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Les regles de l'imitation, sortant nécessairement de l'objet imité; il y a eu les mêmes regles, et pour les Auteurs sacrés et pour les profanes. Le genre lyrique veut être grand, riche, sublime, hardi: il demande des tours singuliers, des élans, des traits de feu, des écarts. Il ne veut point d'ordre sensible: il évite les détails trop analysés, les généralités sientifiques, les subtilités : il lui faut des objets qu'on voie, qu'on tou che, qui se remuent. Voilà les regles. Les Sacrés et les Profanes ont dû s'y conformer, pour nous plaire et ils s'y sont conformés effectivement. Toute la différence qu'il y a entr'eux, c'est que les profanes sont restés dans la sphere de l'humanité; au lieu que David prenant un essor surnaturel, a été jusques dans le sein de la Divinité prendre ses sujets et la force qui lui étoit nécessaire pour les traiter dignement.

Après cela, n'est-il pas un peu singulier qu'on croie ne pouvoir trouver des modeles du beau que dans les profanes? Cela pourroit être juste, si on faisoit consister le beau dans l'artifice seul de l'élocution. Mais s'il consiste principalement dans le vrai, dans le grand et le décent, où peut-on le trouver mieux que dans l'Ecriture sainte? Nous pou

vons nous occuper des mots; mais nous en tenir là, c'est imiter ceux qui s'occupent de la parure, et qui ne pensent point à la personne.

CHAPITRE X.

De l'Elégie.

VERSIBUS impariter junctis quærimonia primùm:

Post etiam inclusa est voti sententia compos.

"La plainte fut renfermée d'abord » dans les distiques élégiaques ensuite on y fit entrer la joie des succès. " Puisque, selon Horace, et selon l'idée qu'en a tout le monde, l'Elégie est consacrée aux mouvemens du cœur ; nous plaçons ici comme une dépendance de l'Ode le peu que nous avons à en dire

Ces deux especes de Poésie ont la même matiere; avec cette seule différence que l'Ode embrasse les sentimens. de toutes les especes et de tous les degrés, et que l'Elégie se borne aux sentimens doux de tristesse ou de joie.

Je ne sais même si la joie entre dans l'idée de l'Elégie, telle que nous l'avons aujourd'hui. Si on s'avisoit de nous dire que quelqu'un auroit fait ane Elégié súr

ses heureux succès, l'expression nous paroîtroit au moins singuliere.

Il n'en étoit pas de même chez les Latins; parce que chez eux le nom d'Elégie tenoit à la forme du poëme aussi-bien qu'au fond des choses. Ils appeloient poëme élégiaque celui qui étoit en vers hexametres et pentametres entrelacés. Chez nous, comme il n'y a point de forme particuliere pour ce genre de poésie, on ne le distingue gueres que par la nature même du sentiment qui y est exprimé.

Peut-être qu'en cela nous avons mieux fait que les Latins. Pour que leurs vers eussent toute la grace qui leur convient, il falloit que le sens se terminât avec le distique, c'est-à-dire, au bout de deux vers: ce qui s'accorde assez mal avec la douleur, qui n'est rien moins que symétrique. L'Elégie doit avoir les cheveux épars: elle doit être négligée, en habit de deuil, triste; elle gémit, et se plaint à-peu-près comme Phedre dans Racine.

Que ces vains ornemens, que ces voiles me pesent ! Quelle importune main, en formant tous ces nœuds, A pris soin sur mon front d'assembler mes cheveux! Tout m'afflige et me nuit.

Voilà le vrai ton et la marche rompue de l'Elégie,

Il ne nous reste des Elégies grecques que celle qui est dans l'Androma que d'Euripide. Mais nous avons encore celle de Tibulle, de Properce et d'Ovide, qui ont été célebres dans ce genre chez les Latins. Tibulle est naturel doux, élégant. Properce est plus ferme. il est même un peu dur, parce qu'il est trop érudit. Pour ce qui est d'Ovide, on sait que son défaut est d'avoir trop d'esprit, et d'en supposer trop peu à son lecteur. Il dit tout ce qu'on peut dire, et par cette raison il en dit trop.

Il est assez difficile de trouver parmi nous de bonnes Elégies. Elles sont la plupart ou fades et langoureuses, ou trop assaisonnées. Heureusement que ce genre n'est pas fort important pour former le goût des jeunes gens.

On peut rapporter à l'Elégie plusieurs des Eglogues que nous avons citées dans le volume précédent, comme le Tombean d'Adonis de Bion, la mort de Daphnis de Virgile; l'Iris de Madame Deshoulieres, et plusieurs des Odes qui se trouvent même dans ce Traité, surtout celle d'Horace sur la mort de Quintilius, et celle de Malherbe à Du Perrier.

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DE LA POÉSIE DIDACTIQUE. Nous comprendrons dans ce Traité la Satyre et l'Epître en vers, qui contiennent ordinairement des leçons de vertu, de moeurs, de goût et qui sont par cette raison, comme le Poëme Didactique, la vérité, et non la fiction, mise en vers.

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