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TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE

DE

DROIT ROMAIN

TROISIÈME PARTIE

Théorie de la Fortune individuelle (suite)

LIVRE DEUXIÈME (suite)

TROISIÈME PARTIE.

SUCCESSION AB INTESTAT AUX INGÉNUS.

TITRE PRÉLIMINAIRE.

Sommaire. -1. Quand meurt-on intestat?

succession.

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·2. Législations qui ont réglementé cette 3. Principes des possessions de biens données ab intestat par le préteur.

-4. Ordre d'attribution des successions ab intestat.

SECTION PRÈMIÈRE.

Quand une personne est-elle considérée comme
morte ab intestat?

Les Institutes donnent la réponse à cette question dans le paragraphe qui suit :

Pr. Intestatus decedit, qui aut omnino testamentum non fecit, aut non jure fecit, aut id, quod fecerat, ruptum irritumve factum est, aut nemo ex eo heres extitit.

tit. I.

Meurt intestat, celui qui n'a pas fait Instit., . III, de testament, ou qui en a fait un contrairement aux règles du droit, ou bien celui dont le testament a été rompu, annulé, ou abandonné par l'héritier institué.

pas

Ulpien déclare que l'on ne doit faire rentrer dans la classe des personnes mortes ab intestat celles qui n'avaient pas le droit de tester: << Intestati proprie appellantur, qui, cum possent testamentum « facere, testati non sunt (1). » Quant aux autres, on les tiendra pro intestatis. Cette remarque est purement théorique; il n'y a ordinairement aucune différence dans les règles à suivre pour attribuer les biens dont la distribution n'a pas été faite dans un testament.

(1) F., pr., de suis et legit. D. 38, 16.

Testament ruptum et

faite au cas du

irritum.

Nous savons que le testament est ruptum quand il tombe par un irritum. événement autre que le changement d'état du testateur; il y a testament irritum si celui qui l'a fait éprouve une deminutio capitis. Objection On peut cependant faire une objection, et nier qu'on meure réelletestament ment intestat quand le testament est irritum. Dans le cas de maxima capitis deminutio, le condamné devient esclave de la peine, ses biens sont confisqués, le plus souvent; il ne laisse donc pas de succession. S'il y a eu media capitis deminutio, le droit de cité est perdu le défunt pérégrin n'a plus la factio testamenti, le droit romain ne peut donc pas se préoccuper de son patrimoine.

On

détermine

appelés

Enfin, dans la minima capitis deminutio, si l'adrogé reste dans la famille adoptive et sous la patria potestas, il n'a pas d'héritiers, suivant le droit civil, puisque tous ses biens appartiennent à l'adrogeant. Si, au contraire, il est émancipé, le préteur donnera la bonorum possessio secundum tabulas, et il y aura succession testamentaire. On trouve cependant un cas dans lequel le testament restera sans effets malgré l'émancipation, c'est quand l'adrogé émancipé n'a pas manifesté formellement et par écrit l'intention de le faire revivre (1).

Quand l'héritier institué refuse de faire adition, ce qui rend le les héritiers testament destitutum, on ne se place pas, comme en droit français, à l'époque du décès, pour connaître les héritiers appelés; on examine n'y aura pas quels sont les parents auxquels la loi permet de faire adition au motestamentaire. ment où il est certain que le testament ne produira aucun effet.

au moment où il est certain qu'il

d'héritier

§ 7. Cum autem quæritur, an quis suus heres existere potest: eo tempore quærendum est, quo certum est, aliquem sine testamento decessisse, quod accidit et destituto testamento. Hac ratione, si filius exheredatus fuerit, et extraneus heres institutus, et, filio mortuo postea, certum fuerit, heredem institutum ex testamento non fieri heredem, aut quia noluit esse heres aut quia non potuit, nepos avo suus heres existet quia, quo tempore certum est, intestatum decessisse patremfamilias, solus invenitur nepos. Et hoc certum est.

Quand on recherche si quelqu'un peut être héritier ab intestat, il faut se placer au moment où il est certain que le défunt est mort sans testament, ce qui arrive également quand la succession est refusée. Si donc le fils est exhérédé, qu'un étranger soit institué, et qu'après la mort du fils il devienne certain qu'il n'y aura pas d'héritier testamentaire par suite de refus ou d'incapacité, c'est le petit-fils qui sera l'héritier sien du grand-père, parce qu'il se trouve seul au moment où il est certain que le chef de famille est mort intestat. C'est là un principe incontestable.

Ce qui est dit des héritiers siens dans ce paragraphe doit être généralisé, et Ulpien formule ainsi le principe : « Quandiu potest ex << testamento adiri hereditas, ab intestato non defertur (2). » Tant que l'hérédité peut être acceptée en vertu du testament, elle n'est pas déférée ab intestat; c'est ce qui explique comment, dans le cas (1) F. 11, § 2, de bonor. possess. secund. tab. D. 37, 14. =

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(2) F. 39, de adq. heredit

d'une institution conditionnelle, on se place au moment où la con-
dition vient à défaillir pour déterminer les personnes qui prendront
la succession.

SECTION II. -- Caractères généraux des législations qui ont réglementé à
Rome la succession ab intestat.

Nous trouvons trois législations qui ont successivement réglementé les hérédités ab intestat: 1o le droit civil pur; 2° le droit honoraire; 3o les constitutions impériales.

La législation civile est sur cette matière, comme sur les autres, nette et précise, mais ses décisions sont souvent rigoureuses. C'est le moment où la loi ne reconnaît que la famille civile des agnats et la famille politique des gentiles. En dehors de ce cercle, on n'a aucun droit; le fils émancipé n'est plus suus heres, il n'est plus agnat, il est sorti de la gens, donc il ne peut rien demander dans le patrimoine de son père défunt. Une interprétation de la loi Voconia, sinon cette loi elle-même, vint encore restreindre la capacité de succéder ab intestat. La femme agnate ne peut pas réclamer les biens de ses agnats au delà du second degré collatéral; tous ses oncles, cousins, etc., lui succéderont; elle ne peut succéder qu'à ses frères consanguins. Enfin, parmi les agnats, le proximus est seul appelé: s'il refuse, il n'y aura pas dévolution au degré qui suit immédiatement, les biens rentreront dans le trésor du peuple, car la loi des douze Tables n'a parlé que du plus proche agnat.

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droit

Le droit prétorien présente un aspect tout différent; ici, plus Caractères du peut-être que dans les autres parties du droit romain, il manifeste pretorien. énergiquement la triple mission qu'il s'est attribuée : « Adjuvandi, « vel supplendi, vel corrigendi juris civilis gratia. » Usant du droit absolu qu'ils avaient de refuser les formules, et du droit presque aussi étendu d'en accorder, les préteurs arrivèrent à faire prévaloir les liens du sang sur la parenté civile. Pour cela ils employèrent trois moyens : l'interdit quorum bonorum; les actions utiles, dont nous indiquerons les effets en parlant de la procédure, et enfin les bonorum possessiones, dont les principes doivent nous occuper maintenant.

Remarquons toutefois que, malgré leur tendance à suivre toujours les principes de l'équité, les préteurs avaient reculé devant des améliorations qui furent réalisées par la jurisprudence impériale.

Pr. Jus bonorum possessionis introductum est à prætore emendandi veteris juris gratia. Nec solum in intestatorum hereditatibus vetus jus eo modo prætor emendavit, sicut supra dictum est, sed

possessiones. Instit., 1. III, tit. IX.

La législation sur les possessions de Bonorum biens a été introduite par le préteur pour corriger le droit ancien. Et comme nous l'avons vu déjà, le droit honoraire modifia, à l'aide de ce moyen, non

le preteur

des

in eorum quoque, qui testamento facto
decesserint. Nam si alienus posthumus
heres fuerit institutus, quamvis here-
ditatem jure civili adire non poterat,
cum institutio non valebat, honorario
tamen jure bonorum possessor efficie-
batur, videlicet cum a prætore adjuva-
batur: sed et hic a nostra constitutione
hodie recte heres instituitur, quasi et
jure civili non incognitus.

§ 1. Aliquando tamen neque emendandi, neque impugnandi veteris juris, sed magis confirmandi gratia pollicetur, bonorum possessionem. Nam illis quoque, qui recte facto testamento heredes instituti sunt, dat secundum tabulas bonorum possessionem; item ab intes tato suos heredes et agnatos ad bonorum possessionem vocat : sed et, remota quoque bonorum possessione, ad eos hereditas pertinet jure civili.

seulement les successions ab intestat, mais encore les successions testamentaires. Si on avait institué un posthume externe, bien qu'il ne pût pas accepter l'hérédité d'après le droit civil, l'institution n'étant pas valable, cependant le préteur venait à son secours et lui donnait la possession de biens; mais aujourd'hui cet individu peut être valablement institué héritier, il n'est plus considéré comme inconnu par le droit civil.

La possession de biens est quelquefois promise, non pour corriger ou combattre le droit civil, mais bien pour le confirmer; "car on la donne à ceux qui sont institués dans des testaments régulièrement faits; on appelle également à la possession de biens les héritiers siens et les agnats du reste, l'hérédité civile appartient à ces personnes, même en laissant de côté cette possession de biens.

Ainsi, on peut être héritier tout à la fois d'après le droit civil et le droit prétorien; l'hypothèse inverse est également vraie, il est possible qu'on vienne à la succession seulement en vertu de l'édit.

§ 2. Quos autem prætor solus vocat ad hereditatem, heredes quidem ipso jure non fiunt. Nam prætor heredem facere non potest: per legem enim tantum, vel similem juris constitutionem heredes fiunt, veluti per senatusconsultum et constitutiones principales; sed cum eis prætor dat bonorum possessionem, loco heredum constituuntur, et vocantur bonorum possessores. Adhuc autem et alios complures gradus prætor fecit in bonorum possessionibus dandis, dum id agebat, ne quis sine successore moriatur: nam angustissimis finibus constitutum per legem duodecim Tabularum jus percipiendarum hereditatum prætor ex bono et æquo dilatavit.

Ceux que le préteur appelle seul à la succession ne sont pas héritiers d'après le droit civil; car le préteur ne peut pas faire un héritier; cela ne peut être accompli que par la loi ou par un acte de même nature, comme un sénatus-consulte ou des constitutions impériales; mais comme le préteur leur donne la possession des biens, ils sont considé rés comme héritiers, et on les appelle bonorum possessores. Du reste, le préteur a établi plusieurs degrés dans les possessions de biens qu'il veut donner, car il les a créées pour empêcher qu'on ne mourût sans successeur, et pour étendre, conformément à l'équité, les limites trop resserrées fixées, par la loi des douze Tables, à l'attribution des successions.

Pour bien comprendre la matière des bonorum possessiones, il faut se rappeler l'organisation des deux premiers systèmes de la procéComment dure romaine, à l'époque des actions de la loi et du système formuarrivaà faire laire, sous lesquels on ne pouvait pas agir en justice sans obtenir du préteur, autrefois, la nomination d'un judex, et plus tard la rédaction d'une formule. Le droit honoraire, après avoir pris divers biais, en vint à déclarer franchement qu'il donnerait la succession à telles catégories de personnes et qu'il la refuserait à telles autres; alors

Successeurs.

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