Page images
PDF
EPUB

par habitude sans doute de venir vous y chauffer (1).

[ocr errors]

Mmes de Villiers et de Contades, revenues à Angers, espéraient être oubliées dans le vieil hôtel de la rue Saint-Georges, où elles vivaient dans les pièces les plus retirées, uniquement occupées d'exercices de piété et de l'éducation des petits enfants. Elles furent en effet tout d'abord épargnées, mais cette tranquillité relative ne suffisait point à calmer leurs craintes, et leurs alarmes étaient continuelles. L'une des premières eut pour objet l'arrivée des Mayençais dans la ville d'Angers. Ils venaient pour combattre les Vendéens, et étaient annoncés partout comme des exterminateurs. Les pauvres femmes apprirent avec effroi qu'un détachement leur était imposé, et se préparèrent en frémissant

(1) Nous empruntons cette anecdote à un manuscrit de M. L. Cosnier, qui a recueilli les souvenirs du marquis Méry de Contades, et qui a bien voulu, avec une parfaite bonne grâce, nous faire, pour cette notice, les communications les plus utiles.

à recevoir cette redoutable visite. Le commandant du détachement leur fut bientôt annoncé. Grande fut leur surprise de voir entrer un jeune homme, de la plus aimable tournure, aux façons gracieuses et presque timides. Le Mayençais agit avec une courtoisie parfaite, et refusa, de la meilleure grâce du monde, la chambre que la maîtresse de maison proposait de lui céder. Quand il partit, ces dames voulurent connaître le nom de ce patriote de bonne compagnie, et lurent sur la plaque de son porte-manteau : Schouardin, commandant du bataillon des chasseurs de Saône-et-Loire.

Le commandant Schouardin ne se départit point de la courtoisie qu'il avait manifestée dès le premier moment. Le lendemain, au Champ de Mars, l'on devait passer en revue les troupes venant de Mayence; Schouardin proposa aimablement de montrer ce spectacle au petit Gaspard de Contades, et le conduisit même, après la revue, au déjeuner de l'étatmajor. Par un sentiment plein de délicatesse,

l'on y but à l'ancienne armée, et Kléber, à l'issue du repas, alla rendre visite, avec ses officiers, à la petite-fille du maréchal de Contades. Il caressa les trois petits garçons et demanda à leur mère si elle comptait en faire des soldats. Elle répondit qu'ils en avaient tous les trois le désir, mais qu'elle craignait que Méry, son second fils, n'en cut jamais la force. « Madame, répondit Kléber, chez un soldat le cœur vaut bien la force. Regardez Schouardin; il a l'air d'une fille : au premier coup de feu, il devient un lion. >> Quelques semaines après, Kléber, à Torfou, disait à Schouardin, en lui montrant le pont de la Sèvre : « Faites-vous tuer là avec votre troupe. » Oui, mon général, répondit simplement le lion, et il y mourut, avec cent des siens.

[ocr errors]
[ocr errors]

Mme de Contades avait reçu d'abord à Angers les héros de la république; elle eut bientôt après à en connaître les bandits. L'on était en janvier. 794. Les habitants de l'hôtel de Villiers, privés d'argent et de bois, souf

frant du froid et de la faim, s'estimaient trop heureux d'être oubliés au fond de leur triste demeure. Ils ne le furent malheureusement pas longtemps.

Une troupe hideuse, précédée d'agents de la commission militaire, envahit un jour l'hôtel. L'on forma, dans une vaste salle du rez-de-chaussée, une sorte de tribunal révolutionnaire, où les pauvres femmes furent contraintes de comparaître. Elles curent à répondre au plus brutal interrogatoire, où l'on ne leur épargna ni insultes ni menaces. La providence néanmoins les préserva ce jour-là et elles en furent quittes cette fois pour la peur. Elles n'étaient pourtant point définitivement sauvées : une seconde et plus redoutable visite leur fut annoncée pour bientôt. L'avertissement venait d'un boulanger dévoué, nommé Chesneau, qui, sous l'apparence du jacobinisme le plus ardent, couvrait de sa protection les aristocrates de la rue Saint-Georges. Il fut impuissant cette fois à conjurer ce nouvel orage, mais Mme de

Contades, prévenue du danger, eut le temps de confier ses enfants à des mains amies. Les sans-culottes se représentèrent peu après, et les malheureuses femmes furent mises en état d'arrestation. Quand il fallut partir, Mme de Contades, songeant à ses enfants plus qu'à elle-même, ne put retenir ses larmes. A ce moment le petit Méry, qui s'était évadé de son asile, vint pour rejoindre sa mère. Elle l'indiqua d'un regard suppliant à la femme Chesneau, qui, mère elle-même, comprit aussitôt cette recommandation muette. La boulangère emmena l'enfant, et le confia à son frère, fermier dans les environs. « J'ai déjà quatre enfants, dit le brave homme à sa sœur ; je saurai bien en nourrir un cinquième.

Mmes de Contades et de Villiers ne furent point mises en jugement à Angers. Après y être restées en prison pendant quelques. jours, elles furent dirigées sur Paris, où les attendait le tribunal révolutionnaire. Le voyage se fit en juillet, par une chaleur ardente, sur de misérables charettes. L'on

« PreviousContinue »