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être méditée et préparée, sera une pratique hebdomadaire de l'art d'improviser. D'autre part, un pasteur est appelé constamment à prononcer des prières près du lit d'un malade ou d'un mourant, dans le cercle d'une famille en deuil, dans un culte domestique; en ces occasions, il improvise, il doit improviser; la préparation est impossible, et il n'est point à regretter qu'elle le soit; la seule précaution préliminaire à prendre, qui ne demande qu'un instant, est de s'assurer le moyen de finir à temps, et ce moyen sera toujours de mettre en réserve une pensée, un texte frappant, un dernier vou. Il est évident que ces devoirs du ministère pastoral deviennent autant d'exercices oratoires et donnent un moyen sûr et facile, d'autant plus légitime qu'il n'a rien d'arbitraire ou d'artificiel, non-seulement de faire l'essai de ses forces, mais d'en mesurer la portée et d'examiner ce qu'on a pu acquérir de facilité d'élocution et de présence d'esprit.

XXI

CONSEILS SUR L'IMPROVISATION.

Le point de départ d'une étude sérieuse de l'improvisation dans la chaire, ainsi que je l'ai déjà indiqué, est celui-ci :

La prédication improvisée, plus encore, s'il est possible, que la prédication mémorisée, a besoin que la composition du discours soit complète dans toutes ses parties. Écrire un sermon sur le papier pour l'apprendre par cœur, ou l'écrire, dirai-je, dans sa tête pour le prononcer d'abondance, sont deux opérations de l'esprit identiques au fond et qui ne varient que dans la forme; leur différence consiste en ce que l'une confie à la plume les idées et les termes; l'autre confie à la mémoire les idées seulement et réserve les développements que l'improvisation amènera. Si ces considérations sont jus

tes, c'est une témérité sans excuse d'improviser sans composer; c'est une folie sans mesure de s'imaginer qu'un sermon improvisé soit un sermon impromptu 1.

Encore une fois, je ne songe pas ici à ces improvisations accidentelles et forcées que des circonstances tout à fait imprévues peuvent imposer; en cas pareil la circonstance même soutient, et l'on

De tout temps, l'imprudence de vouloir être éloquent sans préparation a trouvé des fauteurs et des conseillers. G. Beckher a donné en 1650, à Amsterdam, chez Louis Elzévir, un traité intitulé Orator extemporaneus seu artis oratoriæ Breviarium bipartitum cujus pars prior præcepta continet generalia; posterior praxim in specie ostendit. La première partie n'est qu'un sommaire de rhétorique emprunté aux anciens; la deuxième est de beaucoup la plus curieuse; elle contient des croquis de discours pour toutes les occasions où l'on peut avoir à prendre la parole, et ces allocutions procèdent toujours par majeure, mineure et conséquence, le tout formant 473 pages de fine impression. Ce livre est un des plus frappants exemples de cette inutilité des leçons théoriques d'éloquence, que j'ai essayé de faire ressortir. Et pourtant G. Beckher, comme J. Bruno (voir page 27), a dit dans son introduction : « Ce n'est pas un ouvrage >> prolixe, mais un grand usage du style et de l'élocution qui sera »> notre maître d'éloquence; comme on apprend à parler en » parlant, l'habitude d'inventer enseigne l'invention; celle de >> composer la composition; celle de diviser la division; celle » de débiter le débit; on devient orateur en exerçant l'art » oratoire. » Je n'ai trouvé d'utile dans ce lourd volume que quelques conseils fort sages sur la mémorisation (p. 140 et suiv.) On peut voir sur l'éloquence préparée ou non préparée ce que Plutarque rapporte de Démosthènes (Vie, § XIII et XIV.)

est en droit de se tirer d'affaire comme on peut. Je ne traite que de l'improvisation régulière et fixe des services divins, et j'affirme qu'elle ne peut pas, qu'elle ne doit pas se passer de la composition.

Comme devoir et au point de vue de la responsabilité du pasteur, comme prudence et au point de vue du succès de l'orateur, c'est une faute que rien n'atténue, c'est une témérité que rien n'excuse, de monter en chaire sans préparation, muni d'une ébauche grossière, de quelques notes décousues, ou de l'étude à peine effleurée d'un texte banal. Les exemples s'accumuleraient sous ma plume, s'il n'était trop pénible d'en citer. Qui ne sait qu'à force d'abuser de la facilité que donne un long exercice, et portant à l'excès ce qu'il faut bien nommer le sans-gêne de la prédication, telle réputation de prédicateur, très-justement acquise dans la force de l'âge, est venue tristement expirer bien avant que cette vigueur fût épuisée?

De cette première règle de l'improvisation, il est facile de conclure à la seconde. La composition d'un discours, dont un sommaire seulement sera mis par écrit, doit strictement se conformer aux deux inexorables lois de la méthode et de la gradation précédemment définies. Si ces caractères d'un sermon bien composé, la méthode et la gradation, sont les

deux aides les plus sûrs de l'éloquence pour diriger le débit et secourir la mémoire, combien plus est-il urgent que l'improvisation y trouve ses points d'appui? A vrai dire ce sont les seuls auxiliaires de la présence d'esprit.

Ainsi en est-il pour l'ensemble: la même remarque est à faire avec une égale force quant aux finales et aux transitions. Ce sont les deux guides de la mémoire à travers le discours; ce sont aussi les seuls qui peuvent conduire l'improvisation. De quelque manière que le sermon soit divisé, chaque partie, chaque point, chaque groupe d'idées doit avoir sa finale nettement arrêtée; l'improvisation alors avance d'idée en idée, s'aventure avec plus ou moins d'abandon, se précipite avec plus ou moins d'élan vers cette finale que l'orateur tient en vue; il sait qu'arrivé là il est au terme de cette série de développements, et qu'il y a repos, changement de ton, inversion du geste; puis, à l'instant, il faut que la transition, non moins présente et prête, l'introduise dans la série suivante qu'elle lui rappelle et commence. Une improvisation de quelque durée est un vrai dédale à parcourir, et ce sont là les fils qui font retrouver le chemin. Je ne crois pas qu'il y en ait d'autres.

Le texte ou le mot important du texte peut sou

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