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silencieusement compilées dans des recueils d'un grand mérite d'ailleurs, passent à la postérité sans un mot de commentaire ou d'explication. Dans bien des cas néanmoins, une étude approfondie des motifs de ces arrêts ne pourrait qu'en augmenter le poids et l'autorité, tandis que dans d'autres, une critique calme et impartiale, pourrait quelquefois détruire l'influence de certaines erreurs ornées du prestige de la chose jugée.

Combattre sans hésitation les erreurs et les faux principes, qui se rencontrent dans la législation ou la jurisprudence, et tenter de donner toujours le dernier mot au droit à la logique et à la raison, tel est le programme que s'imposent les fondateurs de cette Revue.

Nous comprenons les difficultés et la responsabilité de cette tâche; appelés par état à participer à l'administration de la justice, nous savons qu'elle ne doit pas être dépouillée de ce prestige qui fait sa force et son autorité morale. Et même s'il nous était permis de dire, suivant la fière expression d'un avocat francais, qu'au droit d'être assis au Barreau, nous préférons l'honneur d'y être debout, nous n'aurions encore jamais le sot orgueil de ne pas garder toujours envers la magistrature du pays ce respect qu'elle mérite à un si haut dégré.

Mais passionnés pour le progrès et l'avancement de la profession à laquelle nous nous honorons d'appartenir, il nous a paru impossible de laisser inexploré, le vaste champ d'études et de recherches qu'offre, à tout esprit sérieux et observateur, l'immense travail

de législation et de codification qui s'est fait, depuis quelques années, dans notre Province; les nombreuses questions que fait naitre tous les jours l'augmentation constante des rapports de nos nationaux avec les habitants des pays étrangers; les circonstances politiques nouvelles où se trouve notre pays luimême; enfin ces mille et une nécessités de la víe sociale et politique d'un peuple qui progresse et qui tend à perfectionner de plus en plus ses institutions.

A mesure que notre horizon politique s'est agrandi, les questions soumises à nos parlements et à nos tribunaux se sont élevées, et les intérêts publics et privés ont pris des proportions plus considérables. Depuis quelques années, nombre de questions de droit international public et privé ont été débattues devant nos Cours, et notre nouveau régime politique vient d'y amener tout a coup les questions constitutionnelles.

Il y a donc là une situation nouvelle, imposant au Barreau de ce pays des devoirs nouveaux, pour lui faire atteindre dans notre société cette position. élevée qu'il occupe dans tous les pays du monde civilisé. Déjà, grâce à l'émulation produite par l'encombrement de la profession, la connaissance du droit est devenue plus générale, et si le Barreau et la magistrature de notre pays s'énorgueillissent avec raison des hommes illustres qui en ont fait autrefois la gloire, les circonstances, qui font les hommes, rendront peut-être le présent digne d'un aussi glorieux passé. Ce sera donc pour nous un devoir de travailler sans relâche, à assurer à notre profession,

ces conquêtes incessantes de l'étude et de la science. qui ont toujours fait le prestige du Barreau dans le monde entier. Le concours de plusieurs de nos confrères, qui ont bien voulu nous promettre leur collaboration, nous fait espérer que cette tâche ne sera pas au-dessus de nos forces.

WM. H. KERR.

L. A. JETTÉ.

D. GIROUARD.

JOHN A. PERKINS, JR.

H. F. RAINVILLE.

REVUE CRITIQUE

DE

Legislation et de Jurisprudence.

OPINION IMPARTIALE SUR LA QUESTION DE L'ALABAMA ET SUR LA MANIÈRE DE LA RÉSOUDRE.*

PAR LE DR. J. C. BLUNTSCHLI,

Professeur à l'Université de Heidelberg.

1.-OBSERVATIONS PRELIMINAIRES.

A plusieurs reprises et de divers côtés j'ai été invité à formuler une opinion impartiale sur le différend Anglo-Américain connu sous le nom de question de l'Alabama. J'ai longtemps hésité à donner suite à cette demande, partie à cause de la difficulté de la tâche et de l'insuffisance de mes renseignements, partie dans la crainte de ne pouvoir répondre complétement à l'attente de mes amis. Si je me hasarde enfin à dire publiquement ma manière de voir, je n'ai en aucune façon la prétention de prononcer un jugement décisif. Tout ce que je souhaite, c'est de contribuer à éclairer l'opinion publique, et je serais heureux si l'avis que je me propose d'émettre pouvait hâter, dans une certaine meśure, la solution pacifique du différend.

Sans doute la crainte de voir la question de l'Alabama devenir une cause de guerre entre les deux puissances a depuis longtemps disparu. Nous sommes loin de ces temps, où toute contestation non résolue entre États avait la guerre pour conséquence inévitable. Les peuples modernes commencent par examiner și la

L'importance actuelle de cet article nous a engagé à le reproduire de la Revue de Droit International et de Législation comparée, vol. 2, pp. 452-485.

VOL. I.

No. 1.

guerre est un moyen proportionné au droit qu'ils entendent maintenir, et ils s'abstiennent de ce périlleux remède, du moment où ils acquièrent la conviction qu'il leur sera beaucoup plus facile de supporter, pour un temps encore, la suspension du droit en litige, que de se soumettre immédiatement aux sacrifices et aux maux inséparables de la guerre. Néanmoins la persistance de ce différend ne constitue pas seulement un danger permanent pour les deux nations, à cause de la possibilité que, d'autres dissentiments venant à surgir, elles ne finissent malgré tout par en appeler aux armes. Elle est encore une menace permanente pour le monde civilisé tout entier, et particulièrement pour le commerce de tous les peuples. Car leur sécurité en temps de guerre est intéressée à ce que la question de l'Alabama reçoive une juste solution.

Les États-Unis ont l'habitude de demeurer neutres dans les guerres Européennes. Mais supposons que, la question de l'Alabama étant encore en suspens, une guerre éclate entre l'Angleterre et la Russie. La navigation et le commerce maritime de l'Angleterre ne seraient-ils pas très sérieusement menacés dans leurs intérêts, si les États-Unis, tout en restant neutres, permettaient aux Russes d'équiper en Amérique des corsaires dans le genre de l'Alabama, et d'en infester les mers? Si en général les États neutres ne sont pas obligés d'empêcher sérieusement l'armement de corsaires dans leurs ports, est-ce que dès-lors toutes les nations qui participent au commerce maritime ne courent pas le même danger, aussitôt que leurs ennemis réussisent à exciter, par l'appât du gain, des constructeurs neutres à équiper des corsaires?

La tendance générale du droit des gens moderne est de protéger et de garantir autant que possible, même en temps de guerre, la propriété et l'activité privées. Il n'est donc nullement indif férent de savoir, comment on envisage les dommages considérables que le commerce maritime Américain a éprouvés pendant la guerre civile d'Amérique. La solution de la question de l'Alabama aura pour effet, soit de consacrer énergiquement, soit d'infirmer notablement cette garantie du droit privé.

2.-RECONNAISSANCE DE LA CONFÉDÉRATION DU SUD COMME PUISSANCE BELLIGERANTE.

Lorsque le sénateur Sumner du Massachusetts prononça, le 13 Février, 1869, au Sénat de Washington, le discours qui décida

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