Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]
[blocks in formation]

DE HEREDITATIBUS QUE AB INTESTATO DES HÉRÉDITÉS QUI SONT DÉFÉRÉES AB
DEFERUNTUR.

INTESTAT.

Nous savons en principe général que, dans le droit romain, il ne pouvait jamais y avoir à la fois hérédité testamentaire et hérédité réglée par la loi. Cette dernière hérédité ne pouvait exister qu'à défaut de l'autre; par conséquent lorsque le défunt était mort absolument intestat.

Dans quel cas mourait-on intestat?

A quelle époque s'ouvrait la succession ab intestat?

A quelle époque devaient être considérés la capacité, la qualité et le degré des héritiers ab intestat?

Voilà trois questions préliminaires qui s'appliquent à tous les ordres d'hérédités ab intestat, et sur lesquelles il faut, avant tout, donner les règles du droit romain.

Intestatus decedit, qui aut omnino testamentum non fecit, aut non jure fecit; aut id quod fecerat, ruptum irritumve factum est, aut nemo ex eo heres extitit.

Celui-là meurt intestat qui n'a fait absolument aucun testament, ou aucun de valable, ou dont le testament a été rompu, inutile, ou n'a produit aucun héritier. 2

La circonstance que quelqu'un meurt intestat, dit Théophile, peut arriver ou en fait ou en droit: en fait, s'il est mort sans avoir laissé aucun testament; en droit, s'il en a laissé un qui n'est pas admis par le droit, soit parce qu'ayant été fait irrégulièrement, ce testament s'est trouvé nul dès le principe, soit parce qu'il a été plus tard rompu par l'agnation ou par la quasiagnation d'un héritier sien, annulé comme inofficieux, rendu inutile par le changement d'état du testateur, en défaillance par suite de l'incapacité, ou abandonné par suite du refus de tous les héritiers institués.

Une seconde règle à observer, c'est que l'hérédité ab intestat ne s'ouvre pas dès la mort du défunt, mais seulement du moment. qu'il est certain qu'il n'y a pas d'hérédité testamentaire: « Eo tem

pore quærendum est quo certum est aliquem sine testamento decessisse » (1). Si donc le défunt n'a fait aucun testament, ou si son testament était nul dès le principe, ou s'il s'est trouvé rompu, inutile, ou infirmé d'une manière quelconque avant son décès, dans tous ces cas, l'hérédité ab intestat s'ouvrira au moment même du décès, parce que, dès ce moment, il y a certitude qu'il n'existera pas d'hérédité testamentaire. Mais si le testament, valable encore au jour du décès, ne s'est trouvé annulé, en défaillance ou abandonné que plus tard, par exemple, pour cause d'officiosité, d'incapacité postérieure des héritiers ou de répudiation, dans tous ces cas, l'hérédité ab intestat ne s'ouvrira que du jour que ces évènements ayant eu lieu, il sera devenu certain qu'il n'y aura aucun héritier en vertu du testament (quo certum esse cœperit nullum ex testamento heredem extiturum) (2).

Une troisième règle, qui n'est que la conséquence de la précédente, c'est que, pour déterminer quels sont les héritiers appelés ab intestat, il faut considérer leur existence, leur capacité, leur qualité et leur degré, non pas au jour de la mort du défunt, mais au jour de l'ouverture de sa succession ab intestat, ouverture qui peut avoir lieu, comme nous venons de le voir, longtemps après le décès. D'où il suit qu'il peut arriver que telles personnes, qui étaient les plus proches prétendants ab intestat au jour du décès, ne soient pas les héritiers au jour de l'ouverture, si, dans l'intervalle, elles sont mortes ou devenues incapables; et qu'à l'inverse, les héritiers ab intestat au jour de l'ouverture soient des parents qui n'étaient pas appelés par leur rang au jour du décès (3).

Mais s'il n'est pas nécessaire dans ce cas que les héritiers ab intestat fussent les plus proches en degré au jour de la mort du défunt, il est toujours indispensable qu'ils fussent déjà nés ou au moins conçus à cette époque. Car s'ils n'ont été conçus qu'après la mort du défunt, ils ne se sont jamais rencontrés avec lui dans cette vie, ils n'ont jamais pu se rattacher à lui sur cette terre par aucun lien, puisque l'un n'y existait déjà plus, quand l'autre a commencé d'y vivre : en conséquence, ils ne peuvent avoir aucun droit à sa succession ab intestat, quand même ils se trouveraient en premier rang au moment de l'ouverture de cette succession (4).

Ces règles préliminaires posées, nous arrivons à l'ordre des héritiers ab intestat. Là-dessus, nous aurons à examiner avec le texte quatre systèmes successifs qui se modifient progressivement la législation des Douze-Tables, le droit prétorien, les constitutions impériales antérieures à Justinien, enfin celles de Justinien.

(1) Voy. ci-dessous, § 7. (2) Voy. ci-dessous, tit. 2. § 6. (3) Voy. ci-dessous, tit. 2. § 6. — (4) Nous verrons l'application de ce principe, ci-dessous, § 8.

I. Intestatorum autem hereditates ex lege Duodecim-Tabularum primum ad suos heredes pertinent.

1. L'hérédité des intestat, d'après la loi des Douze-Tables, appartient d'abord aux héritiers siens.

La loi des Douze-Tables établissait deux ordres d'héritiers: 1° les héritiers siens; 2° les agnats. On ne passait au second ordre qu'à défaut du premier, Dans certains cas et pour certaines personnes, il y avait, après les agnats, un troisième ordre, celui des gentils. «Intestatorum hereditas, dit Paul dans ses Sentences, « lege Duodecim-Tabularum primum suis heredibus, deinde adgnatis, et aliquando quoque gentibus deferebatur » (1). Nous avons, dans notre Histoire de la législation romaine, rapporté là-dessus le texte des Douze-Tables, tel qu'il nous est resté d'après Ulpien (p. 86).

"

Nous examinerons successivement chacun de ces ordres en commençant par celui des héritiers siens.

A leur égard, nous aurons à voir quelles personnes étaient appelées dans cet ordre: 1° d'après la loi des Douze-Tables; 2° d'après le droit prétorien; 3° d'après les constitutions impériales antérieures à Justinien; 4° d'après celles de Justinien.

Héritiers siens d'après la loi des Douze-Tables.

II. Sui autem heredes existimantur, ut supra diximus, qui in potestate morientis fuerint: veluti filius, filia, nepos neptisve ex filio, pronepos proneptisve ex nepote, ex filio nato prognatus prognatave. Nec interest utrum naturales sint liberi an adoptivi. Quibus connumerari necesse est etiam eos qui ex legitimis quidem matrimoniis non sunt progeniti, curiis tamen civitatum dati, secundum divalium constitutionum quæ super his positæ sunt tenorem, heredum suorum jura nanciscuntur. Necnon eos quos nostræ amplexæ sunt constitutiones, per quas jussimus, si quis mulierem in suo contubernio copulaverit, non ab initio affectione maritali, eam tamen cum qua poterat habere conjugium, et ex ea liberos sustulerit; postea vero affectione procedente etiam nuptialia instrumenta cum ea fecerit et filios vel filias habuerit, non solum eos liberos qui post dotem editi sunt, justos et in potestate patris esse, sed etiam anteriores quiet iis qui postea nati sunt, occasionem legitimi nominis præstiterunt. Quod obtinere censuimus, etsi non progeniti fuerint post dotale instrumentum confectum liberi, vel etiam nati ab hac luce

(1) Paul. Sent. 4. 8. 3.

2. Sont héritiers siens, comme nous l'avons déjà dit, ceux qui, à la mort du défunt, étaient en så puissance: tels que le fils, la fille, le petit-fils ou la petitefille issus d'un fils; l'arrière-petit-fils ou l'arrière-petite-fille nés d'un petit-fils issu lui-même d'un fils: enfants naturels ou adoptifs, peu importe. Parmi eux doivent aussi compter ceux qui ne sont pas nés de justes noces, mais qui, par leur dation aux curies des cités, selon la teneur des constitutions impériales, acquièrent les droits d'héritiers siens, comme aussi ceux auxquels se rapportent les constitutions par lesquelles nous avons ordonné que, si quelqu'un ayant vécu avec une femme, sans intention de mariage dans le principe, mais telle cependant qu'il aurait pu l'épouser, et si, en ayant eu des enfants, plus tard l'intention de mariage survenant,il dresse avec elle les actes nuptiaux, et qu'il en ait des fils ou des filles, non-seulement il aura comme enfants légitimes en sa puissance paternelle les enfants nés depuis la constitution de dot, mais encore les précédents, qui ont fourni aux puînés l'occasion de leur légitimité. Ce qui doit avoir lieu même quand il ne serait né aucun en

fuerint subtracti. Ita demum tamen nepos neptisve, pronepos proneptisve, suorum heredum numero sunt, præcedens persona desierit in potestate parentis esse, sive morte id acciderit, sive alia ratione, veluti emancipatione. Nam si per id tempus quo quis moreretur, filius in potestate ejus sit, nepos ex eo suus heres esse non potest. Idque et in ceteris deinceps liberorum personis dictum intelligimus. Postumi quoque qui, si vivo parente nati essent, in potestate ejus futuri forent, sui heredes

sunt.

fant après la confection de l'acte dotal, ou que ceux nés depuis seraient tous prédécédés. Toutefois, les petits-fils ou petites-filles, arrière-petits-fils ou arrière-petites-filles, ne sont au nombre des héritiers que dans le cas où la personne qui les précède a cessé d'être sous la puissance de l'ascendant, soit par dé- ` cès, soit par toute autre cause; par exemple, par émancipation. Car si, à la mort d'un citoyen, son fils est encore sous sa puissance, le petit-fils né de ce fils ne peut être héritier sien; et ainsi de suite pour les autres descendants. Les posthumes qui, s'ils étaient nés du vivant de l'ascendant, seraient nés sous sa puissance, sont également héritiers siens.

L'intelligence de ce paragraphe doit nous être claire, d'après ce que nous avons dit précédemment sur la puissance paternelle (t. 1, p. 193), sur les héritiers siens (t. 1, p. 616), et sur les posthumes (t. 1, p. 253 et 555). Ainsi, que la puissance paternelle provienne des justes noces, de l'adoption, ou de la légitimation par oblation à la curie ou par mariage subséquent, peu importe, les enfants soumis à cette puissance au moment du décès, et les premiers en rang, sont héritiers siens du défunt.

III. Sui autem etiam heredes ignorantes fiunt, et licet furiosi sint heredes possunt existere: quia quibus ex causis ignorantibus nobis adquiritur, ex his causis et furiosis adquiri potest, et statim a morte parentis quasi continuatur dominium. Et ideo nec tutoris auctoritate opus est pupillis, cum etiam ignorantibus adquiratur suis heredibus hereditas, nec curatoris consensu adquiritur furioso, sed ipso jure.

3. Les héritiers siens deviennent héritiers même à leur insu, et encore qu'ils soient fous; parce que toutes les causes qui nous font acquérir à notre insu font aussi acquérir aux fous, et parce que, le père mort, il y a en quelque sorte continuation immédiate du domaine. D'où il suit qu'il n'est besoin ni aux pupilles de l'autorisation du tuteur, ni au fou du consentement du curateur pour l'acquisition de l'hérédité, qui a lieu à leur insu et de plein droit.

Cette règle nous est déjà connue (t. 1, p. 616 et suiv.). Il faut appliquer ici tout ce que nous avons déjà dit sur l'immixtion et l'abstention des héritiers siens.

IV. Interdum autem, licet in potestate mortis tempore suus heres non fuerit, tamen suus heres parenti efficitur: veluti si ab hostibus reversus quis fuerit post mortem patris. Jus enim postliminii hoc facit.

4. Quelquefois le fils, bien qu'il ne fût pas sous la puissance du père au moment de sa mort, lui devient cependant héritier sien; par exemple, celui qui revient de chez l'ennemi après la mort du père; car tel est l'effet du postliminium.

Nous savons que les droits du captif étaient simplement en suspens, mais non rompus, et que, par l'effet du postliminium, la suspension se résolvant, les droits se trouvaient rétablis dans leur intégrité (t. 1, p. 241).

« PreviousContinue »