

sur

De là cette conséquence, que les faits auxquels s'applique la loi positive sont toujours en partie soumis aux prescriptions du droit naturel, tandis que les rapports qui sont du droit naturel pur peuvent rester entièrement en dehors des applications de la loi humaine. Cette vérité trouve son application dans les relations de tous les jours qui existent entre les hommes. Pour savoir s'il y a obligation

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