Page images
PDF
EPUB

Toutes les autres conservent le nom générique de conventions ou pactes (pacta), à un tel point que, bien que quelques-unes aient été rendues obligatoires et munies d'action, soit par un droit civil plus récent, celui des empereurs, soit par le droit prétorien, elles n'en sont pas moins restées hors de la dénomination de contrats proprements dits, et dans la classe générale des pactes ou conventions. En principe rigoureux et selon le strict droit civil, les pactes ne produisent pas d'obligation. Cependant plusieurs circonstances, comme nous le verrons, peuvent modifier cette rigueur et donnent aux pactes divers effets juridiques.

Occupons-nous d'abord des contrats. Le texte, en exposant successivement ceux qui se forment re, verbis, litteris, et consensu, a suivi précisément, en son ordre d'exposition, l'ordre historique dans lequel, selon toute probabilité, ils ont été admis par le droit civil.

TITULUS XIV.

QUIBUS MODIS RE CONTRAHITUR

OBLIGATIO.

TITRE XIV.

DE QUELLE MANIÈRE LES OBLIGATIONS SE
CONTRACTENT PAR LA CHOSE.

Dans le sens le plus général, on dit qu'une obligation est formée re, par la chose, lorsqu'elle est la conséquence d'un fait matériellement accompli, duquel il résulte qu'une des parties a entre ses mains le bien de l'autre, ou s'est enrichie du bien de l'autre, ou a causé, par sa faute, préjudice à l'autre. Dans ce sens, on dit que dans les délits l'obligation est formée re (1); on en peut dire autant dans les cas d'obligations nées quasi ex contractu, ou quasi ex delicto (2). C'est la source générale la plus abondante des obligations.

:

Mais, ne nous occupant que des contrats, qui font en ce moment l'objet exclusif du texte, nous ferons remarquer qu'il y en a quatre dont la nature est telle, que bien qu'il y ait accord, concours de volonté entre les parties, l'obligation principale, essentielle, qui les caractérise, ne peut naître qu'autant qu'il y a eu livraison, prestation de la chose. Ce sont le mutuum, que nous nommons aujourd'hui prêt de consommation; le commodatum nommé par nous prêt à usage; le dépôt (depositum); et le gage (pignus). Et le motif en est tout simple et irrésistible : c'est que, dans ces contrats, l'obligation essentielle et caractéristique est celle de rendre: or il ne peut être question de rendre qu'autant qu'on a préalablement reçu. Ce n'est pas en droit romain seulement, c'est en toute législation que ces contrats n'existeront jamais que par la chose (re). On les qualifie dans notre langue, mais non dans celle du Droit romain, de contrats réels. Au temps antique du droit civil des Romains, lorsque les

[ocr errors]

(1) Dig. 44. 7. 4. f. Gaï. dessons, 1 de notre titre même.

- Inst. 4. 1. pr. -

(2) Dig. 44. 7. 46. f. Paul. - Et ci

obligations se contractaient nexu, par la pièce d'airain et par la balance (per æs et libram), ces contrats ne se formaient pas seulement par la simple tradition de la chose; la solennité symbolique devait s'accomplir. Ainsi nous savons que, dans le mutuum (selon l'expression ancienne as creditum), bien qu'il s'agit de choses nec mancipi, la balance et l'airain intervenaient, soit pour un pesage réel, soit comme symbole des temps où la monnaie n'existant pas, le métal se mesurait au poids (1); et c'est ce nexum, ce pesage du métal donné en prêt, qui a été le type primitif particulier d'où sont dérivées les autres formes de s'obliger par paroles ou par écrit. Nous savons que dans le depositum et dans le pignus, bien qu'il ne s'agit réellement pas de transférer le domaine romain, cependant l'œs et libra, la mancipatio intervenaient aussi (2). Mais, avec le temps, le consentement et la simple tradition ou prestation des choses suffirent pour former ces

contrats.

L'expression de credere (croire, confier) était, comme nous l'avons déjà dit, générale, et s'étendait à tous les cas où l'on traitait avec autrui, se fiant à sa foi pour recevoir plus tard quelque chose de lui en vertu de ce contrat. Cependant on l'appliquait plus spécialement aux quatre contrats dont il s'agit ici, qui présentent plus nettement ce caractère de confiance; aussi le Préteur, sous le titre de rebus creditis, traitait-il, dans son Édit, du mutuum, du commodat et du gage. Mais plus particulièrement encore l'expression de res credita était employée pour le cas de mutuum (3).

Re contrahitur obligatio, veluti mutui datione. Mutui autem datio in iis rebus consistit quæ pondere, numero mensurave constant, veluti vino, oleo, frumento, pecunia numerata, ære, argento, auro; quas res aut numerando, aut metiendo, aut adpendendo in hoc damus ut accipientium fiant. Et quandoque nobis non eædem res, sed aliæ ejusdem naturæ et qualitatis redduntur: unde etiam mutuum appellatum est, quia ita ame tibi datur, ut ex meo tuum fiat. Et ex eo contractu nascitur actio quæ vocatur condictio.

L'obligation se contracte par la chose, re, par exemple, par la dation d'un mutuum. Cette dation ne s'applique qu'aux choses qui se pèsent, se nombrent ou se mesurent, comme le vin, l'huile, le froment, l'argent monnayé, l'airain, l'argent, l'or: en donnant ces choses au nombre, à la mesure ou au poids, c'est pour qu'elles deviennent la propriété de ceux qui les reçoivent; de telle sorte qu'ils doivent nous rendre, non les mêmes choses, mais des choses de même nature et de même qualité. D'où le nom de mutuum, parce que ce que je te donne, de mien devient tien. De ce contrat naît l'action nommée condictio.

(1) Gaï. Comm. 1. § 122. (2) Gaï. Comm. 2. § 60. Voir aussi VARRO, De ling. latin. IV.— FESTUS, aux mots Nexum et Nuncupata.- SAINT ISIDORE de Séville, dans ses Livres des origines ou étymologies. v. 25. Fiducia. (3) « Rerum creditarum titulum præmisit (prætor): omnes enim contractus, quos alienam fidem secuti instituimus, complectitur; nam ut lib. 1. Quæstionum Celsus ait, credendi generalis appellatio est. Ideo sub hoc titulo prætor et de commodato et de pignore edixit; nam cuicunque rei adsentiamus, alienam fidem secuti, mox recepturi quid ex hoc contractu, credere dicimur. Rei quoque verbum, ut generale, prætor elegit. (Dig. 12. 1. De rebus creditis. 1. f. Ulp.)— « Creditum ergo a mutuo differt, qua genus a specie; nam creditum existit extra eas res quæ pondere, numero, mensura continentur: sicut, si eandem rem recepturi sumus

Quæ pondere, numero mensurave constant. Nous avons déjà défini, en général, cette classe particulière de choses; d'où l'on a tiré le barbarisme de choses fongibles (fungibiles vel non fungibiles), qui n'appartient ni au droit, ni à la langue des Romains. Nous savons que cette distinction ne revient, en réalité, qu'à celle des choses considérées dans leur genre (in genere), ou dans leur individu (in specie); et que bien qu'il y ait des choses qui, par leur nature physique, se considèrent plutôt de l'une ou de l'autre manière, cependant l'intention des parties peut en décider autrement (Général. du droit rom., p. 58) Dans le mutuum les choses sont toujours appréciées in genere.

ce sera

Ut accipientium fiant. C'est le caractère essentiel du mutuum ; les choses prestées sont transférées en propriété. D'où la conséquence que le presteur doit en être propriétaire, et avoir la faculté d'aliéner (1). Si cette double condition n'a pas lieu, qu'arrivera-t-il done? Les choses prestées ne seront pas aliénées, l'obligation résultant du mutuum ne sera point née l'action réelle, la rei vindicatio qui existera toujours en faveur du propriétaire; sauf l'action personnelle qui naîtra contre celui qui a reçu les choses, par suite de la consommation qu'il en aura faite de bonne ou de mauvaise foi, ainsi que nous l'avons déjà expliqué (t. 1, p. 486) à l'égard des choses données en mutuum par le pupille, sans autorisation du tuteur (2).

Ut ex meo tuum fiat. Cette étymologie, vraie ou fausse, indique le caractère principal du contrat. Varron (De lingua latina, lib. IV) fait dériver mutuum, du mot grec poitov. Dans son acception primitive et propre, mutuum ne désigne pas le contrat, mais bien l'objet presté; quant au contrat, il se nomme mutui datio. Il en est de mème des expressions commodatum, depositum, pignus.

Condictio. L'action qui naît du mutuum est la condictio certi, sur laquelle nous aurons à revenir en traitant des actions. Nous savons, par les notions acquises jusqu'ici, que le mot de condictio est une expression générale pour certaines actions personnelles (in personam), par lesquelles nous soutenons qu'un autre est obligé envers nous à transférer en propriété ou à faire (dare, facere oportere) (3); que la condictio prend le nom de condictio certi, quand elle a pour objet une chose certaine, déterminée; et que la condictio certi s'applique à divers cas: de ce nombre, et par excellence, se trouve le mutuum, puisque le demandeur y soutient que l'emprunteur est obligé de lui transférer en propriété des choses de tel genre, de telle qualité, en tel poids, nombre ou mesure (t. 1, p. 486). Le mutuum n'est donc pas muni

creditum est » (Dig. ib. 2. § 3. f. Paul.). - Verbis quoque credimus, quodam actu ad obligationem comparandam interposito : veluti stipulatione» (Ib. 2. § 5. f. Paul.). (1) Dig. 12. 1. 16. f. Paul. (2) Ib. 19. §1. f. Julian. (3) Gaï. Comm. 4. § 5. Instit. de Justin. 4. 6. §15.- Voir Généralisation du droit romain, p. 110.

d'une action spéciale, qui lui soit exclusivement consacrée ; mais il reçoit l'application d'une action générale, commune à plusieurs autres cas.

Au contrat du mutuum se rattache la disposition du sénatusconsulte MACÉDONIEN, dont nous aurons à parler plus tard (ciaprès, Instit. 4. 7. § 7), par laquelle il fut décidé que quiconque prêterait de l'argent à un fils de famille sans le consentement du chef, n'aurait aucune action pour se le faire rendre.

C'est aussi à ce contrat que se réfère historiquement, non pas d'une manière exclusive, mais par une relation fréquente, cet engagement qui tient une place si marquée dans l'histoire romaine, et qui a été l'occasion de tant de troubles entre les patriciens et les plébéiens, de tant de mesures politiques ou législatives (1) : l'engagement pris par le débiteur de payer des intérêts, On nomme capital (sors, caput) le montant de l'obligation principale; et intérêts (fanus, versura, plus récemment usura), les fractions de ce capital que le débiteur doit en sus, en raison du temps dont le créancier se trouve privé de sa chose. Res ou pecunia fœnebris, c'est le capital produisant intérêts. Cette sorte d'engagement n'a lieu que dans les obligations qui ont pour objet une somme d'argent, ou, quoique plus rarement, des choses quæ numero, pondere vel mensura consistunt (2). Les intérêts étant des fractions déterminées du capital, proportionnellement au temps que dure la dette, consistent toujours en choses de même nature. C'est en quelque sorte le produit périodique (fatus, fœtura) du capital; ainsi nous le dit Festus ; « Fonus... a foetu... quod crediti nummi alios pariant; ut apud Græcos eadem res Tóxos (à la fois enfantement et intérêts) dicitur » (3). Ou, si l'on veut, l'étymologie de l'autre dénomination (usura), c'est le prix de loyer pour l'usage (pro usu) du capital (4). Après diverses vicissitudes et diverses lois ou plébiscites pour restreindre l'intérêt à un taux déterminé, ce taux était déjà fixé, du temps de Cicéron, au maximum nommé centesimæ usuræ. La fraction du capital qui constitue l'intérêt est ici un centième à payer chaque mois, aux calendes; ou, dans notre manière de parler, un pour cent par mois, douze pour cent par an. Ce taux, le plus élevé qui put être pris (maximæ, gravissimæ, legitima usura) se maintint jusqu'à Justinien, qui en établit un nouveau, varié suivant la qualité des personnes et suivant les circonstances (5). Il est dé

"

-

(1)TACIT.Annal. lib. vi. cap. 16.-TIT. LIV. VI. 35 et 39; vii. 27, 16 et 42. —(2) Cod. 4. 32. 23 const. Philipp. (3) FESTUS, au mot Fonus. (4) L'économie politique est parvenue, de nos jours, à faire une analyse plus subtile et une meilleure appréciation de l'intérêt, qui comprend à la fois une prime pour le risque couru par le créancier, et un prix de loyer pour l'usage, ou, plus exactement, pour la disposition du capital laissée au débiteur. (5) Cod. 4. 32. De usuris, 26. § 1. const. Justinian. : «Illustribus quidem personis..... minime licere ultra tertiam partem centesimæ... — Illos vero qui ergasteriis præsunt, vel aliquam licitam negotiationem gerunt, usque ad bessem centesima... In trajectitiis autem contractibus, vel specierum fœnori dationibus usque ad centesimam...

fendu de tirer l'intérêt des intérêts, répétition qui se nomme anatocismus (1).

L'obligation qui naît du mutuum étant formée re, par la chose, et consistant à rendre ce qui a été reçu, il est évident qu'elle ne saurait comprendre les intérêts, qui sont un objet tout nouveau, un accroissement à ce qui a été réellement donné. Si les parties veulent que des intérêts soient dus, il faut donc pour cela un engagement particulier du débiteur, une promesse spéciale sur stipulation (2); et alors ce n'est pas en vertu du mutuum, mais en vertu de cette cause particulière et distincte d'obligation, qu'ils sont dus. C'est ce qu'il importe de bien remarquer. Du reste, même en dehors du mutuum et des stipulations spéciales dont il pourrait être accompagné, et pour quelque motif que l'obligation principale existe, il est diverses circonstances où des intérêts peuvent être dus, soit en vertu de la convention des parties, soit en vertu de clauses testamentaires, ou des dispositions de la loi.

I. Is quoque qui non debitum accepit ab eo qui per errorem solvit, re obligatur, daturque agenti contra eum propter repetitionem condictitia actio. Nam perinde ab eo condici potest SI PARET EUM DARE OPORTERE, ac si mutuum accepisset. Unde pupillus, si ei sine tutoris auctoritate non debitum per errorem datum est, non tenebitur indebiti condictione magis quam mutui datione. Sed hæc species obligationis non videtur ex contractu consistere, cum is qui solvendi animo dat, magis distrahere voluit negotium quam contrahere.

[ocr errors]

1. Celui qui reçoit un payement qui ne lui est pas dû, et qui lui est fait par erreur, est obligé re; on donne contre lui au demandeur en répétition l'action condictitia. En effet, la condiction, s'IL PARAIT qu'il doive donnER, peut être intentée contre lui absolument comme s'il avait reçu un mutuum. Aussi le pupille à qui il a été fait par erreur, sans autorisation du tuteur,un payement non dû, n'est pas plus tenu de la condiction de l'indû qu'il ne le serait par une dation de mutuum. Du reste, l'espèce d'obligation dont il s'agit içi ne paraît point provenir d'un contrat, puisque celui qui donne dans le but de s'acquitter, entend plutôt éteindre que faire naître une obligation.

Cette matière n'appartient pas aux contrats, mais bien aux obligations qui se forment quasi ex contractu, puisqu'il n'y a pas concours de volonté dans le but de contracter obligation: nous remettrons donc à nous en occuper plus tard.

II. Item is cui res aliqua utenda datur, id est commodatur, re obligatur et tenetur commodati actione. Sed is ab eo qui mutuum accepit, longe distat; namque non ita res datur ut ejus fiat, et ob id de ea re ipsa restituenda tenetur. Et is quidem qui mutuum accepit, si quolibet fortuito casu amiserit quod accepit,

2. Celui à qui une chose est remise pour qu'il s'en serve, c'est-à-dire en commodat, est aussi obligé re, et il est tenu de l'action commodati. Mais il diffère grandement de celui qui a reçu un mutuum, car la chose ne lui est pas donnée en propriété; et, par conséquent, il est tenu de la rendre elle-même iden

Ceteros autem (omnes) homines dimidiam tantummodo centesimæ, usurarum (nomine) posse stipulari. »

(1) Cod. 4. 32. De usuris. 28. ·(2) Dig. 19. 5. 24. f. Afric. Sever. et Anton. 22 const. Philipp.

[blocks in formation]
« PreviousContinue »