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gyrique fait qu'on a peine à en soutenir une lecture entière et suivie, au lieu que la harangue de Cicéron la plus longue est celle qui paraît la plus belle et qui fait le plus de plaisir. Il faut ajouter que le style de Pline se sent un peu du goût d'antithèses, de pensées coupées, de tours recherchés, qui dominait de son temps. Il ne s'y livrait pas, mais il était obligé de s'y prêter. Le même goût règne dans ses lettres : mais il y est moins choquant, parce que ce sont toutes pièces détachées, où cette sorte de style ne déplaît pas : je crois pourtant qu'elles doivent être mises aussi beaucoup audessous de celles de Cicéron. Mais, tout bien pesé, tout bien examiné, et les lettres de Pline et son panégyrique méritent l'estime et l'approbation que tous les siècles leur ont accordées. J'ajouterai que son traducteur doit la partager avec lui.

Anciens panégyriques.

Nous avons un recueil de harangues latines, intitulé Panegyrici veteres, qui renferme le panégyrique de plusieurs empereurs romains: celui de Pline est à la tête; il est suivi de onze autres pièces du même genre. Ce recueil, outre qu'il contient beaucoup de faits qui ne se trouvent point ailleurs, peut être fort utile pour ceux qui sont chargés de faire des panégyriques. La bonne antiquité ne nous fournit point de modèles de ces sortes de discours, excepté la harangue de Cicéron pour la loi Manilia, et quelques endroits de ses autres harangues, qui sont des chefs-d'œuvre achevés dans le genre démonstratif. Il ne faut pas s'attendre à trouver la même beauté ni la même délicatesse dans les pané23

Tome XI. Hist. anc.

gyriques dont je parle. L'éloignement du siècle d'Auguste avait fait déchoir beaucoup l'éloquence, qui n'avait plus cette ancienne pureté de langage, cette finesse d'expression, cette sobriété d'ornements, cet air simple et naïf, relevé, quand il le fallait, par une grandeur et une noblesse de style admirable. Mais on trouve dans ces discours beaucoup d'esprit, de fort belles pensées, de tours heureux, de vives descriptions, et des louanges très-solides.

Pour en donner quelque idée, je me contenterai d'en transcrire ici deux endroits en latin seulement. Ils sont tirés du panégyrique prononcé par Nazaire en l'honAN.J.C.321. neur du grand Constantin, le jour de la naissance des deux Césars ses fils. Saint Jérôme parle de ce Nazaire comme d'un célèbre orateur; et il dit qu'il avait une fille aussi estimée que lui pour l'éloquence.

Premier endroit.

Nazaire parle ici des deux Césars.

"

Nobilissimorum Cæsarum laudes exsequi velle, studium quidem dulce, sed non et cura mediocris est; quorum in annis pubescentibus non erupturæ virtutis tumens germen, non flos præcursor indolis bonæ lætior quàm uberior apparet; sed jam facta grandifera, et contra rationem ætatis maximorumque fructuum matura perceptio. Quorum alter jam obterendis hostibus gravis terrorem paternum, quo semper barbaria omnis intremuit, derivare ad nomen suum cœpit : alter jam consulatum, jam venerationem suî, jam patrem sentiens, si quid intactum aut parens aut frater reservet, declarat mox victorem futurum, qui animo jam vincit ætatem. Rapitur quippè

ad similitudinem suorum excellens quæque natura, nec sensim ac lentè indicium promit boni, quum involucra infantiæ vividum rumpit ingenium. »

Second endroit.

Nazaire loue dans Constantin une vertu bien rare dans les princes, mais bien estimable: c'est la continence. Il y ajoute aussi quelques autres louanges.

« Jam illa vix audeo de tanto principe commemoraré, quòd nullam matronarum cui forma emendatior fuerit boni sui piguit; quum sub abstinentissimo imperatore species luculenta, non incitatrix licentiæ esset, sed pudoris ornatrix. Quæ sine dubio magna, seu potiùs divina laudatio, sæpè et in ipsis etiam philosophis, non tam re exhibita, quàm disputatione jactata. Sed remittamus hoc principi nostro, qui ita temperantiam ingenerare omnibus cupit, ut eam non ad virtutum suarum decus adscribendam, sed ad naturæ ipsius honestatem referendam arbitretur. Quid faciles aditus? quid aures patientissimas? quid benigna responsa? quid vultum ipsum augusti decoris gravitate, hilaritate permixta, venerandum quid dam et amabile renidentem, quis dignè exsequi possit?»

Peut-on rien de plus solide que cette pensée? Nulle dame, quelque belle qu'elle ait été, n'a eu lieu de s'en repentir: parce que, sous un prince aussi sage que Constantin, la beauté n'est point un attrait à la licence, mais un ornement à la pudeur. Et pouvaitelle être mieux exprimée? quum sub abstinentissimo imperatore species luculenta, non incitatrix licentiæ esset, sed pudoris ornatrix.

LIVRE VINGT-HUITIÈME.

DES SCIENCES SUPÉRIEURES.

OUS

Nous voici arrivés à ce qu'il y a de plus grand et de plus élevé dans l'ordre des connaissances naturelles; j'entends la philosophie et les mathématiques, qui en sont une branche, qui ont sous elles un grand nombre d'arts et de sciences qui en dépendent ou qui y ont rap port, et dont l'étude demande, pour y réussir, de la force et de l'étendue d'esprit, et perfectionne à son tour ces qualités naturelles. On conçoit bien que des matières si variées, si étendues, si importantes, ne peuvent être traitées ici que très - superficiellement. Je ne prétends pas même les embrasser toutes, ni en faire un détail exact. J'en cueillerai la fleur, pour ainsi dire, et je m'arrêterai à ce qui me paraîtra le plus propre à satisfaire, ou plutôt à exciter la curiosité des lecteurs peu éclairés sur ces matières, et à leur donner une légère idée de l'histoire des grands hommes qui se sont distingués dans ces sciences, et des progrès qu'elles ont pu faire en passant des anciens aux modernes ; car il n'en est pas ici comme des belles-lettres, où certainement, pour ne rien dire de plus, les siècles postérieurs n'ont rien ajouté aux productions d'Athènes et de

Rome.

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Toutes les sciences dont je dois ici parler peuvent se diviser en deux parties, qui sont la philosophie et les mathématiques. La philosophie fera la matière de ce vingt-huitième livre; et les mathématiques celle du suivant, qui sera le dernier.

DE LA PHILOSOPHIE.

La philosophie est l'étude de la nature et de la morale fondée sur le raisonnement. Cette science fut d'abord appelée sagesse, copía; et ceux qui en faisaient profession, sages, copoí. Ces noms parurent trop fastueux à Pythagore, et il leur en substitua de plus modestes, appelant cette science philosophie, c'est-à-dire amour de la sagesse; et ceux qui l'enseignaient ou qui s'y appliquaient, philosophes, c'est-àdire amateurs de la sagesse.

Presque dans tous les temps et dans toutes les nations policées, il y a eu des hommes studieux et d'un esprit élevé qui ont cultivé cette science avec un grand soin : les prêtres en Égypte, les mages dans la Perse, les Chaldéens à Babylone, les brachmanes ou gymnosophistes chez les Indiens, les druides chez les Gaulois. Quoique la philosophie doive son origine à plusieurs de ceux que je viens de nommer, je ne la considérerai ici qu'autant qu'elle a paru dans la Grèce, qui lui a donné un nouvel éclat, et qui en est devenue comme l'école générale. Ce ne sont pas seulement quelques

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