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Et puisque j'ai parlé des sommes que les censeurs ont fournies pour votre statue, je ne dois pas omettre cette manière d'attirer à soi de l'argent, de rançonner les villes sous prétexte de statues. Je vois, en effet, que la somme est immense, qu'elle monte à cent vingt mille sesterces 60: j'en ai la preuve dans les dépositions et les registres des villes. Verrès lui-même en convient, et il ne peut dire le contraire. Mais que devons-nous croire des choses qu'il nie, puisque celles qu'il avoue sont si criantes? Car enfin, Verrès, que voulez-vous qu'on pense? Que tout cet argent a été employé en statues? Eh bien! supposons-le: souffrirons-nous donc qu'on fasse payer aux alliés des sommes aussi énormes, pour les statues d'un infâme brigand soient placées dans tous les coins des rues, et que l'on puisse à peine y passer sans trembler?

que

LVIII. Mais à quel objet ou à quelles statues a-t-on employé ces sommes immenses? On les emploiera, dira-t-on peut-être. Il faut attendre apparemment les cinq ans marqués par les lois GI : si Verrès n'emploie pas l'argent dans cet intervalle, alors nous l'accuserons de concussion pour l'article des statues. L'accusé est cité en justice, chargé d'une foule de délits graves : nous voyons que, pour un seul objet, il s'est approprié cent vingt mille sesterces. Si vous êtes condamné, Verrès, vous ne songerez pas, je crois, à employer cet argent en statues avant les cinq ans expirés. Si vous êtes absous, qui aura la folie de vous accuser, après cinq ans, pour l'article des statues, vous qui aurez échappé à tant et à de si graves accusations? Si donc cet argent n'est pas encore employé, et s'il est clair qu'il ne le sera pas, qui ne voit qu'on n'a voulu que procurer à Verrès le moyen de tirer à son profit cent vingt mille

VII.

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conciliarit et ceperit, et ceteri, si a vobis hoc erit comprobatum, quam volent magnas hoc nomine pecunias capere possint: ut jam videamur non a pecuniis capiundis homines absterrere, sed, quum genera quædam pecuniarum capiundarum comprobarimus, honesta nomina turpissimis rebus imponere. Etenim, si C. Verres H-S cxx millia populum, verbi gratia, Centuripinum poposcisset, eamque ab his pecuniam abstulisset; non, opinor, esset dubium, quin eum, si tum id planum fieret, condemnari necesse esset. Quid, si eumdem populum H-S ccc millia poposcit, eaque coegit atque abstulit? num idcirco absolvetur, quod adscriptum est, eam pecuniam datam statuarum nomine? Non, opinor: nisi forte id agimus, non ut magistratibus nostris moram accipiundi, sed ut sociis causam dandi afferre videamur. Quod si quem statuæ magnopere delectant, et si quis earum honore et gloria ducitur; is hæc tamen constituat necesse est: primum, averti pecuniam domum non placere; deinde, ipsarum statuarum modum quemdam esse oportere; deinde illud, certe ab invitis exigi non oportere.

LIX. Ac de avertenda pecunia, quæro abs te, utrum ipsæ civitates solitæ sint statuas tibi faciundas locare ei, cui possent optima conditione locare, an aliquem curatorem præficere, 2 qui statuis faciundis præesset, an tibi, an cui tu imperasses,

Auferre. Sed conjectura Hotom. reperta post in cod. Metell. 2 Verba hæc, qui præesset, Herelius non

sine jure quodam insititia judicavit.

sesterces pour un seul objet, et fournir aux autres concussionnaires, si les juges admettent ce prétexte, la facilité de prendre autant d'argent qu'ils voudront en se servant des mêmes excuses? Par là nous paraîtrons non détourner de prendre de l'argent, mais, en approuvant certaines manières d'en prendre, donner des noms honnêtes aux plus honteuses rapines. En effet, si Verrès eût demandé cent vingt mille sesterces au peuple de Centorbe 62, par exemple, s'il eût enlevé aux Centorbiens cette somme, il ne serait pas douteux, je crois, qu'il ne fallût le condamner si la chose était prouvée. Mais s'il a exigé la même somme des mêmes habitants, et s'il l'a extorquée d'eux sous prétexte de statues, sera-t-il absous parce qu'on aura écrit sur les registres que l'argent a été donné pour des statues? Je ne le pense pas, à moins, peut-être, que nous ne songions, non à mettre des obstacles, mais à fournir des prétextes à la cupidité de nos magistrats. Il faut, au contraire, que si quelqu'un d'entre eux est curieux de statues, s'il est flatté de cet honneur et de cette gloire, il se persuade toutefois, d'abord, qu'on n'aime pas qu'il en fasse porter chez lui l'argent; ensuite, qu'on doit mettre des bornes à cette manie des statues; enfin, qu'on ne doit pas les exiger malgré les peuples.

LIX. Et d'abord, pour ce qui est du premier article, je vous le demande, Verrès, les villes étaient-elles dans l'usage, ou de faire elles-mêmes marché pour vos statues, et le meilleur marché possible, ou de nommer quelqu'un pour présider à cette opération, ou de vous compter l'argent à vous ou à un autre commis par vous ? Si les statues étaient faites par les soins de ceux qui vous rendaient cet honneur, je n'ai rien à dire ; mais si l'on comptait l'argent à Timarchide, cessez,

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annumerare pecuniam. Nam si per eos statuæ fiebant, a quibus tibi iste honos habebatur; audio : sin Timarchidi pecunia numerabatur; desine, quæso, simulare, te, quum in manifesto furto teneare, gloriæ studiosum ac monumentorum fuisse. Quid vero? modum statuarum haberi nullum placet? atqui habeatur necesse est. Etenim sic considerate. Syracusana civitas (ut eam potissimum nominem) dedit ipsi statuam : est honos. Et patri : bella hæc pietatis et quæstuosa simulatio. Et filio ferri hoc potest; hunc enim puerum non oderant. Verum quoties, et quot nominibus a Syracusanis statuas auferes? Ut in foro statuerent, abstulisti: ut in curia, coegisti : ut pecuniam conferrent in eas statuas, quæ Romæ ponerentur, imperasti : ut iidem darent homines aratorum nomine; dederunt: ut iidem pro parte in commune Siciliæ conferrent; etiam id contulerunt. Una civitas quum tot nominibus pecuniam contulerit, idemque hoc civitates ceteræ fecerint; non res ipsa vos admonet, ut putetis, modum aliquem huic cupiditati constitui oportere? Quod si hoc voluntate sua nulla civitas fecit; si omnes imperio, metu, vi, malo adductæ, tibi pecuniam statuarum nomine contulerunt per deos immortales, num cui dubium esse poterit, quin, etiamsi quis statuerit, accipere ad statuas licere, idem tamen statuat, eripere certe non licere? Primum igitur in hanc rem testem totam Siciliam citabo : quæ mihi

Lectio F. Ursino probata, præsertim e cap. 67: C. Verris ipsius, et patris, et filii. Alteram vero, isti, alïi magis probant.

je vous prie, quand vous êtes convaincu d'un vol aussi manifeste, de vouloir passer pour avoit été jaloux de gloire et de monuments.

Mais ne doit-on pas se borner aussi pour le nombre des statues? Oui, sans doute, et c'est un devoir nécessaire. En effet, prenons pour exemple Syracuse, et nommons cette ville préférablement à toute autre. Elle a érigé une statue à Verrès : c'est un honneur. Et à son père c'est dans Verrès une ostentation intéressée de tendresse filiale. Et à son fils: cela est supportable encore; elle ne haïssait pas cet enfant. Mais combien de fois et à combien de titres exigerez-vous des statues des Syracusains? Vous en avez exigé pour la place publique, vous en avez ordonné pour le sénat; vous les avez forcés de contribuer pour les statues qui seraient posées à Rome : vous avez voulu qu'ils donnassent de l'argent comme agriculteurs, ils en ont donné; qu'ils contribuassent pour leur part avec tout le corps de la Sicile, ils ont fourni leur contingent comme Siciliens. Une seule ville ayant contribué à tant de titres, et les autres villes ayant fait la même chose, cet abus révoltant ne doit-il pas, Ro-' mains, vous avertir qu'il faut mettre quelque borne à une telle passion? Mais, Verrès, si aucune ville n'a contribué volontairement pour vos statues, si toutes se sont vues forcées par autorité, par crainte, par la violence et les mauvais traitements,, au nom des dieux, peut-on douter que, quand même on déciderait qu'il est permis de recevoir de T'argent pour des statues, on ne décide en même temps qu'il n'est pas permis d'en prendre de force? Ici j'en appellerai au témoignage de la Sicile entière, qui, d'une voix una

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